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La DGA : une référence au service d’une souveraineté européenne [Note #29]

Avocate, ancienne députée de la Gironde et ancienne membre de la Commission de la Défense nationale et des Forces Armées

Sénateur du Territoire de Belfort, Vice Président de la Commission des Affaires Étrangères, de la Défense et de Forces Armées

Comme le prouvent les performances de notre industrie de défense sur les marchés export, la France bénéficie des dépenses militaires qui ont progressé dans le monde entier. Les États se réarment, comme l’a souligné le général François Lecointre, chef d’état-major des armées : « Nous sommes en train de sortir d’une période de domination tranquille du camp occidental, au lendemain de la guerre froide. Les puissances qui se réveillent aujourd’hui étaient beaucoup plus discrètes, ou encore abasourdies par l’effondrement du mur de Berlin. Les Occidentaux, notamment les Européens, s’en sont satisfait sans mesurer que c’était une période de grâce qui ne durerait pas [et] sans mesurer que cette période de calme relatif et d’apaisement n’était autorisé que parce que le grand frère américain tout-puissant était là ».

Face à la position américaine, l’Europe doit prendre en mains sa défense et sa sécurité. La coopération s’affirme donc comme une nécessité pour faire collectivement face à des programmes d’armement toujours plus coûteux. La ministre des Armées l’a souligné le 5 juillet dernier : « A l’heure où la commission européenne annonce 13 milliards d’euros pour le fonds européen de défense, je trouverais insensé que la France n’investisse pas ces structures. Il ne s’agit pas de dévitaliser la DGA, au contraire : la France doit être à la manœuvre dans ces organismes internationaux, et assumer un leadership dans ces programmes européens, justement parce que la DGA est la championne européenne en ingénierie et en conduite de programmes d’armement ».

Il convient désormais de mettre la DGA en ordre de bataille pour exister à l’échelle européenne sans angélisme béat, ni méfiance exacerbée. Mais comment concilier des injonctions aussi contradictoires que l’indépendance de l’outil de défense, l’approvisionnement au meilleur prix, la maximisation des bénéfices des industriels de défense et le maintien de bassins d’emplois ?

La DGA n’en a pas fini, tel Sisyphe, de pousser le rocher de la coopération, châtiment d’une organisation qui a tenté d’échapper à la mort induite par la raréfaction des budgets nationaux mais qui, pour autant, a échoué à conquérir l’immortalité européenne (II).  L’absence d’une direction en charge de la coopération (III) et de moyens pour soutenir les exportations (III) sont autant d’écueils qui peuvent freiner durablement la succes story de la French Military Touch à l’export (I).

Le SOUTEX : des ressources indispensables dans un jeu où tous les coups sont permis

Une expertise pour identifier les faiblesses des systèmes d’armes français proposés à l’export

A l’heure où les murs s’érigent à coup de tweets, il s’avère plus qu’indispensable de penser notre autonomie stratégique à l’aune de notre souveraineté industrielle et donc des coopérations consenties. Florence Parly a souligné, à l’Université d’été de la défense, que les intentions du président américain Trump avaient été bien comprises : les États-Unis « sont nos alliés et nos amis, et ils le resteront. Et l’Otan demeure le pilier de la sécurité transatlantique face aux plus grandes menaces. Mais le doute s’est installé. Que se passera-t-il si, demain, l’Europe se retrouve seule pour assurer sa propre défense ? ». Dans un domaine où les alliances sont volatiles, la DGA doit donc être une vigie au service de notre autonomie stratégique technologique dans le domaine de la coopération au service de notre exportation [Préconisation n°27].

