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Préparer la BITD à une confrontation économique de haute intensité. L’économie de guerre ou la nouvelle frontière de l’État [Livret #14]

Chef du pôle Défense nationale de L’Hétairie Enseignant à Sciences Po

Dans son dialogue avec l’industrie française, le ministre des Armées Lecornu a rappelé sans ambages qu’un budget en hausse s’accompagne de responsabilités accrues : « Les industriels de la défense doivent être au rendez-vous de l’économie de guerre ». De fait, les concepts de souveraineté, de réindustrialisation, de résilience, de relocalisation, ont été convoqués pour alimenter l’ambition d’un plan de relance porteur d’un « monde d’après » intimement lié à l’innovation et créateur d’emplois.

D’autant que la guerre en Ukraine a mise en exergue le poids et l’impact de nouveaux acteurs disruptifs dans l’économie d’un conflit de haute intensité. En effet, d’aucuns estiment qu’Elon Musk, en mettant gratuitement à disposition des Ukrainiens 25 000 terminaux connectés à la constellation de satellites Starlink a, un temps, fait plus pour soutenir l’Ukraine que n’importe quel état Européen. Ce réseau privé a ainsi contribué à maintenir une couverture internet compensant les infrastructures détruites ou endommagées. Starlink est de fait largement utilisé par les forces ukrainiennes pour calculer la trajectoire de leurs missiles et géolocaliser leurs cibles. Au-delà du caractère fantasque du CEO de SpaceX, l’action d’opérateurs privés rebat les cartes du jeu des acteurs de cette économie mobilisée dans une guerre.

A cet égard, la guerre en Ukraine a accéléré la réforme souhaitée des capacités de production hexagonale. Et le ministre de tirer de nouveaux enseignements en forme d’attente « sur l’organisation de nos armées avec les industries de défense. Nous devons sans doute savoir produire davantage, plus vite et mieux standardiser notre offre ».  A écouter le ministre, qui se glisse dans les pas du Président de la République lors du salon Eurosatory le 13 juin 2022, le dirigisme économique redevient un horizon acceptable. Dans une certaine mesure, celui-ci répond aux attentes de la base industrielle et technologique de défense (BITD) même si cette dernière est désormais contrainte à la performance et aux gains de compétitivités après deux lois de programmation qui ont augmenté de façon conséquente et durable le budget d’équipement des Forces [1]La marche des 3 milliards d’euros ayant même été franchie avec le PLF 2023.. Ses promoteurs rappellent, non sans raison, que celle-ci contribue depuis plus de cinquante ans, de façon directe ou indirecte, au développement, à la production ou au maintien en condition opérationnelle des armements en France.

La BITD, en produisant sur notre sol, canons, missiles, avions et véhicules blindés pour garantir notre chaine d’approvisionnement et donc notre autonomie stratégique, porte le projet d’un État central déployant une économie planifiée au sein de laquelle elle se place en première ligne. Pareille dynamique s’inscrit dans l’ADN de notre industrie de défense, héritage d’une politique d’autonomie de la France vis-à-vis de ses Alliés, initiée au lendemain de la Guerre par Charles de Gaulle. Ce dernier a ainsi posé les fondations d’une politique de défense ambitieuse.

Le développement de l’industrie d’armement a incarné une constante qui a depuis grandi sans discontinuer dans l’ombre de l’État et grâce à son soutien. Régulièrement, le politique veut faire évoluer cette capacité industrielle dont il est le créateur mais qui manifeste parfois une volonté propre lui échappant. Au point que l’on peut s’interroger si la BITD constitue une extension de l’État ou un fournisseur particulier au service de la stratégie de l’État ; si elle se situe encore à l’intérieur de l’État ou à sa bordure. Le terme d’économie de guerre ne tente-t-il pas, en définitive, de refonder la frontière de ce qu’est l’État ? La réforme de la DGA [2]Cf. A. PAPAEMMANUEL, « Le Délégué général pour l’armement (DGA) : un équilibriste dans des temps incertains » (note 85) ; cf. également les notes « Pour une DGA agile … Continue reading, la récente nomination d’un nouveau délégué général et le concept d’économique de guerre en sont peut-être l’ultime manifestation volontaire.

Acteur intermédiaire entre l’État et ses sous-traitants, premier bénéficiaire de la commande publique, l’industrie de défense ne peut donc pas se penser en dehors de la société civile et de ses innovations rapides. La création de l’Agence de l’Innovation de Défense fut motivée par cette ouverture à l’innovation. En effet la BITD devait être orientée afin de transcender les nombreuses initiatives de la French Tech et faire que ses membres ne se trouvent pas intégrés comme sous-traitants vassalisés dans les programmes d’armements mais prennent au contraire place sur la rampe de lancement vers leur rentabilité. L’élément s’avère décisif car l’innovation est une condition du renouvellement de l’action de l’État et une condition au renouvellement de la BITD que l’État doit encadrer, transcender pour jouer des dysfonctionnements d’un outil industriel encore parfois trop dépendant de l’actionnaire étatique.   

Gouverner la BITD

La BITD pose la question de son contour, des chevauchement et recouvrements avec l’action de l’État ; elle requiert un état des lieux lucide de ses forces et faiblesses afin de soutenir ses efforts de compétitivité sur l’échiquier de la compétition monde.

Forces et Faiblesses du monopsone français

Le ministre des Armées a réuni, mercredi 7 septembre à Balard, les représentants du monde de la Défense pour échanger sur l’économie de guerre et les moyens afin de l’optimiser. Pour réussir le triple défi du produire plus, plus vite et avec un budget maîtrisé, le ministre met la pression sur les Armée, souhaitant « que les expressions de besoin émises par le ministère s’intéressent autant aux capacités de production qu’aux questions de conception de programme ». La DGA est chargée de simplifier ses processus et les industriels sont sommés de relocaliser tout en gérant avec plus de rigueur leurs stocks.

C’est une nécessité à la lumière du RETEX ukrainien. En effet, selon une chercheuse de l’IFRI, « l’artillerie ukrainienne consomme quotidiennement plus de 5000 obus, soit une consommation hebdomadaire équivalant au double de celle de la batterie de canons CAESAR utilisés en Irak en un an et demi. » Or, Raphaël Briant estime que « la filière munitions [française] doit s’adapter pour relever le défi de la haute intensité […]. Elle dispose des atouts nécessaires : un tissu industriel performant, des processus maîtrisés et une forte expertise. Elle doit néanmoins trouver un nouvel équilibre, ce qui implique d’étoffer les arsenaux défensifs en maîtrisant les coûts et en poursuivant les efforts entrepris autour de l’amélioration de l’environnement des munitions. ».

Même si la BITD se concentre en Ile-de-France, ses bassins d’emploi s’étendent de Toulon à Toulouse, de Brest à Marignane, de Bordeaux à Rennes. Selon le rapport présenté au Parlement sur les exportations en 2022, la BITD mobiliserait « environ 200 000 emplois directs et indirects, soit autant que le secteur de production automobile [3]En réalité, le Conseil national des professions de l’automobile (CNPA) rappelle que l’automobile représente 400.000 emplois industriels directs et 900.000 avec les services … Continue reading, souvent très qualifiés, par nature peu délocalisables, et répartis dans des centres de production et de recherche sur l’ensemble du territoire ».

