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De la régulation carcérale à la prévention de la récidive : pour une action déterminée au profit de l’œuvre de Justice [Note #76]

Ancien Secrétaire général du SNEPAP-FSU Membre du Comité justice de Génération.s Trésorier du Comité Générations.s de Vitrolles

                Sans fracas, sans que la République ne s’effondre, sans explosion ponctuelle de crimes et délits, le nombre de personnes détenues dans les établissements pénitentiaires français a chuté de près de 18 % entre le début du mois de mars et la mi-mai 2020[1]Dans un communiqué du 3 avril 2020, le ministère de la Justice signalait que 72 575 personnes étaient incarcérées au 16 mars 2020. Dans une intervention radiodiffusée datée du 18 mai, le … Continue reading.  De fait, à la fin du mois d’avril, et pour la première fois depuis près de 20 ans, le taux d’occupation des prisons passait sous le seuil de 100 % : actuellement, il y a moins de personnes placées en détention qu’il n’existe de places théoriques disponibles[2]« Théoriques » car le parc pénitentiaire n’est jamais disponible dans son intégralité, notamment du fait de la part de cellules ne pouvant être occupées (pour dysfonctionnement matériel ou … Continue reading. Deux décennies, quatre Présidents de la République, cinq législatures, dix Gardes des Sceaux… et une crise sanitaire mondiale ; le temps écoulé pour que soit enfin respecté ce principe fondamental, « une personne, une place », nous oblige à saluer l’événement. Mais, sauf à nous perdre dans les méandres de la symbolique – donc de l’accessoire -, passons vite sur le salut et regardons les chiffres de plus près.

                Le 18 mai, le directeur de l’Administration pénitentiaire tempérait lui-même l’événement dans un entretien accordé à France Info. Evoquant un taux d’occupation carcéral national moyen de 97 %, il précisait alors que le chiffre « cache une disparité forte entre les établissements pour peine, c’est à dire les établissements pour condamnés, et les maisons d’arrêt où la surpopulation reste importante à 110%. Il y a un travail à faire dans ces établissements qui restent en partie surpeuplés ». Cette précision avait déjà été apportée par Mme Hazan, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté[3]Communiqué du CGLPL daté du 5 mai 2020. (CGLPL), et soulignée par différentes organisations non gouvernementales ou organisations professionnelles pénitentiaires. Or, elle doit retenir toute notre attention, car nous assoupir sur la seule symbolique du taux d’occupation national moyen serait désastreux.

De fait, il n’existe pas de surpopulation carcérale dans les établissements pour peine, ni avant, ni après la crise sanitaire de la Covid 19[4] Statistique (trimestrielle) des établissements des personnes écrouées en France – Situation au 1er janvier 2020 – DAP – Bureau de la donnée (SDEX – EX3), site du ministère de la … Continue reading. Le drame de nos prisons, et donc de notre société, se joue dans les maisons d’arrêt. Ces établissements hébergent :

  • les personnes dites « prévenues » (en attente de jugement, donc présumées innocentes) qui représentent environ 30 % de la population carcérale ;
  • des personnes condamnées à de courtes peines d’emprisonnement ;
  • des condamnés à de longues peines, en attente de transfert vers un établissement pour peine.

            Au demeurant, le chiffre précité de 110% d’occupation masque lui-même une très forte disparité entre établissements du même type, en fonction des régions. Ainsi, le taux d’occupation dans certains établissements franciliens reste-t-il supérieur à 140 %. 

            Il convient de souligner le caractère multifactoriel de la diminution susmentionnée du nombre de personnes placées sous écrou :