En effet, la DGA doit plus que jamais prendre en compte les mutations du contexte international car elles influent sur une concurrence internationale exacerbée entre les États. Cette compétition se matérialise toujours de façon sournoise. Il suffit de ralentir, voire de bloquer, des opérations d’armement par des restrictions d’exportation de certains composants constitutifs d’une capacité opérationnelle. Les alliances entre les États sont fluctuantes quand de gros contrats d’armement export sont en jeux. Ainsi la réglementation ITAR (International Traffic in Arms Regulations) permet-elle aux États-Unis d’autoriser ou non une exportation d’un pays étranger vers un autre quand un matériel militaire comporte des composants américains. La ministre l’a reconnu : « nous sommes à la merci des Américains quand nos matériels sont concernés. Avons-nous les moyens d’être totalement indépendants des composants américains ? Je ne le crois pas. Cherchons-nous à améliorer la situation ? La réponse est oui. » Ainsi, les Falcon Eyes, deux satellites de reconnaissance optique pour les Émirats arabes unis (EAU) réalisés par des filiales françaises des groupes Airbus Space Systems et Thales Alenia Space ont-ils fait l’objet d’âpres négociations à la suite des problèmes induits par la réglementation américaine ITAR. De même, en vertu de leur réglementation les États-Unis ont bloqué la vente de missiles de croisières SCALP à l’Égypte, et donc celle d’un lot de 12 avions Rafale supplémentaires. Comment ? Une puce électronique de facture américaine qui n’a pas été autorisée par Washington à être vendue au Caire.

C’est pourquoi la DGA doit garder des compétences pour garantir l’indépendance des filières d’approvisionnement des produits français proposés à l’export. Ce travail est colossal et pourtant indispensable à l’heure où les sous-composants technologiques sont de plus en plus enfouis et de moins en moins souverains. Il convient d’auditer l’ensemble des sous-composants d’un système d’armes, en connaître leur origine et évaluer les risques de dépendances consenties qui ne manqueront pas de se révéler au moment de la signature du contrat à la suite d’une âpre bataille commerciale. L’administration doit être armée pour manœuvrer dans un jeu aux conséquences politiques lourdes. Sur l’échiquier d’une compétition mondiale, il faut disposer de toutes les pièces pour espérer gagner la partie.

La DGA pour promouvoir les systèmes d’armes français à l’export

Pas de contrat à l’export, sans action promotionnelle de l’État. Le marché des armes est ainsi fait qu’il se contracte d’État à État. Le soutien par l’administration à l’exportation des industriels français constitue le critère décisif de sélection pour les pays importateurs. Ainsi Naval Group a-t-il remporté le 26 avril 2016 le « contrat du siècle » d’un montant total de 50 milliards de dollars australien (35 milliards d’euros) aux dépens de l’Allemagne (TKMS) et du Japon (Mitsubishi Heavy Industries) grâce au soutien de l’Etat lui garantissant surtout une réelle pérennité.

Le label « utilisé par les Armées Françaises » ne suffit plus pour qu’un État décide de lier son destin à un autre État. En effet, un industriel de défense devait précédemment vendre à ses armées nationales avant de pouvoir séduire un prospect à l’export. Le chemin est désormais inversé. La commande publique nationale ne constitue plus ce passage obligé avant de convaincre un client étranger[1] Kovacic, William E., and Dennis E. Smallwood, « Competition Policy, Rivalries, and Defense Industry Consolidation », Journal of Economic Perspectives, 8 (4), 1994, p. 91-110.. Désormais les grands contrats export deviennent indispensables pour rester le champion national car la manne financière étrangère dispense des investissements permettant d’anticiper les ruptures technologiques à venir. Dans cette optique, le politique doit s’investir dans ces négociations pour pérenniser le « savoir-faire » national.

Or cette activité pèse lourdement sur l’activité des services du ministère et des Armées. Selon les sénateurs, 414 Équivalent Temps Plein (ETP) ont été mobilisés au titre du Soutex (soutien à l’export) en 2017. En effet, la ministre le reconnaît : « les exportations d’armement sont le business model de notre souveraineté. » La LPM prévoit ainsi qu’ « au-delà des engagements opérationnels définis par les contrats, les armées pourront être sollicitées pour apporter leur expertise dans les actions de soutien aux exportations des matériels ». Dès lors, la DGA devrait très normalement bénéficier d’une partie conséquente des 400 postes consacrés à cette activité normalement créés sur la durée de la programmation, car les contrats exports deviennent désormais stratégiques pour la pérennité des savoir-faire d’une entreprise.