En particulier, la BITD reste très nationale alors même que la notion traditionnelle du territoire est remise en cause par les pratiques et stratégies territoriales des firmes transnationales. Elle n’a cependant pas embrassé la dispersion géographique délocalisée à l’exception d’offsets très cadrés (Naval Group avait consenti à transférer une partie de sa production et de ses compétences en Australie, Dassault a dû s’engager à réinvestir la moitié de la valeur du contrat de 36 avions Rafale en Inde) et à la faveur de certains transferts de technologies conditionnant des ventes à l’étranger. Ses bassins d’emploi se tiennent pour certains à l’écart de l’archipel mondial [4]P. VELTZ, Mondialisation, villes et territoires : l’économie d’archipel, Paris, Presses Universitaires de France, 1996., ces grands bassins d’emplois urbains ultra connectés. De fait, à cheval entre mondialisation (performances à l’export) et ancrage territorial (structure de l’actionnariat et localisation), ces grands groupes ont un rôle pivot dans des écosystèmes locaux mais semblent parfois avoir du mal à capter une innovation circulant sans frontière pour répondre à leurs missions.

Dans une économie de guerre, il convient de déterminer les forces et faiblesses de notre outil industriel français :

Cette analyse souligne que les priorités stratégiques d’un État ne peuvent se concevoir sans programme d’armement et financements conséquents pour des sous-marins nucléaire lanceur d’engin, des drones furtifs, des blindés connectés, etc.  Si la BITD ne peut s’affranchir de la puissance publique pour financer ces matériels, l’État souhaite infléchir sa relation à l’écosystème de défense en modernisant les processus, en faisant porter une partie de l’effort des coûts non récurrents sur les pays exports [5]« Je le dis calmement mais clairement : notre pays ne paiera pas seul pour des systèmes d’armes qui bénéficient à d’autres » Florance Parly, Réforme de la DGA, juillet 2018., ou en contrôlant les coûts de réalisation des programmes d’armement. Il y a pour ainsi dire recouvrement aux frontières de l’État et de sa BITD, négociation et débat sur ce découpage afin d’imposer ses propres priorités. Ce débat sur cette frontière émolliente ne doit pas cacher l’impératif de performance, intrinsèque à toute activité industrielle, agissant pour produire des biens matériels destinés à un marché, certes particulier.  

Une compétition à l’écart du marché

Au-delà des grands groupes et acteurs industriels de premier rang, le ministère a de nombreux prestataires plus fragiles. A ce titre, sous l’impulsion de la ministre des Armées Florence Parly, une initiative a permis à la direction générale de l’armement (DGA) d’assurer le suivi des 1400 PME critiques durant la crise sanitaire. Une vigilance accrue avait été demandée par la ministre pour que « toutes les factures de moins de 5.000 euros soient traitées selon une procédure accélérée. Depuis le 20 mars, nous en avons payées 22.000, pour un montant de 23 millions d’euros ». La DGA veille ainsi sur des grands acteurs industriels souverains et sur un écosystème plus morcelé et foisonnant. Elle doit également stimuler cet écosystème pour qu’il soit résilient aux crises tout en l’orientant vers les défis technologiques de de demain.

Ainsi, un indicateur de performance du ruissèlement du Programme Équipements des Forces (146) pourrait-il utilement être mis en œuvre dans le cadre du plan de relance en lien avec l’Agence des participations de l’État (APE) afin de moderniser cette « industrie au service des armées » [Préconisation n°1]. Car la BITD n’a pas pleinement intégré les réflexions que le secteur privé a entamées pour gagner en compétitivité (smart industry, supply chain, etc.). Lors des enquêtes de coûts réalisées par la DGA, il est nécessaire de pouvoir établir une traçabilité fine des marges industrielles [Préconisation n°1 bis] pour s’assurer de leur réinvestissement dans des gains de productivité issus de transformations ou d’évolutions de l’outil de production (modernisation des chaines de montage, pilotage des stock, gestion dynamique des fournisseurs, diversification des approvisionnements).  

Enfin, des logiques de contrôle et de gestion de co-investissements peuvent également se mettre en place sous réserve que les investissements de l’Etat puissent être tracés, associés pour garantir leur cohérence au sein d’un cockpit de l’investissement des priorités stratégiques d’État [Préconisation n°1 ter]. Ce cockpit, véritable tour de contrôle du ministère au service de son anticipation stratégique permettra de mieux piloter son bras armé qu’est la BITD en :

  • Suivant les difficultés d’approvisionnement en certains matériaux et générer des alertes auprès de la BITD,
  • Pilotant Autorisations d’Engagement et Crédits de Paiement pour une gestion plus dynamique des investissements en fonctions de la performance des industriels  
  • Organisant un portefeuille du fonds de roulement des Armées, en fournissant des informations sur les opérations essentielles en matière de trésorerie, de stocks et de commandes afin de garantir l’utilisation optimale de cette ressource
  • Examinant le solde de trésorerie et en monitorant les performances par rapport au plan annuel, triennal et pluriannuel tout en surveillant la demande et les stocks. Cette visibilité sans précédent pourra éclairer les décisions d’achat et fournir des détails essentiels sur les besoins actuels en matière de préparation.

Le cockpit de l’investissement de l’État au service de la souveraineté devrait, par la suite, être décliné dans les territoires à travers un pilotage liant impulsion centrale et actions territoriales en lien avec les pôles de compétitivité, les agences de développement local, les sous-préfets à la relance et les agences décentralisées de la BPI pour garantir l’accompagnement d’acteurs aux technologies duales [Préconisation n°1 quater].

Ce pilotage doit s’appuyer sur une agrégation statistique fine à travers l’Observatoire Économique de la Défense (OED), garant des normes, méthodes et procédures en matière de statistiques et de publications d’indicateurs économiques. Cet observatoire est aujourd’hui dépendant des informations partagées par le tissu industriel. Dans une économie dirigiste où la mobilisation des forces de travail et des sources d’approvisionnement est désormais envisageable, ce service doit pouvoir disposer d’informations en temps réel de son écosystème de défense afin de pouvoir étudier l’environnement économique et financier de la défense et d’en tier les enseignements et alertes si nécessaire.  Le Defense Priorities and Allocations System Program (DPAS) américain, cadre de réquisition de certains secteurs à des fins de sécurité nationale, devient désormais un horizon plausible nécessitant une connaissance fine des entreprises liées à la défense. Connaissance indispensable pour conduire la politique industrielle du ministère, que celle-ci passe par les programmes d’armement (en matière d’équipements ainsi que de recherche et développement), l’appui aux exportations, la participation au capital d’entreprises, l’influence dans les processus de regroupements industriels ou encore les mesures de reconversion industrielles. Il convient donc de créer un secteur d’activité « défense » dans la NAF [Préconisation n°2] pour une qualité statistique plus précise et ainsi orienter la granularité des statistiques produites par les organismes professionnels français ou européens (AeroSpace and Defence Industries Association of Europe, Gifas, etc.)

Cela permettrait au ministre de :

  • délimiter précisément le périmètre des industries manufacturières et tertiaires de défense et de mesurer leur poids dans l’économie française ; 
  • collecter de l’information statistique nécessaire à la description de son fonctionnement, en particulier son comportement en 2020, en période de crise sanitaire.