  • Certes, la Chancellerie a régulièrement rappelé qu’environ la moitié de la baisse du nombre de personnes incarcérées reposait sur un ralentissement de l’activité juridictionnelle et sur la diminution du nombre d’infractions induite par le confinement de la population[5] Dans son édition du 11 mai dernier, le quotidien régional La Provence évoque, pour la période du 17 mars au 6 mai 2020, une baisse de 67,14 % de la délinquance générale dans les … Continue reading.
  • De même, bien qu’il soit trop tôt pour le quantifier, les condamnations prononcées pendant cette période de crise sanitaire ont privilégié le recours à d’autres peines que la prison, là où cette dernière aurait été envisagée en temps « normal ».
  • Il convient également de saluer l’action décisive des personnels pénitentiaires d’insertion et de probation, des greffes pénitentiaires et judiciaires, des avocats et des magistrats qui, sur la base du droit existant (réductions supplémentaires de peine, aménagements de peine selon la procédure simplifiée et accélérée dite « hors débat contradictoire », libérations sous contrainte) ont permis d’enclencher la déflation carcérale en recourant quasi-exclusivement à la libération conditionnelle, d’ordinaire sous-utilisée[6] Statistiques trimestrielles milieu ouvert 2019 MJ – DAP (tableau 9) & Statistiques trimestrielles des personnes écrouées 2020 : au 31 décembre 2019, 5085 personnes sont suivies par les … Continue reading. Cette dernière s’est d’ailleurs imposée dans ce contexte en raison de l’inopérance de la mesure de semi-liberté mais également parce que l’administration pénitentiaire et les magistrats avaient écarté la surveillance électronique pour ne pas surexposer les personnels chargés de se déplacer au domicile des personnes placées pour en vérifier la faisabilité, en assurer l’installation et la maintenance. Il faudra se souvenir des vertus de la libération conditionnelle, aussi efficace que les autres dispositifs, moins consommatrices en ressources humaines et budget de fonctionnement !
  • Enfin, la diminution du nombre de personnes sous écrou repose pour partie sur les mesures[7]https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041755529&categorieLien=id prises par le Gouvernement (instauration sous condition de réductions supplémentaires de peine exceptionnelles et d’un dispositif d’assignation à domicile dans le cadre d’une procédure simplifiée sous l’égide du parquet) et sur le nombre de personnes « naturellement » arrivées au terme de leur peine sur cette période. Seule subsiste la question des personnes en détention provisoire, dont le nombre ne donne pas lieu à des statistiques établies.

            De façon générale, il convient de saluer l’ensemble des acteurs concernés pour avoir préservé les établissements et les personnes détenues du fléau, au premier rang desquels les personnels de surveillance dont les fonctions ne permettent pas le moindre « plan de continuation d’activité » et donc une réduction de leur présence physique. Nous saluerons aussi les personnes détenues qui ont déjoué les craintes des professionnels ou observateurs quant à une potentielle flambée de drames générés par la peur dans nos prisons. Les personnes incarcérées ont, dans leur très grande majorité, géré une situation dont elles avaient parfaitement perçu les enjeux, de manière digne et responsable, et cela en dépit de l’absence de visites de leurs proches et du gel des activités.

            Mais le caractère transitoire de cette baisse du nombre des personnes détenues demeure insatisfaisant et il faut tout faire pour éviter de revenir à la situation antérieure qui a valu à la France une condamnation historique par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), le 30 janvier 2020, pour traitement inhumain et dégradant. La juridiction n’a d’ailleurs pas manqué de souligner « un problème structurel »[8] A noter que cette décision est devenue définitive le 30 mai 2020..

            Car la crise sanitaire a permis de démontrer ce que nombre d’acteurs dénoncent depuis longtemps : la surpopulation carcérale n’est pas un mal nécessaire. Il est donc possible d’aller plus loin encore. Ainsi, la surpopulation carcérale revient-elle à la négation de la dignité et la définition même de ce qui est contre-productif en matière de prévention de la récidive. Elle induit des conditions de vies difficilement supportables et génératrices de tensions, d’incidents entre co-détenus et à l’encontre des personnels ; génératrices aussi de frustrations et de ressentiment qui se retourneront souvent contre la société ayant toléré cette situation. La surpopulation carcérale limite l’accès aux dispositifs favorisant un renforcement du capital social et du capital humain (travail, formation, enseignement, culture etc.), et donc l’ancrage à la société. Elle se traduit par des mois d’attente pour un accompagnement médico-psychologique de personnes confrontées à des problématiques addictives, un facteur de risque dit « dynamique » de récidive. La surpopulation carcérale suppose également trop peu de temps accordé aux personnes détenues par les personnels pénitentiaires d’insertion et de probation, à l’évaluation de leur situation, à l’élaboration et à la mise en œuvre d’un parcours d’accompagnement et d’exécution de la peine partagé, et centré sur les besoins criminogènes. Elle entraîne une perte qualitative dans l’évaluation et la construction des avis, comme dans les décisions rendues par nombre d’acteurs (permission de sortir, aménagement de peine, réduction supplémentaire de peine, discipline, classement dans les activités, prévention des risques suicidaires etc).