Mais est-il encore temps de défendre une industrie nationale à l’heure de l’émergence de nouveaux pays en passe de devenir indépendants à force d’offset ? Pour rester compétitif, il faut surtout que l’industrie de défense européenne face alliance pour porter les coûts de capacités opérationnelles toujours plus onéreuses. La DGA a un rôle crucial à jouer dans l’affirmation d’une souveraineté européenne.

Faute d’un budget suffisant, le nombre de programmes en coopération devra être augmenté de 36 % par rapport à la précédente LPM

Le Président de la République a souhaité redonner une impulsion à la défense Européenne, invoquant tantôt une armée européenne, tantôt une défense européenne.  L’hymne à la joie devait permettre un nouvel élan au service d’une coopération européenne renforcée ! Alors que beaucoup ont qualifié cet élan d’illusoire et de naïf, trois avancées ont marqué l’année 2017, sous l’impulsion de la France :

  • la coopération structurée permanente
  • le fonds européen de défense
  • l’initiative européenne d’intervention

Après une déclaration commune à vingt-trois pays membres, le 13 novembre 2017, la Coopération structurée permanente (CSP, ou PESCO en anglais) est désormais légalement établie. Les États membres ont en effet décidé de mettre en place une coopération militaire plus étroite. Chacun s’en félicite et voit dans cette coopération un outil miraculeux de réduction des coûts des programmes d’armement. Mais les intérêts nationaux sont tenaces et si, dans la Revue stratégique, la France a érigé en priorité la coopération, il semble que les dossiers éligibles sans sacrifier notre autonomie stratégique ne soient pas légion.

Le politique constitue le moteur premier de la coopération. Il s’avérait effectivement indispensable de réinjecter de la volonté politique car les programmes en coopération sont aujourd’hui remis en question par la montée des égoïsmes nationaux qui font peser la menace d’approvisionnements étrangers fluctuants mais aussi par les coûts supplémentaires qu’ils induisent (retour géographique, production spécifique pour répondre au besoin des pays, intégration industrielle insuffisante, surcoûts unitaires importants…)[2] Cour des Comptes, La coopération européenne en matière d’armement, 17 avril 2018.. En effet, sans politique, pas de coopération possible car l’industrie nationale ne peut spontanément souscrire à une réduction de son leadership ou à une disparition de son savoir-faire. Il est toujours délicat de scier la branche sur laquelle repose son destin. Si le projet de futur avion de combat européen (SCAF – Système de combat aérien futur) n’a pas beaucoup avancé, c’est sans doute en raison des conséquences sur le long terme d’une répartition des compétences entre pays. Le leadership du programme est porté pour la France par Dassault sur l’avion et pour l’Allemagne par Airbus DS sur l’architecture du système global.

Lors de son audition par la commission de la défense nationale, au titre de l’examen de la prochaine Loi de programmation militaire (LPM), la ministre des Armées, a défendu la nécessité de coopérations industrielles au niveau européen pour le domaine de l’armement. « Ces projets de coopération sont faits pour, non seulement créer du lien, mais aussi contribuer au regroupement de nos industries. Or aujourd’hui, nos industries de défense nationale sont souvent trop petites par rapport à leurs grands compétiteurs mondiaux. Il y a donc un besoin urgent de consolidation à une échelle européenne ». Les grands programmes ne peuvent plus se concevoir sans avoir recours à la coopération :

  • de nombreux équipements aujourd’hui en services n’auraient jamais existé sans coopération. Le Tigre ou le Storm Shadow, ont prouvé leur efficacité en opération en Afghanistan, en Libye ou au Mali.
  • la limitation des ressources financières rend désormais la coopération incontournable pour tous les programmes d’ampleur significative (à l’exception de la dissuasion).