Mieux comprendre pour mieux orienter sur le chemin de la résilience de l’outil de production. En effet, il convient également de diversifier les sources de financements de la BITD [Préconisation n°3]. Ainsi, une innovation médicale associée à un matériel de pointe militaire pourrait-elle bénéficier d’un cofinancement par deux ou trois ministères. Cette approche nationale, plus concertée, offrirait un plus grand impact européen à nos savoir-faire, parfois moribonds à défaut d’imagination. Le plan France 2030 et le débat autour de la prochaine LPM peuvent offrir l’occasion d’une action étatique concertée et non pas celle de l’arbitrage entre politiques publiques sectorielles en concurrence. Alors que des acteurs innovants et émergeants contestent les parts de marché historique de la BITD, il faut avoir le courage de faire évoluer les acteurs en place. Dans cet esprit, au lieu de réclamer un budget dans un contexte budgétaire « fini », l’État ne pourrait-il pas encourager les acteurs économiques, par des mécanismes d’incitations fiscales, à proposer proactivement des synergies novatrices, des dualités innovantes et des alliances transectorielles spontanées ? [Préconisation n°3 bis]. Les industriels de défense gagneraient à se positionner comme chef de fil ou contributeur sur de nombreux sujet de France 2030 pour combiner les sources de financements. Ainsi serait-il envisageable d’imaginer que la BITD se positionne comme acteur auprès du guichet Hydrogène, qu’elle organise une offre visionnaire dans le cadre des investissements numériques (cyber, quantique) ou spatiaux.En proposant une approche combinant DGA et DGE, la BITD gagnerait à proposer des approches innovantes au service d’une plus grande couverture stratégique [Préconisation n°3 ter]. Dépasser les silos en envisageant, par exemple, des réflexions sur le système de santé publique prenant en compte les besoins du service de santé des armées, associer les mutations du secteur automobiles avec les réflexions sur le MCO des équipements terrestres (chassie, connectivité, énergies, etc.).

Pour faire durablement face à une compétition économique mondiale accrue, ce plan de relance peut se placer au service de la réindustrialisation durable de nos territoires liant central et local, industrie de défense et innovations civiles, hexagone et partenaires européens. Pour ce faire, il paraît nécessaire d’organiser un débat interministériel d’anticipation stratégique sous la responsabilité du Ministère des Armées en s’appuyant sur les services du premier ministre (Haut-commissariat au Plan, France Stratégie, SGDSN, etc.) afin d’identifier l’orientation des études et les besoins en équipements incluant les orientations de l’actualisation de la prochaine Revue stratégique et la perception prospective des chocs futurs des autres ministères (intérieur, santé, écologie, finance, transport, agricultures, etc.) [Préconisation n°4]. La menace protéiforme, impose une concertation interministérielle, transectorielle et mêlant public et privé. Ce forum, héritier du plan prospectif à 30 ans (PP30) agrégateur des besoins en équipements et d’orientation des études et des recherches de défense, doit canaliser un processus conduisant à la planification et la programmation soumis au Parlement dans une démarche de co-construction avec les partenaires industriels et institutionnels. L’actualisation de la prochaine Revue stratégique devrait définir le cœur de notre souveraineté (alimentaire, technologique, médicale, etc.) pour signaler les secteurs dans lesquels il faut réduire notre dépendance (approvisionnements, balance commerciale négative, etc.) pour ne pas subir un rapport de force stratégique avec nos fournisseurs, nos partenaires et nos voisins.

Une contestation sur le flanc de l’innovation

Qui sera le prochain Elon Musk français capable de mettre à disposition ses biens matériels destinés au marché pour combler ce que ne peut pas fournir un État ?  Loin des crédits d’impôts et autres subventions, le tissu économique de l’innovation s’avère fragile en raison de son modèle de développement et de sa rentabilité possible uniquement après plusieurs années d’activité. L’innovation modifie rapidement l’art de la guerre mais l’accès aux opérationnels et aux sources de financements s’avère lent et long pour de nouveaux entrants désireux de faire la différence. Il faut donc les encourager, les soutenir et s’en inspirer car des acteurs hybrides, privés et désireux de désintermédier des industriels historiques s’invitent dans un secteur très conservateur.

En effet, alors qu’émergent ailleurs de nombreux acteurs duaux civilo-militaires qui utilisent les technologies civiles au service de la modernisation de l’action publique (AWS, Space X, Microsoft, Anduril, etc.), la ministre des Armées avait en son temps exhorté son administration à se montrer « ouverte sur l’économie civile, les start-up, tournée vers l’Europe pour permettre le développement de projets de défense innovants [6]Discours de madame Florence Parly à Balard, Adresse aux personnels de la défense, 28 août 2018. ».

Le MinArm, à travers l’impulsion initiale de l’Agence de l’Innovation de Défense, invente pour cela de nouveaux modes d’incitations, de nouveaux outils de financement, pour favoriser notamment les expérimentations rapides (Défi Tech C2IA, Appel à projets LARINAE et COLIBRI de l’AID, etc.). A son tour, et sous l’impulsion de l’État stratège et actionnaire, la France pourrait saisir cette opportunité pour s’inspirer de ces nouvelles cultures afin de bâtir de nouveaux acteurs industriels hybrides, disposant de la robustesse d’un grand groupe mais capables de l’innovation d’une start-up, permettant de conserver l’innovation technologique nécessaire à la conquête des parts de marché à l’export tout en soutenant l’ambition de modernisation des armées françaises [Préconisation n°5].

L’État doit pouvoir consolider mais également créer des dynamiques collectives pour éviter les concurrences « cannibales » et stériles. Si la France invente, elle a du mal à passer à l’échelle industrielle. La pression est grande, comme le souligne un rapport confidentiel de la Cour des comptes qui invite l’État à rompre avec les procédures classiques et les approches historiques de gestion de projet, peu favorables à l’innovation type New Space. Les grandes puissances mondiales choisissent désormais « de s’appuyer plus systématiquement sur un secteur civil en pleine expansion pour satisfaire leurs besoins militaires [7]V. LAMIGEON, « La Cour des comptes allume la stratégie spatiale française », Challenges, 19 janvier 2021. ». Le récent contrat TORNADE (Traitement Optique et Radar par Neurones Artificiels via Détecteurs), portant sur l’acquisition de licences logicielles pour l’analyse via l’IA de grandes masses de données est une première à encourager. En effet, Prelingens, jeune pépite française créée en 2016, est désormais titulaire de ce contrat de 240 millions d’euros sur 7 ans. La DGA marque ainsi un changement de paradigme en France à généraliser. Un acteur innovant peut être acteur de premier rang de la commande publique.  

Une occasion unique se présente pour agréger les fonds de R&D d’initiatives étatiques à ceux d’origine privée, car le monde civil peut désormais apporter des innovations ayant des applications militaires quasi immédiates (imprimantes 3D, IA, NewSpace…). Cette approche permettra d’anticiper et de ne plus subir les prochaines « disruptions » technologiques. Ces nouvelles frontières seront explorées par ces acteurs hybrides, aux contacts de la pression du marché et de ce fait plus agiles et adaptables.

Pareille hybridité pourrait être encouragée en révisant également les contraintes lors des levées de fonds pesant sur des start-ups sommées, par défiance culturelle [8]A. PAPAEMMANUEL et Y. WENDEL, « Dépasser les préventions du secteur financier à l’égard d’un « dirty » business ? Le nécessaire soutien à l’industrie de défense », L’Hétairie, 1er … Continue reading des investisseurs envers le secteur gouvernemental (Venture Capital, Private Equity, banque, etc.), de choisir prématurément et définitivement entre secteur militaire et marché civil [Préconisation n°6].