            Or, nous nous situons à nouveau à un carrefour ; ce que nous avons réalisé en deux mois nous oblige à poursuivre le travail de réflexion sur la place de la prison dans notre société, et sur ce qui fonctionne, ou non, en matière de prévention de la récidive. Poursuivre parce que l’honnêteté intellectuelle nous ordonne de reconnaître que le sujet tiraille notre société depuis plusieurs décennies ; que les alternatives à l’emprisonnement ne sont pas apparues comme par magie ces dernières années. En revanche, un glissement s’opère indéniablement au sein du grand public, davantage sensibilisé à la probation[9] La probation correspond à « l’exécution en milieu ouvert de sanctions et mesures définies par la loi et prononcées à l’encontre d’un auteur d’infraction. Elle consiste en toute … Continue reading, d’abord avec la conférence de consensus sur la prévention de la récidive qui a rendu ses conclusions au premier trimestre 2013 ; puis grâce aux travaux qui ont abouti à la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, ainsi qu’à la loi de programmation et de réforme pour la Justice du 23 mars 2019 ; avec, enfin, les réflexions menées entre 2013 et 2018, au sein de l’administration pénitentiaire, sur la méthodologie d’intervention des Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation (SPIP), et les recrutements opérés en leur sein depuis 2014.

            Toutefois, cela ne suffira pas. Malgré ce progressif changement de paradigme, la prison continue d’absorber l’attention et la quasi intégralité des moyens humains et matériels disponibles pour l’exécution des peines : ainsi, là où plus de 40 000 personnels pénitentiaires prennent en charge 70 000 personnes détenues, 5 000 personnels des SPIP assurent le suivi de près de 240  000 personnes placées sous main de justice, dont les 70 000 précitées[10] Au 31 décembre 2019, 162 668 personnes exécutaient une peine sans écrou dans la communauté (sursis avec mise à l’épreuve devenu sursis probatoire, travail d’intérêt général, … Continue reading. Hors masse salariale (qui fait exploser le différentiel), c’est un budget annuel de fonctionnement d’une trentaine de millions d’euros pour les SPIP contre près d’un milliard d’euros pour les établissements pénitentiaires[11] Rapport annuel de performance, annexe au projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour 2019, programme 107.… Or, il faut garder à l’esprit que la grande majorité des personnes incarcérées ont préalablement été condamnées à une autre peine sans incarcération. La faiblesse des moyens pour assurer la bonne exécution de ces peines restrictives de liberté aggrave le risque de récidive et donc, in fine, le risque de placement en détention, ce qui suppose un coût humain et budgétaire exorbitant[12] Coût humain et financier du fait des conséquences directes et indirectes de l’infraction sur les victimes et l’environnement des auteurs d’abord. Coût du choix des sanctions : … Continue reading. Une poignée d’études françaises, et nombre de méta-analyses internationales démontrent qu’à parcours et infractions comparables, une peine de probation est plus efficace qu’une peine de prison[13] A.KENSEY, F. LOMBARD, P.-V. TOURNIER, Sanctions alternatives à l’emprisonnement et récidive. Observation suivie sur 5 ans, de détenus condamnés en matière correctionnelle libérés, et de … Continue reading. Il faut donc agir.

Axe 1 : Poser les bases législatives d’une déflation carcérale

Recommandation n°1 : Un numerus clausus qui permette d’atteindre l’encellulement individuel pour tous.

            Il est fondamental de ne pas perdre l’acquis de cette période de crise et de construire sur la base de la déflation carcérale que nous venons de connaître. Cela pourrait prendre la forme d’un numerus clausus évolutif :

  • Dans une première phase, ce numerus clausus pourrait empêcher une nouvelle inflation carcérale et fixer la limite à la jauge actuelle dans les maisons d’arrêt[14]A noter que les transferts de personnes condamnées depuis une maison d’arrêt vers un établissement pour peine ont été bloqués au cours du confinement. Ils ont progressivement repris en à la … Continue reading; cela supposerait de bloquer toute hausse des incarcérations par la loi et le règlement ;
  • Puis, dans un second temps, après l’adoption d’autres mesures de fond, un nouveau numerus clausus pourrait être fixé afin de garantir l’encellulement individuel dans chaque établissement. Depuis son instauration en 1875, le principe de l’encellulement individuel a régulièrement été réaffirmé, mais jamais appliqué, avec des moratoires qui se renouvellent de législature en législature[15] Au 1er janvier 2020, le taux d’encellulement individuel était de 40,9 % – Sources Site du ministère de la Justice, « Mesures de l’incarcération ».. Il est temps de mettre fin à ce déshonneur national. Une exception pourrait être admise lorsque les personnes détenues souhaitent partager leur cellule. Toutefois, l’hypothèse d’une exception pour prévenir les risques de passage à l’acte en cas de crise suicidaire aigüe doit être débattue.