Les grands programmes en coopération sont également un moteur de l’indispensable consolidation de la BITDE :

  • Les alliances et les restructurations qui contribuent à rationaliser la BITD et à entretenir sa compétitivité dépendent des programmes confiés aux entreprises. Les programmes d’armement majeurs, au-delà de la réponse qu’ils apportent à un besoin capacitaire, jouent un rôle structurant dans l’évolution et le rapprochement des acteurs industriels
  • Alors qu’une consolidation de la BITDE fait partie des réponses à apporter à la réduction des budgets d’acquisitions militaires, la préservation de grands projets confiés à des maitres d’œuvre capables de rassembler et d’entretenir des compétences réparties entre différents pays européens est indispensable pour la compétitivité et l’emploi. Ceci est particulièrement vrai dans le domaine de l’espace et de l’aéronautique mais aussi dans le domaine du numérique ou du renseignement. 

La ministre s’interroge : « est-ce par exemple utile de doublonner des équipes de programme entre la France et l’OCCAR ? En avons-nous même les moyens ? Je ne le crois pas ». Cet aller-retour OCCAR – DGA est pourtant une opportunité pour que la France partage sa culture programmatique et influe sur les grands programmes d’armement en coopération. En effet la gestion des programmes en coopération appelle une convergence de méthodes entre États et industries qui gagneraient à s’inspirer de l’expérience de la DGA [Préconisation n°28] :

  • L’expérience a montré comment des organisations étatiques et industrielles trop complexes et insuffisamment intégrées peuvent en partie anéantir les bénéfices attendus de la coopération. Il existe heureusement dans l’administration comme dans les entreprises un savoir-faire en matière de coopération européenne qui tient compte des erreurs du passé.
  • Ce savoir-faire doit aussi s’inspirer des méthodes qui ont fait leurs preuves dans le domaine commercial, avec Airbus notamment : spécifications communes, leadership industriel clair, partage du travail basé sur les compétences. La mise en place ab initio, par un accord entre les États et l’industrie, d’une organisation respectant ces critères est une condition du succès.
  • Il est essentiel que les États parties prenantes d’un projet coopératif mettent en place une structure commune la plus intégrée possible avec laquelle le partenaire industriel puisse dialoguer selon une logique client-fournisseurs. Les industriels ne peuvent être efficaces s’ils doivent faire face à plusieurs clients non coordonnés. A l’inverse, les États qui s’engagent dans une coopération doivent accepter d’emblée et une fois pour toutes qu’ils créent des dépendances mutuelles.

Il existe déjà un organisme facilitant, l’Agence Européenne de Défense (dont la vocation consiste à coordonner la recherche ; harmoniser le besoin en amont ; définir les programmes et leurs modalités de gestion en conformité avec un code de bonne conduite) et une agence d’acquisition et de coopération, l’OCCAR, qui peut les porter. Enfin, quand bien même cela remettrait-il en cause le principe de concurrence, ces interlocuteurs fédérateurs doivent associer l’industrie dès le début du programme. Cela s’avère indispensable pour disposer d’une évaluation réaliste des réalisations possibles et des coûts associés. Le programme METEOR, réalisé par MBDA, en fournit l’exemple : le gouvernement britannique a été le chef de file du programme pendant que MBDA en était le chef de fil industriel.

La France appartient aux rares nations capables de réaliser des programmes d’armement amitieux grâce à la DGA. Les RETEX des problèmes de programmes d’armement rendent évidente la nécessité d’une DGA de niveau européen. Les problèmes du NH90 (hélicoptère de transport européen) permettent d’illustrer les difficultés découlant de l’absence de Direction d’Opération forte :

  • Le NH90 a souffert de l’absence d’un maitre d’œuvre doté d’un pouvoir d’arbitrage en matière de coûts de planification et d’options techniques. NHI[3] NHIndustries est une coentreprise européenne chargée de la coordination du Programme NH90. Elle a été établie le 1er juillet1992 par Airbus … Continue reading n’a pas de tels pouvoirs :
  • Il manque à la NAHEMA (NATO Helicopter Management Agency) les pouvoir d’une véritable agence exécutive ;
  • Le fonctionnement par consensus des États est pénalisant ;
  • L’harmonisation des besoins et des configurations est également très insuffisante.