L’action de Défense Angel est à ce titre exemplaire pour venir en aide au financement de ces jeunes pousses, notamment en proposant à toute personne disposant d’une épargne d’investir dans des entreprises innovantes et d’accompagner les acteurs institutionnels et industriels afin de détecter des innovations d’intérêt pour la Défense. En donnant un sens citoyen à l’épargne des Français, cette initiative permet de dépasser les contraintes de certains capital risques. Cette culture du risque devient alors une qualité pour soutenir l’innovation dans ses phases d’amorçage tout en contribuant au lien Armée Nation. D’ailleurs, au même titre qu’un investissement dans une jeune entreprise innovante bénéficie d’une réduction fiscale de 25%, une réduction supplémentaire pourrait être appliquée aux épargnants et investisseurs dans une start-up stratégique. [Préconisation n°7]. 

Si la frontière pouvait être aisée dans le monde d’avant, la voici désormais troublée par le rythme soutenu des innovations de composants et de ruptures technologiques. Space X en atteste, l’initiative privée, une fois amorcée, peut être encouragée par la commande publique. L’approche de Mind2Shack en France vient combler ce manque en veillant et évaluant les innovations les plus matures pouvant répondre rapidement à des irritants opérationnels en complément de l’action de l’État. Ainsi, en soutenant la nécessaire dualité, l’État peut-il favoriser l’émergence de nouveaux acteurs économiques et industriels au service de sa non-dépendance. Il faut en ce sens renforcer l’action de l’État dans l’émergence et la détection des innovations grâce, par exemple, à des mises en compétition fréquentes, au-delà des acteurs traditionnels, sur des développements exploratoires comme a pu le préconiser la Cour des Comptes [Préconisation n°8].

Encouragée par l’État, l’industrie doit à nouveaux proposer de développer en cofinancement sur fonds propres des démonstrateurs opérationnels (NEURON, ELISA, etc.) avec prise de risque technologique importante. Il faut également relever le seuil des procédures de mise en concurrence pour la R&D, en laissant ainsi aux Autorités Signataires de Marchés plus de latitude pour organiser des mini-concurrences type défi, mieux rémunérées et moins fractionnées si cela est nécessaire [Préconisation n°9].

Il faut enfin encourager les entreprises à se rapprocher des centres d’expérimentations des trois armées. C’est un aspect insuffisamment mis en avant qui peut contribuer au passage des Rapid financés par l’AID en programme d’armement [Préconisation n°10].

Pour appuyer cette préconisation, on observe que deux facteurs ont dynamisé le tissu GovTech [9]Selon la définition du cabinet Roland berger, « les Govtech sont des start-ups technologiques ayant parmi leurs clients au moins un acteur public. Elles ont vocation, à travers leurs … Continue reading outre-Atlantique attirant les investisseurs en capital-risque vers les investissements de défense :

  • Des start-ups technologiques financées par du capital-risque gagnent du terrain sur les acteurs commerciaux ;
  • Le Département américain de la Défense a fait évoluer son approche de la conduite des programmes d’armement, en s’appuyant désormais sur des démonstrateurs puis les passant à l’échelle après confrontation au besoin opérationnel. 

Cet axe est précieux pour contourner la tendance dominante dans la passation de marchés de défense, conduisant souvent à « générer des « solutions à 99 % des problèmes [10]Daniel R. LAKE, “Technology, Qualitative Superiority, and the Overstretched American Military”, Strategic Studies Quarterly, Winter 2012. ». Pour ne pas subir une culture militaire d’optimisme technologique, les dialogues entre l’état-major et la DGA sont désormais plus directs et pragmatiques. Comme pour les drones, n’est-il pas préférable de disposer immédiatement d’une plateforme dronisée, peut-être imparfaite mais opérationnelle, à une ambition sans réalité, obérant le présent pendant une trop longue durée ? Le choix du Reaper pour combler un trou capacitaire n’est plus remis en cause.

Mais même si l’instruction ministérielle n°1516 de 2008 sur la conduite des programmes d’armement a été simplifiée pour un cycle d’acquisition des équipements plus réactifs, les opérations d’armement, sous la pression des opérations militaires, doivent pouvoir incorporer plus rapidement les innovations. C’est pourquoi, aux côtés des indicateurs coûts/délais/performance, il conviendrait de piloter la conduite des opérations par un nouvel indicateur innovation qui viendrait s’ajouter à ceux existant (origine intra ou extra MinArm, réduction du délai de déploiement et d’appropriation, ratio coûts/bénéfice, etc.) [Préconisation n°11]. Il serait notamment pertinent lors des Comité des Capacités, Commission Exécutive Permanente et surtout par le ministre lors des Comités d’Investissement Militaire.

En outre, il est indispensable d’héberger et de susciter des « startups d’État » mais également encourager la création de spin off industriels au sein des grands acteurs de la BITD pour traiter des irritants opérationnels et organisationnels avec une plus grande réactivité (conduite de projet libre et hors processus – seul le résultat compte) [préconisation n°12].

Enfin, l’industrie en économie de guerre impose une certaine adaptabilité et continuité budgétaire. C’est pourquoi, un programme d’armement doit pouvoir s’appuyer sur des provisions financières « pour opportunité », « pour évolutions », ou « prise en compte numériques » afin de laisser à la DGA une certaine latitude pour financer des innovations technologiques pour un programme en cours de réalisation [Préconisation n°13].

Cette économie de guerre impose également, dans le déploiement rapide du numérique, une certaine continuité de gestion aujourd’hui impossible en l’absence d’un responsable unique. Aujourd’hui les programmes numériques sont scindés en Programme 146 « Équipement des forces » pour les nouveaux programmes et Programme 178 « Préparation et emploi des forces » pour financer le Maintien en condition Opérationnelle et de Sécurité (MCO/MCS). Il convient donc de nommer un responsable sur l’ensemble du cycle de vie d’une opération d’armement numérique pour accélérer sa mise en service opérationnelle [Préconisation n°14].

Réformer la BITD

La relation entre l’État et la BITD a toujours été sur le fil, induisant une certaine hypersensibilité et une instabilité quant à la perception du rôle, des devoirs et obligations de chacune des parties prenantes concourant à l’autonomie stratégique de la Nation. Un regard réflexif est indispensable pour hacker son industrie, l’aider à aborder l’incertitude tout en prenant conscience que son action s’inscrit dans un nous inclusif, intégrant un maillage de partenaires tout aussi stratégique et moins vocaux. Car, « il y a le nous qui détermine l’homme et le nous que l’homme détermine [11]T. GARCIA, Nous, Paris, Grasset, 2016.».

Demander à l’industrie de hacker ses programmes d’armement

La guerre en Ukraine rappelle que le terrain dicte l’usage des armements et de leur intégration dans des architectures d’emploi où des systèmes civils sont employés (drone, systèmes de communication, C2, etc.). L’évolution de la menace, du besoin ou du contexte opérationnel doit être prise en compte par la BITD dès la phase de conception pour accueillir des évolutions par incréments/itérations [Préconisation n°15]. Le concept de modularité, après s’être imposé sur les slides et les communiqués de presse, doit devenir une réalité des opérations d’armement.

En effet, la BITD doit penser ses réalisations en incrémental (ajout de fonctionnalités avec évolution de périmètre), clé pour à la fois délivrer de premières versions opérationnelles tout en conservant l’enjeu technologique à terminaison (ou pour un incrément ultérieur). Ainsi, la question du niveau d’adhérence système (plus ou moins intégré ou stand-alone) de tout nouveau sous-système doit-elle se poser ardemment pour plus de modularité [Préconisation n°15 bis].

La BITD doit également généraliser des standards itératifs (réponse progressive à un besoin exprimé à isopérimètre) en dissociant la partie ayant recours à des technologies à long cycle de développement des technologies à cycles plus courts (numérique, capteurs, logiciels, etc.) [Préconisation n°15 ter].