            Concrètement, ce dispositif législatif supposerait qu’aucune incarcération ne serait possible sans sortie préalable, qu’il s’agisse d’un transfert vers un établissement pour peine, d’une libération via aménagement de peine (ou libération sous contrainte), d’une libération en fin de peine ou d’une levée de détention provisoire. Pour ce faire, le dispositif de libération sous contrainte peut incarner une variable d’ajustement. Créé en 2014, ce dernier prévoit l’examen systématique de la situation d’une personne détenue arrivée au 2/3 de sa peine pour une éventuelle remise en liberté anticipée avec contrôle et accompagnement du SPIP. Ultime tentative de rattrapage de situations qui n’ont pu aboutir à un aménagement de la peine, le principe consiste à éviter par tout moyen une sortie dite « sèche », pourvoyeuse de récidive. Décidée par le juge de l’application des peines au cours d’une commission qui réunit plusieurs acteurs (parquet, SPIP, représentant de la direction de l’établissement), elle prend la forme d’un placement à l’extérieur, d’un placement sous surveillance électronique, d’une semi-liberté ou d’une libération conditionnelle.

            Si la loi du 28 mars 2019 a renforcé le principe de la libération sous contrainte[16]732 libérations sous contrainte en cours au 1er janvier 2019 pour 1528 libérations sous contrainte au 1er janvier 2020 – – Sources Site du ministère de la Justice, « Mesures de … Continue reading, la marge de manœuvre s’avère très importante avec un taux d’octroi qui reste globalement faible.  Les commissions d’application des peines au cours desquelles les situations sont examinées au titre de ce dispositif se réunissent de manière fréquente, chaque semaine ou chaque mois selon la taille de l’établissement et le choix des magistrats. On pourrait donc imaginer qu’à l’approche du seuil fixé par le numerus clausus, un nombre minimum de libérations sous contrainte soit imposé.

Recommandation n°2 : Vers une peine de probation autonome afin que la peine d’emprisonnement ne soit plus l’unique sanction de référence.

            Si la crédibilité d’une peine de probation[17] Pour l’ensemble des personnes concernées : la personne condamnée, celles qui procèdent à l’interpellation, qui assurent le suivi du condamné ou qui prononcent la sanction, le public. repose d’abord sur la méthodologie et les moyens qui l’accompagnent dans son exécution, elle gagnera en force d’imposition en passant du statut d’alternative à l’emprisonnement à celui de peine à part entière. Il s’agit d’ailleurs de l’objectif de la peine de probation autonome qui existe dans un certain nombre de pays et qui a fait l’objet de plusieurs contributions écrites[18] Voir notamment l’intéressante production du « Groupe de Créteil », et son manifeste « Prévention de la récidive, sortir de l’impasse. Pour une politique pénale efficace, … Continue reading présentées par diverses associations ou organisations professionnelles en amont des deux dernières réformes pénales d’ampleur.

            La contrainte pénale, créée par la loi d’août 2014, constituait une première étape en ce sens qui a cependant souffert de sa trop grande similitude avec le dispositif de Sursis avec Mise à l’Epreuve (SME) face auquel elle n’avait aucune chance de s’imposer. Elle aurait pu s’imposer avec succès si elle avait assumé de se détacher clairement de toute référence à l’emprisonnement et s’ériger en unique référence pour un certain nombre de délits. Par ailleurs, le processus conduisant à l’emprisonnement en cas de violation de la contrainte pénale était trop lourd pour des tribunaux qui aurait dû préalablement bénéficier de renforts en ressources humaines dans l’objectif de mettre en œuvre cette réforme.

            Le sursis probatoire, créé en mars 2019, a fusionné la contrainte pénale et le sursis avec mise à l’épreuve. Il s’est notamment inspiré de la première pour ébaucher une césure entre le prononcé et l’exécution de la peine, à travers la question de l’évaluation initiale de la personne condamnée pour la définition de son parcours d’exécution de peine. Mais beaucoup de chemin reste à accomplir pour forger une véritable peine de probation autonome, comme l’ont proposé certaines organisations professionnelles.

            Dans sa plateforme revendicative, le SNEPAP-FSU préconise notamment de fusionner les diverses modalités d’exécution de peine au sein d’une peine de probation autonome : une fois prononcée par le tribunal, il appartiendrait au juge de l’application des peines, après une évaluation par le SPIP, de définir les interdictions et obligations pour le temps de mise à l’épreuve. Les interdictions et obligations classiques pourraient éventuellement se compléter d’autres mesures restrictives de liberté comme c’est le cas avec le travail d’intérêt général qui a pu être ordonné au sein de la contrainte pénale en 2014 (et avec le nouveau sursis probatoire depuis 2019). Ce pourrait être le cas avec un placement sous surveillance électronique en début de mesure ou ultérieurement si son déroulé nécessite un durcissement des conditions d’exécution.

            En cas de non-respect de la peine de probation, et lorsque la graduation des réponses en son sein n’emporte aucun effet, la personne serait renvoyée devant la juridiction qui prononcerait une peine d’emprisonnement, indépendante (à l’instar de l’infraction de non-exécution d’un travail d’intérêt général). Cela nécessiterait évidemment un abondement en ressources humaines pour que les juridictions puissent répondre…

Recommandation n°3 :  L’automaticité de la remise en liberté accompagnée au 2/3 de peine pour les délits.