            Les problèmes de l’A400M peuvent également se résumer à la même absence de méthodologie « DGA » :

  • L’OCCAR s’est relevée insuffisante en absence de vraie responsabilité assortie d’une délégation claire des États ;
  • Les nations restent très présentes, même pour des décisions secondaires. Les processus de décisions se révèlent longs et complexes, basés sur le consensus. Lorsque l’OCCAR prend une décision, il arrive que l’agence soit désavouée par une nation, obligeant à reprendre ab initio du processus de prise de décisions.
  • Il faut adapter la structure contractuelle, pilotage et coûts en fonction de la complexité du niveau du programme et du stade de maturité.

L’OCCAR doit faire appel à des expertises pays et il s’avère impossible de savoir si leur indépendance est totale ou alors pilotée par un quelconque intérêt national. C’est pourquoi, l’OCCAR doit être renforcée sur le modèle d’une DGA européenne. Il faudrait renforcer son expertise technique et son management, allier de façon transverse des capacités de management, d’expertise technique et financière afin de lui permettre de discuter avec les industriels et les États clients. [Préconisation n°29]. Gagner en efficacité au niveau européen nécessite un État stratège dans ce jeu à plusieurs bandes : une gageure si l’on considère le nombre d’acteurs français en charge de la coopération industrielle. Paraphrasant Staline, nous pouvons ainsi dire : la France de la coopération, combien de divisions ?

Y a-t-il trop de pilotes dans l’avion de la coopération ?

Après un premier départ il y a 15 ans, la DGA doit remobiliser sa BITD aujourd’hui éparpillée pour tirer profit des opportunités relatives à la construction de la Défense de l’Europe (initiatives de la Commission Européenne sur R&T+R&D/partenariat multilatéral entre Nations européennes dans un cadre OTAN…). Ainsi la France ne pilote-t-elle que deux projets assez mineurs sur les treize premiers de la CSP à savoir :

  • European Secure Software defined Radio (ESSOR)
  • Energy Operational Function (EOF)

Dans le même temps, l’Italie porte le projet de « Armoured Infantry Fighting Vehicle/Amphibious Assault Vehicle/Light Armoured Vehicle », la Grèce le projet « Cyber Threats and Incident Response Information Sharing Platform », ou l’Espagne le « Strategic Command and Control (C2) System for CSDP Missions and Operations ». Il s’agit de sujets tout aussi stratégiques, sinon davantage, pour notre BITD que la production énergétique en opération, n’en déplaise aux industriels spécialisés dans les groupes électrogènes.

L’État doit être stratège et organisé dans la durée pour bénéficier d’initiative qu’il a lui-même lancées. Mais comment parler d’une seule voix quand la coopération se situe au carrefour des périmètres de nombreuses directions au sein de la DGA ?

  • La direction du Développement International (DI), en charge de l’animation et la coordination du soutien étatique ainsi que la conduite des négociations liées à l’export. La DI est aussi responsable de l’animation des relations bilatérales dans le domaine de l’armement grâce à son pôle international et aux officiers de zone. Elle assure enfin la gestion et le suivi des procédures de contrôle ;
  • La direction de la Stratégie, en charge de la conduite des projets avant lancement (SASF : Architectes des Systèmes de Force), de l’établissement et du maintien de la BITD (S2IE), de la coopération européenne (SDCDE) mais aussi de la mission de recherche et de l’innovation scientifique (MRIS) ;
  • La direction des Opérations qui porte le suivi des programmes d’armement dont ceux réalisés en coopération ;
  • Et enfin la direction Technique, en charge de l’établissement des cahiers des charges techniques, du suivi des compétences techniques industrielles françaises et qui porte l’ensemble des ressources techniques de la DGA.