La mise en œuvre de ce principe doit également pouvoir se matérialiser par le détournement de certaines capacités pour d’autres usages. Ainsi des provisions financières dans le devis, pour incrément/opportunité, doivent-elles donner de la souplesse et introduire l’innovation en boucle courte au service du détournement d’un capacité pour répondre à un usage non initialement envisagé [Préconisation n°15 quater].

Une Task Force des hackers des opérations d’armement, mêlant public-privé sur le modèle des complex weapon teams, doit pouvoir passer au crible les capacités opérationnelles pour envisager des usages détournés et spécifier si nécessaire des évolutions de doctrine, d’emploi ou technique [Préconisation n°15 quinquies]. Cette task-force, en lien avec les travaux de la Red Team de l’AID, pourra également proposer des synergies avec les secteur civil (chassie, robotisation, gestion des stocks, logistiques, supply chain, etc.) afin de générer des opportunités rendues possibles par la dualité de certaines technologies. 

Accompagner les industriels vers un soutien de crise

En se projetant dans une économie de guerre, les industriels de la BITD doivent également se projeter dans un soutien de guerre. Les différents groupements d’industriels peuvent ici être à la charnière entre État et industrie et faciliter les échanges grâce au travail collaboratif permis par les outils d’ingénierie système. Le choix d’outils de modélisations partagés pourrait être un point de convergence de l’expression du besoin en complément ou en remplacement de spécifications « classiques » [Préconisation n°16].

Le soutien pose la question des interfaces entre différents acteurs industriels, intervenant à des degrés et des niveaux complémentaires. Au-delà des solutions de contractualisation fluidifiant le traitement des interfaces (cotraitances, sous-traitances, etc.) ou des marchés d’« urbanisation des interfaces », il faudra imposer un standard de la donnée de soutien pour que l’État puisse identifier ses marges de manœuvre concrètes [Préconisation n°17].

En effet, la gestion des stocks nécessite des outils adaptés et mieux distribués pour partager la visibilité aux seuils adéquats. Cette maîtrise de la gestion prévisionnelle des stocks et les points de dépendance stratégique des supply chain doivent être imposés par l’État ou concertés et proposés par les industriels. La BITD doit pouvoir accompagner la montée en compétence de certains MOI en définissant des exigences et les moyens de conformité sur lesquels les industriels pourront être responsabilisés sur le soutien dans le respect des exigences imposée par l’économie de guerre.

Consolidation des acteurs de 2nd rang : une filière nationale à orchestrer autour de la participation de l’État

L’État doit également infléchir sa stratégie « capitalistique » dans le secteur de la défense car il est à la fois, acheteur et actionnaire, client et vecteur d’exportation, donneur d’ordre et contrôleur de coûts dans un écosystème aux interdépendances croisées parfois concurrentes [12]Naval Group est détenu à 35 % par Thales, dont le principal actionnaire est Dassault à 25 %.. Aujourd’hui si les grands acteurs de la BITD sont « nationalisés », il convient d’appliquer les mêmes recettes au profit de la consolidation d’acteurs de taille intermédiaire afin que l’État soit garant d’une chaine de production « stratégique ».

Cette remise à plat s’impose car les injonctions contradictoires sont légion : conserver le contrôle industriel afin de sécuriser l’approvisionnement en équipements critiques mais en même temps développer la concurrence pour obtenir un meilleur prix ; construire des champions industriels performants tout en conservant une certaine marge de manœuvre. Position ambivalente de l’État, où le MinArm négociera en gré à gré avec un industriel en position de monopole pour avoir le meilleur prix alors que Bercy applaudira les remontées de dividendes à la suite des négociations aux marges confortables. L’État doit concilier son ambition de golden boy tout en impulsant une politique industrielle de nationalisation. 

Cette consolidation d’entreprise en hautes technologies est aujourd’hui portée par des fonds d’investissement privés alors qu’elle pourrait l’être par l’État mais également par les industriels eux-mêmes [Préconisation n°18]. A titre d’exemple, le fond d’investissement KKR a conduit, par le rachat de branche d’activité à des industriels européens, à la constitution d’Hensoldt, acteur de l’électronique militaire, en joignant notamment une partie des activités d’EADS DS (Cassidian, Airbus DS, etc.) à celle Nexeya. Cette société allemande est introduite à la Bourse de Francfort à une valorisation qui atteint les 2 milliards d’euros, devenant ainsi la plus grande introduction en bourse en Allemagne en 2020. En associant les forces d’entreprises complémentaires, Hensoldt a dégagé des synergies managériales et commerciales au service d’une plus grande compétitivité tout en étendant son marché accessible : de l’électronique militaire à la sécurisation des stades et des aéroports. Ces intégrations horizontales pourraient, sous la main de l’État ou d’acteurs industriel de défense de premier rang, dégager des économies d’échelles en normalisant l’activité support de l’entreprise, qui peut alors s’appliquer à tous les produits et gammes, entrainant une économie substantielle.

C’est pourquoi les PME innovantes de défense représentent donc des cibles de choix pour des actionnaires étrangers (Photonis, CNIM, etc.). Comme le soulignent Jean Belin, Mahdi Fawaz et Hélène Masson [13]J. BELIN, M. FAWAZ et H. MASSON « Analyse statistique des liens capitalistiques des grandes entreprises de défense européennes et américaines », février 2018. de nombreux fonds américains [14]Capital Group Co, Blackrock Inc, Franklin Resources Inc, Vanguard Group Inc, State Street Corp, Ameriprise Financial Inc, Capital group International et JP Morgan. sont actifs « dans le capital flottant des entreprises européennes cotées sur le marché financier ». C’est pourquoi il s’agit de structurer les dépendances pour éviter de les subir (prises de contrôle étrangères, interdictions d’exportation) car « la maîtrise des flux internationaux de biens, services, capitaux et connaissances utiles à la BITD peut être renforcée, d’abord avec des partenaires européens, mais aussi à l’international afin de sécuriser et capter de nouvelles ressources [15]P. HERAULT, « La Base industrielle et technologique de défense à l’âge de la globalisation », in Revue Défense Nationale, 2015/9 (N° 784), p.95 à 100. ».

Cette maitrise passe donc par un renforcement du tissu des PME. Pour ne pas subir les actions offensives de fonds d’investissement étrangers, l’État doit soutenir prioritairement le tissu industriel des ETI et PME afin de favoriser la constitution d’ETI de taille critique aux chiffres d’affaires conséquents pour exister sur le marché international tout en permettant aux acteurs industriels de premier rang de gagner en compétitivité [Préconisation n°19]. Une action concertée public-privé peut être envisagée au service des intérêts souverains. L’action d’Olivier Dallenbach dans la cadre de la structuration de l’entreprise Chapsvision œuvre au profit d’un acteur du logiciel souverain en rachetant Bertin, Deveryware, Ockham Solutions. Elle démontre qu’une concentration peut être l’action d’acteur privé au bénéfice de l’État.

Pour ne pas rester dans l’ambition « incubatoire », la croissance de nos entreprises technologiques passe par un financement suffisamment important et rapide, afin d’éviter que nos entreprises innovantes à fort potentiel ne fassent l’objet de rachats par les grands groupes mondiaux étrangers.  L’État dispose d’actions spécifiques (Golden Shares) au capital de certaines entreprises, de fonds d’investissements propres et de moyen de contrôler les investissements étrangers dans le capital d’entreprises stratégiques. Cependant, il doit aller plus loin et cibler, sans s’éparpiller, un nombre restreint de biens, services et technologies stratégiques, indispensables à l’exercice souverain des politiques prioritaires à moyen et long terme. La formalisation de cette démarche dans un plan stratégique de non-dépendances industrielles pourra orienter sur le temps long la BITD sur la voie des restructuration industrielles à instruire [Préconisation n°20].