            Chaque réforme pénale touchant à l’exécution des peines permet de rappeler les faits : les sorties dites « sèches », en fin de peine, sans accompagnement qui matérialise un sas entre la détention et le retour à la vie libre, sont pourvoyeuses de récidive[19] A. KENSEY, A. BENAOUDA, « Les risques de récidive de sortants de prison. Une nouvelle évaluation », Cahiers d’études pénitentiaires et criminologiques, n° 36 mai 2011.Pour une … Continue reading. Or, le taux d’aménagement de peine sous écrou stagne depuis des années autour de 22 %.

            La libération sous contrainte progresse mais ne concerne in fine qu’une poignée de personnes détenues, et son taux d’octroi reste marginal. Si la loi de programmation de mars 2019 a renforcé son principe et si le nombre de mesures accordées a augmenté en conséquence, le maintien d’un renvoi à l’article 707 du Code de procédure pénale permet toujours d’écarter la libération sous contrainte pour n’importe quel motif.

            De fait, la situation évolue, mais la libération sous contrainte ou les aménagements de peine sont encore trop souvent considérés comme des « faveurs », des « cadeaux » faits aux personnes détenues. Pourtant, il nous paraît nécessaire d’instaurer une remise en liberté anticipée sous contrôle, au 2/3 de peine, de façon automatique pour les délits, au moins à titre expérimental pour des délits ne portant par exemple pas atteinte aux personnes. Le principe d’individualisation ne disparaît pas, il se matérialise dans le choix de la mesure (semi-liberté, surveillance électronique, liberté conditionnelle etc.), dans celui des interdictions et des obligations auxquelles la personne est soumise, et dans la définition de l’intensité du suivi.

            En parallèle, certaines organisations professionnelles, dont le SNEPAP-FSU, proposent de supprimer les dispositifs de crédit de réduction de peine et/ou de réduction supplémentaire de peine. Elles estiment que la durée de la détention ne serait pas plus longue en moyenne si la libération anticipée sous contrôle devenait automatique. Bien plus, elle permet à tous les protagonistes (juges qui prononcent la peine, victimes, personnes détenues, professionnels qui évoluent à leur côté au cours de l’exécution de la peine), d’avoir une idée réelle de la durée de la peine exécutée et donc de mieux préparer la sortie. A l’heure actuelle, le retrait de crédit de réduction de peine et l’octroi de réductions supplémentaires de peine défient parfois toute logique en fonction des établissements, des personnes qui émettent des avis et des magistrats qui tranchent : l’arbitraire le dispute à l’inégalité à l’échelle du territoire, voire des établissements quand plusieurs magistrats interviennent sur la même structure pénitentiaire.

Axe 2 : Des méthodes et des moyens adaptés, une action évaluée

Recommandation n°4 : Renforcer les services de l’application des peines, de l’exécution des peines, les SPIP et leurs partenaires de droit commun

            Les SPIP ont été considérablement renforcés depuis 2014 : plus de 1000 emplois ont été créés dans ces services au cours du dernier quinquennat, soit un accroissement de plus de 30 % des effectifs. La loi de programmation judiciaire prévoit d’en créer davantage encore ; nous verrons ce qu’il en sera… et si ces services, qui servent souvent de variable d’ajustement budgétaire, ne subiront pas les effets de la crise socio-économique qui s’amorce.

            Malgré tout, le retard était trop considérable en la matière, et l’abondement en ressources humaines accompagne trop souvent de nouvelles tâches et missions : aujourd’hui, la moyenne du nombre de personnes suivies par Conseiller Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (CPIP) oscille autour de 70 à 80. Mais il s’agit d’une moyenne théorique puisque :

  • Tous les dossiers ne supposent pas la même charge de travail : chaque suivi ne nécessite pas le même degré d’intervention, les mêmes actes professionnels, la même intensité.
  • Dans de petites structures pénitentiaires dédiées, qui ne représentent in fine que peu de personnes sous main de justice (centres de semi-liberté et centres pour peine aménagée, structure d’accompagnement vers la sortie, quartier de prise en charge de la radicalisation, centre national d’évaluation etc.), des CPIP sont concentrés sur l’accompagnement de 30 ou 40 personnes tout au plus, parfois moins.
  • Parallèlement, le nombre de personnes suivies, comme la nature des interventions et de l’activité varient fortement selon la nature des établissements (maison d’arrêt, centre de détention, maison centrale), de même qu’entre établissements et services de milieu ouvert.

