Journée internationale des droits des femmes : la contribution de Maud OLIVIER [Tribune #4]
Françoise Héritier disait : « Nous ne vivons pas la guerre des sexes, mais le fait que les deux sexes sont victimes d’un système de représentation vieux de bien des millénaires. Il est donc important que les deux sexes travaillent ensemble à changer ce système[1]Masculin/Féminin II: Dissoudre la hiérarchie, Paris, Odile Jacob, 2002, p. 148. ».
La libération de la parole des femmes permet de dénoncer clairement les rapports de pouvoir, corollaires de la domination masculine. Car, au-delà du domaine économique et politique, le pouvoir du patriarcat s’exerce bien sûr dans le domaine de la sexualité.
Les représentations de la sexualité des femmes et des hommes en sont des exemples criants. La sexualité féminine n’éveillait que peu d’intérêt dans notre société alors que la sexualité masculine était toujours considérée comme répondant à des pulsions irrépressibles et devant être satisfaites. Cela a contribué à perpétuer la subordination des femmes. Or, la sexualité, comme les stéréotypes, sont construits socialement et culturellement.
Ce n’est que très récemment que la représentation figurative du sexe féminin commence à apparaître en couverture de magazine. Le clitoris est enfin décrit. Après la campagne d’OLF – « Osez le clito » – en 2011 qui avait suscité nombre de réactions négatives, cette année enfin, on a vu fleurir des représentations de l’organe du plaisir féminin. Ce fut une découverte pour beaucoup.
Jusqu’à présent, les combats des femmes portaient essentiellement sur la lutte pour l’égalité des droits, l’égalité salariale ou la parité, l’égalité des places dans l’organisation des pouvoirs, en politique ou dans les entreprises. Il manquait ce point fondamental qu’est l’égalité dans les relations sexuelles. Et pourtant c’est cette lutte qui manquait pour espérer atteindre un jour une réelle égalité.
Aujourd’hui cette revendication a pris toute sa place avec les campagnes sur les réseaux sociaux, par les dépôts de plaintes, qui dénoncent harcèlement et violences subis par les femmes, engendrés par la domination masculine. Ce n’est pas de victimisation dont il est question ici mais d’une force qui enfin s’affiche : le droit de dire non, comme celui de dire oui.
Le harcèlement sexuel dans ce qu’il montre du regard des hommes sur les femmes comme des corps offerts ou à prendre, rejoint la même déviance que le recours à l’achat d’un acte sexuel : les femmes sont possiblement des marchandises qu’on peut s’offrir soit en payant soit en tentant de les v(i)oler.
La loi destinée à lutter contre le système prostitutionnel votée le 6 avril 2016 était bel et bien précurseure de ce à quoi nous assistons aujourd’hui. C’est une loi symbolique parce qu’elle est normative et qu’elle dit ce que notre société accepte, choisit, refuse, que notre société vaut mieux que la misère et la violence. Cette loi est une évidence absolue dans la lutte contre les violences faites aux femmes. La prostitution était la dernière violence, qui n’était pas punie par la loi, qu’on pouvait commettre sur des femmes.
Interdire d’acheter un corps, c’est redonner dignité et respect à ce corps. Combien de personnes prostituées le disent : elles dissocient leur corps de leur esprit, comme les femmes violées. Alors comment nous faire croire que subir des relations sexuelles tarifées sous la contrainte économique ou par la violence, relève du consentement….
La prostitution, c’est la « liberté sexuelle » du client pas celle de la prostituée. Et quand bien même une seule personne prostituée revendiquerait ce choix, au nom de quoi notre société déciderait-elle de ne pas protéger toutes les autres ?
La prostitution constitue en elle-même, et entraîne la plupart du temps, des violences insupportables. Elle est aussi à la base d’un des trafics les plus lucratifs de la planète, la traite d’êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle.
La prostitution est l’indicateur par excellence de l’inégalité entre les femmes et les hommes : 80 à 85% des personnes prostituées sont des femmes, mais surtout 99% des clients sont des hommes.
Aussi, la lutte contre le système prostitutionnel, comme la lutte contre toutes les violences subies par les femmes, ne saurait-elle être appréhendée autrement que comme un pan à part entière du combat pour l’égalité entre les sexes.
Notes
↑1 | Masculin/Féminin II: Dissoudre la hiérarchie, Paris, Odile Jacob, 2002, p. 148. |