Pareille cartographie des atouts stratégiques de la France doit dépasser le capitalisme d’État, en soutenant la croissance par la mise à disposition de financements spécifiques mais également et surtout d’outils mobilisables au service des gains de compétitivité dans un marché aux contraintes désormais globales. Éthique et compliance, décarbonation, gestion d’une chaine d’approvisionnement aux chocs sont autant de lignes de fracture pour lesquelles l’État comme les acteurs de premier rang de la BITD peuvent accompagner utilement les ETI et PME.

Au-delà de l’édiction de norme mais bien par la labélisation et la mise à disposition de moyen (études et veilles règlementaires, analyse de marché, protection de la propriété intellectuelle, infra et infostructures numériques, audit de vulnérabilités, etc.) la BITD peut, grâce à une approche sectorielle fédérative, soutenir l’émergence de champions sur des marchés de niche atomisés (cyber, santé digitale, biothérapies, décarbonations de l’industrie, etc.) [Préconisation n°21].   

Extérioriser la BITD

La BITD est un tout hétérogène mêlant des acteurs industriels et des laboratoires de tailles variées, un ensemble de calques qui se superposent et induisent ce faisant des intérêts parfois divergents. Les grands acteurs industriels de rang 1 doivent désormais se penser comme des entreprises élargies à leur cercle de partenaires, fournisseurs et sous-traitants. L’économie de guerre impose d’associer l’ensemble des acteurs intervenants dans la chaine de valeur et nécessite un effort d’extérioration et de pédagogie des grands groupes auprès de leur écosystème [Préconisation n°22]. Il faut pour cela communiquer et s’ouvrir à une société civile exigeante.

L’ouverture d’une industrie mutique

En réponse au satisfecit de la ministre des Armées qui saluait notre capacité d’export, le jeune Youtubeur Simon Puech estimait que l’« on a érigé le savoir tuer français en fleuron national », comme il l’exprimait dans une vidéo sur l’industrie de l’armement. Au-delà de l’anecdote, cette position reflète un mouvement plus profond que le simple slogan d’une campagne d’influence. Selon Amnesty International, « 83% des Français penseraient que le commerce des armes français manque de transparence » et « 75% des Français penseraient que le commerce des armes en France devrait faire l’objet d’un débat public ». Détourner le regard face à cette critique, au prétexte que le monde est complexe ou décrédibiliser son détracteur en le cantonnant à un argumentaire idéologique et fallacieux, revient à ne pas faire œuvre de pédagogie concernant le commerce de l’armement et à rendre dès lors caduque toute tentative d’amélioration.

Trop longtemps notre BITD et le ministère de la Défense ont appliqué la stratégie du « vivons heureux, vivons cachés » avec pour conséquence directe ces dernières années des banques qui s’alarment de ce « dirty business » [16]A. PAPAEMMANUEL et Y. WENDEL, « Dépasser les préventions du secteur financier à l’égard d’un « dirty » business ? Le nécessaire soutien à l’industrie de défense », … Continue reading, contraignant l’État à intervenir afin de leur rappeler leur rôle de soutien à l’économie. 

Dans cet objectif, le rapport détaillant les exportations d’armement de la France a vu son format repensé afin de répondre avec plus de clarté et de lisibilité aux attentes de la société civile sur le contrôle des exportations d’armement. L’intégration du rapport annuel établi au titre du Traité sur le commerce des armes (TCA) démontre une volonté de transparence, comme en témoigne également la publication des statistiques de refus d’octroi de licences d’exportations aux industriels français sur la base des 8 critères de la Position commune de l’Union européenne. En parallèle, le rapport d’information sur « le contrôle des exportations d’armement, une contribution à l’Europe de la défense » des députés Jacques Maire (dont le mandat est désormais clos) et Michèle Tabarot (toujours membre de la Commission des Affaires étrangères) a constitué une nouvelle étape dans ce processus de glasnost. Il formulait une trentaine de préconisations dont la création d’une délégation parlementaire dédiée au contrôle des ventes d’armes afin d’effectuer un contrôle a posteriori sur les exportations d’armement.

La société civile s’empare des sujets de la BITD malgré cette dernière qui a connu de réelles évolutions en se modernisant (un peu), s’exportant (beaucoup), se diversifiant (modérément) pour devenir multidomestique et multisectorielle, sans s’ouvrir aux citoyens, salariés, universités, etc. De fait, sa seule transformation profonde ou radicale a résidé dans la conquête de marchés en dehors de nos frontières dans la mesure où, « pour que les programmes d’armement soient viables, il faut que les entreprises de défense puissent prospérer [17]R. MIELCAREK, Marchands d’armes : Enquête sur un business français, Paris, Tallandier, 2017. Même si, avant d’être profitable ou de gagner des parts de marché, l’objectif premier … Continue reading ».

Si la Fabrique défense et la mise en place des pôles d’excellence académique nationaux sur les questions de défense dans le domaine des sciences humaines et sociales sont des amorces pertinentes, il convient de poursuivre et d’accélérer la dynamique de publicité et de pédagogie en matière de commerce des armes, à destination des médias, du grand public et en particulier du monde universitaire [Préconisation n°23]. Ce consensus est indispensable pour une économie de rupture technologique pérenne. Or la (re)localisation d’activités productives sur le territoire national suppose que les Français acceptent l’implantation de nouvelles industries dans leur voisinage. Les récentes mobilisations citoyennes laissent supposer une nécessaire pédagogie au service de l’acceptation sociale.

Comme le commerce de la BITD, les technologies stratégiques d’aujourd’hui et de demain portent des enjeux sociétaux majeurs car concourent aussi bien à une alimentation saine et durable, qu’à la transition énergétique (hydrogène, décarbonation de l’industrie) ou à la souveraineté numérique (technologies du quantique, infrastructures de stockage et protection et sécurisation de nos vies privées sur internet) et nécessite de ce fait une politique lisible et inclusive au service de l’approbation citoyenne [Préconisation n°23 bis].  

Vers la diversité des profils

Face à cette image négative de la BITD, cette dernière gagnerait à diversifier ses profils pour bénéficier d’une ressource capable de comprendre des enjeux de plus en plus complexes en y associant les grandes écoles et les universités. La BITD doit être en avance sur de nombreux sujets transverses comme ceux de l’inclusion et de la diversité [Préconisation n°24]. La lutte en faveur de la pluralité est un outil favorisant la richesse des points de vue et la créativité tout en évitant l’endogamie stérile. Si une certaine distorsion peut être liée au processus d’habilitations au sein de la BITD, la diversité ne doit se réduire à « un atout inestimable pour mieux comprendre les clients», c’est une façon d’être au monde, en plus d’un vecteur de croissance.

En définitive, cette industrie ne doit pas seulement s’intégrer dans le monde qui l’entoure mais bel et bien intégrer ce monde qui l’entoure en diversifiant les recrutements, les écoles et les milieux. De nouveaux profils, avec de nouvelles méthodes et cultures pourraient apporter un regard innovant sur la gestion de projets et d’équipes, tout en disposant des compétences pour communiquer avec la société civile.

La BITD, plus que les autres secteurs, est un acteur avec une responsabilité sociale forte qui pourrait jouir d’un effet de levier rare notamment sur la diversité et l’inclusion. Cette ouverture serait le gage d’une entreprise à l’image de la société mais aussi l’assurance d’une responsabilité sociale plus grande.