            Néanmoins, il semble indispensable de fixer un ratio théorique moyen de 40 personnes suivies maximum par CPIP, comme le veulent les standards internationaux et comme l’exige la qualité d’un accompagnement. Avant de parvenir à cette jauge idéale, il sera temps d’élaborer des organigrammes de référence, réclamés de très longue date par les professionnels.

            Par ailleurs, un effort doit être accompli en faveur des services de l’application des peines et de l’exécution des peines : le nombre de juge de l’application des peines, de magistrats du parquet consacrés à l’exécution des peines, de greffiers et de personnels administratifs doit être considérablement augmenté. A titre d’exemple, il n’est pas acceptable que les premiers, chargés de superviser l’exécution de la peine de plusieurs centaines de personnes condamnées, tant en milieu ouvert qu’en détention, disposent d’aussi peu de temps pour apprécier les situations avant de trancher et que les dysfonctionnements d’une mesure signalés par les SPIP mettent parfois autant de temps à trouver une réponse du magistrat référent[20] Sauf urgence absolue matérialisée par une nouvelle infraction, il s’écoule souvent plusieurs semaines, voire plusieurs mois, avant qu’un rapport d’incident du SPIP signalant le non-respect … Continue reading.

            L’abondement en ressources humaines doit s’accompagner de moyens matériels adaptés. La crise sanitaire a notamment mis en lumière l’incapacité des SPIP, sous-dotés en matériel informatique, à répondre aux besoins de télétravail.  Les greffiers ont rencontré la même difficulté.

            Les moyens matériels qui doivent non seulement irriguer les services publics cités, mais aussi les partenaires de ces services : toutes les structures d’hébergement et de réinsertion sociale, d’insertion par l’économique, partenaires sans lesquels rien n’est envisageable. Il est fondamental de renforcer les subventions et de les sanctuariser. En 2020, 66,4 % du budget de l’administration pénitentiaire est consacré à la garde et au contrôle des personnes placées sous main de justice ; part du budget à la hausse. En parallèle, 22,7 % du budget est consacré à l’accueil et à l’accompagnement des personnes placées sous main de justice[21] Commission des lois du Sénat à partir des documents budgétaires ; rapport du Sénat sur le projet de loi de finances 2020, programme 107, disponible en ligne.. Il s’avère indispensable de réduire cet écart jusqu’à ce que les parts consacrées aux deux actions se rejoignent.

Recommandation n°5 : Une méthodologie d’intervention adaptée, des liens avec l’université renforcés, l’évaluation de l’action publique.

            Au cours de l’été 2013, dans le sillage des conclusions de la conférence de consensus sur la prévention de la récidive, la ministre de la Justice C. Taubira avait lancé un vaste aggiornamento de la méthodologie d’intervention dans les SPIP. Un important travail de réflexion qui a fini par aboutir, en 2018, à la diffusion d’un Référentiel des Pratiques Opérationnelles en SPIP[22] Plus précisément du RPO 1 ; 1 car il devait être suivi d’autres RPO consacré à la logistique, à la formation, au pilotage des services. Ces derniers n’ont jamais vu le jour.. Dans son avant-propos, le directeur de l’Administration pénitentiaire définit le référentiel comme « fondé sur les règles européennes relatives à la probation et les apports de la recherche européenne et internationale, nourri des savoir-faire des professionnels de la filière insertion et probation et des observations des organisations représentatives ». Il « est un document à la fois conceptuel et pratique. Il est destiné à donner du sens à l’action des SPIP et à mieux formaliser les méthodes de prise en charge ».

            Cet effort de clarification et d’adossement des pratiques aux résultats de la recherche doit trouver sa concrétisation dans un portage effectif, sur tous les terrains, de ce document de 250 pages. Pas toujours compris ou partagé par l’ensemble des professionnels, il doit être questionné à échéance régulière, et actualisé en fonction des expériences locales et de l’évolution des travaux universitaires nationaux et internationaux.

            La loi du 24 novembre 2009, en son article 7, posait le principe de création d’un observatoire indépendant chargé d’évaluer l’impact des politiques pénales et des méthodologies d’intervention. Le principe n’a trouvé sa concrétisation que par un décret d’août 2014, avec la création d’un Observatoire de la récidive et de la désistance[23] La désistance est une école qui s’attache à étudier le processus de sortie de la délinquance, ses étapes, les facteurs qui le freinent ou le facilitent., observatoire qui n’a été installé qu’en 2016 par le ministre de la Justice J.-J. Urvoas.  L’activité de cet organisme reste obscure pour les praticiens de terrain. Au-delà de l’objectif d’indépendance fixé par la loi, à même d’être questionné du fait de son rattachement au ministère de la justice, que s’est-il passé depuis 2017 ? Il ne devrait en tout état de cause plus se passer grand chose puisque cet organisme a été ciblé par le Gouvernement, à l’automne dernier, parmi les organismes à abattre pour des contingences économiques…