            Alors qui décide au sein de la DGA des capacités industrielles devant rester nationales ? A qui revient la décision de sacrifier une filière industrielle nationale sur l’autel de la coopération ou de l’achat de matériel sur étagère (Fusils de Précision Semi-Automatique, FPSA) ? En effet, coopérer consiste avant tout à accepter de dépendre des compétences techniques d’un voisin européen. Qui décide de la fin du « Made In France » à l’heure où les programmes d’équipements emblématiques de la LPM sont tous annoncés en coopération ?

  • les futurs programmes de missiles FMAN et FMC (avec le Royaume-Uni),
    • le programme SLAMF (avec le Royaume-Uni),
    • le programme de drone MALE européen (avec l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie),
    • Le programme de remplacement du char Leclerc (MGCS avec l’Allemagne),
    • Les avions de patrouille maritime PATMAR futur (avec l’Allemagne),
    • le SCAF-Avion-NG (avec l’Allemagne).

Il s’avère donc nécessaire de disposer au sein de la DGA d’une direction de la coopération stratégique en charge d’évaluer et de conduire les politiques de coopération en prenant en compte les incidences possibles sur l’industrie française, ses exportations mais aussi le risque de désindustrialisation (petit calibre, textile, etc.). Cette nouvelle direction de la coopération stratégique et de la préparation de l’avenir (ex direction de la stratégie) doit également porter la volonté d’influence de la France au sein des organisations internationales comme l’OTAN, l’OCCAR, l’AED, mais aussi demain au sein de ce que pourrait être une DG Espace et Sécurité de la Commission Européenne [Préconisation n° 30].


Une DGA ouverte sur l’international pour garantir notre souveraineté

            La France a fait de sa capacité à agir seule et à ouvrir un théâtre d’opérations sans alliés, sa force. Le temps est désormais au partage de ce fardeau de la défense européenne avec nos partenaires. Aujourd’hui l’Europe doit prendre conscience du prix de son indépendance. La coopération dans l’aspect le plus régalien de la puissance étatique constitue donc plus que jamais une dimension dans laquelle la DGA doit s’organiser mais aussi innover, pour dépasser la compétition que se livrent les industriels français et européens sur les marchés de l’exportation tout en garantissant la souveraineté de notre capacité d’exportation par rapport à d’autres continents (composants japonais, matériaux américains, etc.).

Le marché d’exportation de l’armement, un univers indispensable mais ô combien impitoyable, rend nécessaire une stratégie unifiée et lisible de la France et de son administration. L’évolution de la DGA et l’extension de son savoir-faire au niveau européen devient une question de survie. Cette réforme passera par plus de moyens mais aussi par une révolution des cultures et des mentalités au sein de l’administration comme de la BITD.

Synthèse des préconisations

Préconisation n°27 : la DGA doit être une vigie au service de notre autonomie stratégique technologique dans le domaine de la coopération au service de notre exportation ;

Préconisation n°28 : la gestion des programmes en coopération appelle une convergence de méthodes entre États et industries qui gagneraient à s’inspirer de l’expérience de la DGA ;

Préconisation n°29 : l’OCCAR doit être renforcée sur le modèle d’une DGA européenne ;

Préconisation n° 30 : Créer au sein de la DGA une direction de la coopération stratégique en charge d’évaluer et de conduire les politiques de coopération en prenant en compte les incidences possibles sur l’industrie française, ses exportations mais aussi le risque de désindustrialisation.

Notes

1 Kovacic, William E., and Dennis E. Smallwood, « Competition Policy, Rivalries, and Defense Industry Consolidation », Journal of Economic Perspectives, 8 (4), 1994, p. 91-110.
2 Cour des Comptes, La coopération européenne en matière d’armement, 17 avril 2018.
3 NHIndustries est une coentreprise européenne chargée de la coordination du Programme NH90. Elle a été établie le 1er juillet1992 par Airbus Helicopters (Allemagne et France), AgustaWestland (Italie) et Fokker Technologies (Pays-Bas). Le partage des actions entre les partenaires de NHIndustries est le suivant : Italie : 32,0 % (Via AgustaWestland), Allemagne : 31,25 % (Via Airbus), France : 31,25 % (Via Airbus), Pays-Bas : 5,5 % (Via Fokker).