Conclusion : Affronter nos certitudes !

Le plan de relance « qui permet d’accélérer les transformations écologique, industrielle et sociale du pays » comme le plan « France 2030 », doté de 34 milliards d’euros déployés sur 5 ans, doivent constituer deux occasions à saisir par la BITD. L’État pourrait ainsi combiner la compétence et des retours d’expériences industriels précieux à la volonté de la DGA de servir l’anticipation technologique de la France.

Si l’industrie de défense est un exemple à suivre pour orienter sur le temps long nos filières stratégiques à rebâtir, le budget de défense reste « un Janus » à deux faces économiques dont il est délicat d’analyser finement l’impact sur l’économie réelle. 

Le budget équipement du MinArm est assurément sans équivalent sur le plan national (2ème dépense de l’État derrière l’éducation nationale) et les commandes de l’État auprès de la BITD n’ont jamais été aussi nombreuses. Or la bulle « défense » bruisse de la crainte d’un monde en crise pouvant affecter ses lignes de productions.

« Le monde d’après » débute avec les même reflexes que celui d’avant, une pincée de corporatisme s’adressant au dirigisme économique dans la plus pure tradition colbertiste faisant de la commande publique une manne à capter [18]« Les doléances des industries de sécurité à Bercy pour rebondir sur la crise sanitaire », La Lettre A, édition du 19 mai 2020. et à conserver dans une logique conquérante. Or, « l’économie de guerre » nous oblige collectivement.

Imaginons des demandes multisectorielles loin des logiques propriétaires, des projets dépassant la concurrence partisane et exigeons un environnement d’action plus simple car comme le soulignait le CEMA lors de son audition devant l’Assemblée nationale : « notre mode de fonctionnement est devenu trop complexe. L’accumulation de normes et de directives multiples nous empêche de fonctionner de manière souple et réactive. Nous devons retrouver une forme d’agilité au service de l’opérationnel, à l’instar de la procédure des urgences opérationnelles qui nous permet d’obtenir rapidement certains équipements qui nous font défaut. C’est donc possible. L’état d’esprit qui consiste à trouver la solution plutôt que d’expliquer pourquoi les choses ne devraient pas être faites devrait être un peu plus répandu. »

Les mentalités doivent évoluer sur deux axes.

  • L’innovation est avant tout culturelle et doit s’opposer aux réflexes réconfortants d’une maitrise totale des risques. La performance de la DGA ne peut pas s’évaluer à l’aune des recours administratifs qu’elle a remporté ou de l’exécution stricte de son budget. Le MinArm doit permettre à des jeunes entrepreneurs innovants de devenir des entrepreneurs à succès. Aujourd’hui il faut que le chemin ouvert par l’AID pour les accompagner loin des aversions culturelles et des défis règlementaires, deviennent une autoroute.
  • L’État doit prendre sa place de donneur d’ordre, d’impulsion politique (identification des menaces, cadre budgétaire, coopération politique,) et ses fournisseurs doivent dépasser ses attentes avec une ADN d’entrepreneur

Il est en effet indispensable de repenser le cadre, de se libérer du carcan, de faire vivre l’héritage et de ne pas subir les contraintes que nous nous infligeons. Il devient urgent de repenser la BITD au risque que le marché impose un mouvement de fond.

La BITD est le fruit d’un héritage qui ne doit pas décourager l’action au profit du patrimoine au risque sinon de se résigner à errer dans un monde fini, un hexagone prison dont nous serions le premier geôlier. Or, comme le rappelle le Prisonnier dans la série éponyme, « Le temps est compté. C’est impossible de faire plaisir à tout le monde. Il faut déplaire à beaucoup de gens pour sauver le monde [19]Le prisonnier, série anglaise, 1967.».

Synthèse des recommandations 

GOUVERNER LA BITD

Préconisation n°1 : Instituer un indicateur de performance du ruissèlement du Programme Équipements des Forces (146) dans le cadre du plan de relance en lien avec l’Agence des participations de l’État (APE) afin de consolider l’écosystème industriel de défense.

Préconisation n°1 bis : Lors des enquêtes de coûts réalisées par la DGA, il est nécessaire de pouvoir établir une traçabilité fine des marges industrielles pour s’assurer de leur réinvestissement dans des gains de productivité issus de transformations ou d’évolutions de l’outil de production.  

Préconisation n°1 ter : Créer un cockpit de l’investissement des priorités stratégiques d’État afin de mieux piloter la BITD

Préconisation n°1 quater : Le cockpit de l’investissement de l’État au service de la souveraineté devrait, par la suite, être décliné dans les territoires à travers un pilotage liant impulsion centrale et actions territoriales en lien avec les pôles de compétitivité, les agences de développement local, les sous-préfets à la relance et les agences décentralisées de la BPI pour garantir l’accompagnement d’acteurs aux technologies duales.

Préconisation n°2 : Il convient de créer un secteur d’activité « défense » dans la NAF pour une qualité statistique plus précise et ainsi orienter la granularité des statistiques produites par les organismes professionnels français ou européens

Préconisation n°3 : Diversifier les sources de financements de la BITD.

Préconisation n°3 bis : Encourager les acteurs économiques, par des mécanismes d’incitations fiscales, à proposer proactivement des synergies novatrices, des dualités innovantes et des alliances transectorielles spontanées.

Préconisation n°3 ter : Proposer une approche combinant DGA et DGE afin que la BITD propose des approches innovantes au service d’une plus grande couverture stratégique.

Préconisation n°4 : Organiser un débat interministériel d’anticipation stratégique sous la responsabilité du Ministère des Armées en s’appuyant sur les services du premier ministre (Haut-commissariat au Plan, France Stratégie, SGDSN, etc.) afin d’identifier l’orientation des études et les besoins en équipements incluant les orientations de l’actualisation de la prochaine Revue stratégique et la perception prospective des chocs futurs des autres ministères (intérieur, santé, écologie, finance, transport, agricultures, etc.).

Préconisation n°5 : Bâtir de nouveaux acteurs industriels hybrides, disposant de la robustesse d’un grand groupe mais capables de l’innovation d’une start-up, permettant de conserver l’innovation technologique nécessaire à la conquête des parts de marché à l’export tout en soutenant l’ambition de modernisation des armées françaises.

Préconisation n°6 : Réviser les contraintes qui pèsent, lors des levées de fonds, sur des start-ups sommées, par défiance culturelle des investisseurs envers le secteur gouvernemental (Venture Capital, Private Equity, banque, etc.), de choisir prématurément et définitivement entre secteur militaire et marché civil.

Préconisation n°7 : Au même titre qu’un investissement dans une jeune entreprise innovante bénéficie d’une réduction fiscale de 25%, appliquer une réduction supplémentaire aux épargnants et investisseurs dans une start-up stratégique. 

Préconisation n°8 : Renforcer l’action de l’État dans l’émergence et la détection des innovations grâce, par exemple, à des mises en compétition fréquentes, au-delà des acteurs traditionnels, sur des développements exploratoires comme a pu le préconiser la Cour des Comptes.

Préconisation n°9 : Relever le seuil des procédures de mise en concurrence pour la R&D, en laissant ainsi aux Autorités Signataires de Marchés plus de latitude pour organiser des mini-concurrences type défi, mieux rémunérées et moins fractionnées si cela est nécessaire.

Préconisation n°10 : Encourager les entreprises à se rapprocher des centres d’expérimentations des trois armées.