            L’évaluation des pratiques et des méthodes d’intervention doit être renforcée, systématisée afin de mieux participer à la réduction des risques de récidive. Les pratiques se développent localement, mais l’administration demeure trop frileuse et les moyens dégagés dérisoires, voire inexistants à l’instar de la recherche action « PREVA » lancée au début de l’été 2014 en lien avec une université française et une université québécoise ; le manque de moyens consacrés a considérablement pesé sur le produit des travaux, peu partagés au sein de la profession. Le rapport rendu en juillet 2016, ses préconisations, notamment relatives à la poursuite de la réflexion, sont restées lettre morte. En réaction, les liens avec l’université doivent être renforcés, les recherches-actions locales multipliées avec des budgets dédiés et sanctuarisés. L’étude de cohortes de personnes suivies et des suites de l’exécution des peines doit être envisagée à l’échelle de 5 années et plus, comme c’est le cas à l’étranger.

            Par ailleurs, les personnels de l’exécution des peines, au premier rang desquels les personnels pénitentiaires d’insertion et de probation, doivent bénéficier d’un temps d’information et de recherche comme cela existe déjà pour les psychologues, parallèlement aux temps de formation continue.

Axe 3 : Une vie en détention apaisée et utile

            La réduction de la densité carcérale constitue naturellement une étape décisive pour une vie en détention apaisée et utile. Mais d’autres mesures doivent être prises et peuvent l’être rapidement.

Recommandation n°6 :  Le droit du travail doit entrer en prison 

            Il s’agit d’une question de dignité, de l’intérêt que nous avons tous à rappeler à la personne condamnée qu’elle est membre à part entière de la communauté : contrat de travail, protection sociale, expression collective, rémunération, autant d’impératifs qui ne peuvent plus rester aux portes des établissements pénitentiaires. 

            Nous n’ignorons rien des contraintes et des arguments faisant état des difficultés déjà existantes pour ramener du travail de l’extérieur vers la prison ; ramener le droit commun en prison, ferait prétendument fuir les entreprises qui confient de l’activité. Il est temps de mettre fin à cette logique qui a conduit aux délocalisations, et à aux effets pervers auxquels nous avons été confrontés au cours de la crise sanitaire.

            En outre, ces arguments, qui visent en fait la question du travail dans les ateliers pénitentiaires au bénéfice d’entreprises privées, ne tiennent plus pour ce qui concerne le travail au « service général », puisque l’administration est l’employeur direct…

Recommandation n°7 : Préparation de la sortie, partenariats renforcés et accès aux nouvelles technologies

  • Renforcer le partenariat de droit commun pour l’accès à l’emploi et à la formation. Il est inconcevable d’imaginer que l’on puisse produire des résultats convenables en termes d’accès à l’emploi et à la formation lorsqu’un seul conseiller du Pôle emploi œuvre sur un établissement abritant plus de 1500 personnes détenues. Ces partenaires doivent avoir les moyens de répondre aux besoins, et ils doivent s’engager lorsqu’ils les ont.
  • L’accès aux nouvelles technologies. Une décision forte a été prise avec la généralisation, dans le temps, de la téléphonie en cellule. Si la question de l’accès concret à la téléphonie à travers le coût de la communication devra être traitée[24] Environ 80 € par mois pour une petite dizaine de minutes d’appels quotidiens sur un mobile., il convient de saluer cette avancée importante dans l’optique du maintien des liens familiaux, de la préparation de la sortie, voire de la révolution des rapports de la personne détenue avec les personnels. Ainsi, au cours de la période de confinement, certains centres de semi-liberté ont-ils permis à des personnes, bloquées sans aucune sortie autorisée faute d’activité professionnelle, alors qu’elles étaient normalement autorisées à sortir plusieurs fois pour leurs démarches d’insertion, et en fin de semaine pour voir leurs proches, de conserver leur téléphone mobile. Au-delà du maintien des liens familiaux, ces personnes ont pu maintenir un lien avec leur CPIP référent. Aucun abus n’a été constaté et des situations ont pu évoluer favorablement. Le téléphone en cellule peut permettre de répondre à des questions et problématiques simples lorsque la personne détenue souhaite contacter son CPIP référent sans que cela nécessite forcément un entretien physique.