Préconisation n°11 : Piloter la conduite des opérations par un nouvel indicateur innovation qui viendrait s’ajouter à ceux existant (origine intra ou extra MinArm, réduction du délai de déploiement et d’appropriation, ratio coûts/bénéfice, etc.).

Préconisation n°12 : Héberger et susciter des « startups d’État » mais également encourager la création de spin off industriels au sein des grands acteurs de la BITD pour traiter des irritants opérationnels et organisationnels avec une plus grande réactivité.

Préconisation n°13 : Un programme d’armement doit pouvoir s’appuyer sur des provisions financières « pour opportunité », « pour évolutions », ou « prise en compte numériques » afin de laisser à la DGA une certaine latitude pour financer des innovations technologiques pour un programme en cours de réalisation.

Préconisation n°14 : Il convient de nommer un responsable sur l’ensemble du cycle de vie d’une opération d’armement numérique pour accélérer sa mise en service opérationnelle.

REFORMER LA BITD

Préconisation n°15 : L’évolution de la menace, du besoin ou du contexte opérationnel doit être prise en compte par la BITD dès la phase de conception pour accueillir des évolutions par incréments/itérations.

Préconisation n°15 bis : La question du niveau d’adhérence système (plus ou moins intégré ou stand-alone) de tout nouveau sous-système doit se poser ardemment pour plus de modularité.

Préconisation n°15 ter : La BITD doit généraliser des standards itératifs (réponse progressive à un besoin exprimé à isopérimètre) en dissociant la partie ayant recours à des technologies à long cycle de développement des technologies à cycles plus courts (numérique, capteurs, logiciels, etc.).

Préconisation n°15 quater : Prévoir des provisions financières dans le devis, pour incrément/opportunité, afin de donner de la souplesse et introduire l’innovation en boucle courte au service du détournement d’un capacité pour répondre à un usage non initialement envisagé.

Préconisation n°15 quinquies : Une Task Force des hackers des opérations d’armement, mêlant public-privé sur le modèle des complex weapon teams, doit pouvoir passer au crible les capacités opérationnelles pour envisager des usages détournés et spécifier si nécessaire des évolutions de doctrine, d’emploi ou technique.

Préconisation n°16 : Le choix d’outils de modélisations partagés pourrait être un point de convergence de l’expression du besoin en complément ou en remplacement de spécifications « classiques ».

Préconisation n°17 : Imposer un standard de la donnée de soutien pour que l’État puisse identifier ses marges de manœuvre concrètes.

Préconisation n°18 : Porter, au sein de l’Etat ou des industriels, une démarche de consolidation d’entreprise en hautes technologies aujourd’hui du seul ressort des fonds d’investissement privés.

Préconisation n°19 : L’État doit soutenir prioritairement le tissu industriel des ETI et PME afin de favoriser la constitution d’ETI de taille critique aux chiffres d’affaires conséquents pour exister sur le marché international tout en permettant aux acteurs industriels de premier rang de gagner en compétitivité.

Préconisation n°20 : Cibler un nombre restreint de biens, services et technologies stratégiques, indispensables à l’exercice souverain des politiques prioritaires à moyen et long terme. La formalisation de cette démarche dans un plan stratégique de non-dépendances industrielles pourra orienter sur le temps long la BITD sur la voie des restructuration industrielles à instruire.

Préconisation n°21 : Etablir une approche sectorielle fédérative afin de soutenir l’émergence de champions sur des marchés de niche atomisés (cyber, santé digitale, biothérapies, décarbonations de l’industrie, etc.).   

EXTERIORISER LA BITD

Préconisation n°22 : L’économie de guerre impose d’associer l’ensemble des acteurs intervenants dans la chaine de valeur et nécessite un effort d’extérioration et de pédagogie des grands groupes auprès de leur écosystème.

Préconisation n°23 : Poursuivre et accélérer la dynamique de publicité et de pédagogie en matière de commerce des armes, à destination des médias, du grand public et en particulier du monde universitaire.

Préconisation n°23 bis : Développer une politique lisible et inclusive au service de l’approbation citoyenne des industries de défense.  

Préconisation n°24 : La BITD doit être en avance sur de nombreux sujets transverses comme ceux de l’inclusion et de la diversité, notamment par le biais de ses recrutements.

Notes

1 La marche des 3 milliards d’euros ayant même été franchie avec le PLF 2023.
2 Cf. A. PAPAEMMANUEL, « Le Délégué général pour l’armement (DGA) : un équilibriste dans des temps incertains » (note 85) ; cf. également les notes « Pour une DGA agile au service des armées » (note 27), « L’innovation du ministère des Armées : un défi au désir » (note 28), « La DGA : une référence au service d’une souveraineté européenne » (note 29).
3 En réalité, le Conseil national des professions de l’automobile (CNPA) rappelle que l’automobile représente 400.000 emplois industriels directs et 900.000 avec les services (concessionnaires, garages, auto-école, etc.). Malgré cela, la BITD possède un poids économique indéniable dans notre pays.
4 P. VELTZ, Mondialisation, villes et territoires : l’économie d’archipel, Paris, Presses Universitaires de France, 1996.
5 « Je le dis calmement mais clairement : notre pays ne paiera pas seul pour des systèmes d’armes qui bénéficient à d’autres » Florance Parly, Réforme de la DGA, juillet 2018.
6 Discours de madame Florence Parly à Balard, Adresse aux personnels de la défense, 28 août 2018.
7 V. LAMIGEON, « La Cour des comptes allume la stratégie spatiale française », Challenges, 19 janvier 2021.
8 A. PAPAEMMANUEL et Y. WENDEL, « Dépasser les préventions du secteur financier à l’égard d’un « dirty » business ? Le nécessaire soutien à l’industrie de défense », L’Hétairie, 1er mars 2018.
9 Selon la définition du cabinet Roland berger, « les Govtech sont des start-ups technologiques ayant parmi leurs clients au moins un acteur public. Elles ont vocation, à travers leurs activités, à améliorer l’action publique et créer les services publics de demain ».
10 Daniel R. LAKE, “Technology, Qualitative Superiority, and the Overstretched American Military”, Strategic Studies Quarterly, Winter 2012.
11 T. GARCIA, Nous, Paris, Grasset, 2016.
12 Naval Group est détenu à 35 % par Thales, dont le principal actionnaire est Dassault à 25 %.
13 J. BELIN, M. FAWAZ et H. MASSON « Analyse statistique des liens capitalistiques des grandes entreprises de défense européennes et américaines », février 2018.
14 Capital Group Co, Blackrock Inc, Franklin Resources Inc, Vanguard Group Inc, State Street Corp, Ameriprise Financial Inc, Capital group International et JP Morgan.
15 P. HERAULT, « La Base industrielle et technologique de défense à l’âge de la globalisation », in Revue Défense Nationale, 2015/9 (N° 784), p.95 à 100.
16 A. PAPAEMMANUEL et Y. WENDEL, « Dépasser les préventions du secteur financier à l’égard d’un « dirty » business ? Le nécessaire soutien à l’industrie de défense », L’Hétairie, 1er mars 2018.
17 R. MIELCAREK, Marchands d’armes : Enquête sur un business français, Paris, Tallandier, 2017. Même si, avant d’être profitable ou de gagner des parts de marché, l’objectif premier consiste à soutenir les Armées avec des équipements répondant au respect du triptyque des coûts, des délais et de la performance opérationnelle.
18 « Les doléances des industries de sécurité à Bercy pour rebondir sur la crise sanitaire », La Lettre A, édition du 19 mai 2020.
19 Le prisonnier, série anglaise, 1967.