            Il faut aller plus loin et plus vite sur une autre problématique : l’accès à internet. Pour se former en ligne, accéder à des sites d’information sur les droits sociaux, accéder au site du Pôle emploi. En semi-liberté ou dans des structures dirigées vers la sortie telles que les centres pour peine aménagées et les Structures d’Accompagnement vers la Sortie (SAS), une personne détenue ne peut toujours pas accéder à internet, consulter sa boîte de messagerie électronique pour répondre à une éventuelle offre de mission d’emploi intérimaire envoyée par l’agence dans laquelle il est inscrit. Il est temps d’avancer.


            Le taux de détention est passé de 78 à 104,5 pour 100 000 habitants entre 1990 et aujourd’hui, indépendamment de l’évolution de la délinquance et de la criminalité. Ce taux est supérieur à celui de la plupart des pays de l’Union européenne (de 56,4 aux Pays Bas à 99,4 en Italie, en passant par le taux de 76,7 en Allemagne[25] Statistiques pénales annuelles du conseil de l’Europe – 2019). Il faut enrayer cette progression.

            Pour s’extraire du débat de fond et agiter les peurs lorsque l’opportunité de l’emprisonnement est évoquée, certains commentateurs se focalisent sur la seule grande criminalité… Loin du tableau réel. Au 1er janvier 2020 :

  • 9,9 % des personnes détenues condamnées exécutaient des peines inférieures ou égales à 6 mois ;
  • 25,9 % des peines inférieures ou égales à 12 mois ;
  • Plus de 61 % des personnes condamnées sont détenues pour avoir commis des actes délictueux autres que des atteintes à la personne[26] Statistique (trimestrielle) des établissements des personnes écrouées en France – Situation au 1er janvier 2020 – DAP – Bureau de la donnée (SDEX – EX3), site du ministère de la … Continue reading.

            Au-delà des propositions précédentes qui concernent uniquement les formes de la peine et les modalités de leur exécution, il conviendra à l’avenir de questionner le périmètre pénal. Une conférence de consensus sur la redéfinition du périmètre du champ pénal pourrait permettre un état des lieux et poser les fondations d’une vaste révision du code pénal [Recommandation n°8]. Dans ce cadre, des choix forts pourraient favoriser la contraventionnalisation de certains délits et la dépénalisation de certains actes. La question du cannabis, avec sa masse de condamnations qui absorbent des moyens humains et matériels considérables pour des résultats limités mais aussi de contentieux disciplinaires en détention qui viennent polluer les parcours d’exécution de peine, constitue un sujet parmi d’autres.  De même que le périmètre de la comparution immédiate (29,7 % des mises sous écrou au quatrième trimestre 2019), outil de gestion des flux d’une justice à l’agonie, devrait être révisé [Recommandation n°9].

            La déflation carcérale que nous venons de connaître doit permettre un déclic. Nous devons nous extraire des postures idéologiques pour nous focaliser sur ce qui fonctionne en termes de prévention des réitérations d’infractions. Face aux désirs de vengeance, il est temps de parler d’efficacité.

Synthèse des recommandations

Recommandation n°1 : Etablir un numerus clausus qui permette d’atteindre l’encellulement individuel pour tous. Cela supposerait de bloquer toute hausse des incarcérations par la loi et le règlement mais aussi de poser le principe selon lequel aucune incarcération ne serait possible sans sortie préalable. Pour ce faire le dispositif de libération sous contrainte peut incarner une variable d’ajustement.

Recommandation n°2 : Créer une peine de probation autonome afin que la peine d’emprisonnement ne soit plus l’unique sanction de référence. Cela supposerait de fusionner les diverses modalités d’exécution de peine au sein d’une peine de probation autonome : une fois prononcée par le tribunal, il appartiendrait au juge de l’application des peines, après une évaluation par le SPIP, de définir les interdictions et obligations pour le temps de mise à l’épreuve. La mesure nécessiterait évidemment un abondement en ressources humaines pour que les juridictions puissent répondre.

Recommandation n°3 :  Créer une automaticité de la remise en liberté accompagnée au 2/3 de peine pour les délits, au moins à titre expérimental. On pourrait aussi envisager de supprimer les dispositifs de crédit de réduction de peine et/ou de réduction supplémentaire de peine. La durée de la détention ne serait pas plus longue en moyenne si la libération anticipée sous contrôle devenait automatique.

Recommandation n°4 : Renforcer les services de l’application des peines, de l’exécution des peines, les SPIP et leurs partenaires de droit commun. Il semble donc indispensable de fixer un ratio théorique moyen de 40 personnes suivies maximum par CPIP. Le nombre de juge de l’application des peines, de magistrats du parquet consacrés à l’exécution des peines, de greffiers et de personnels administratifs doit également être considérablement augmenté. L’abondement en ressources humaines doit s’accompagner de moyens matériels adaptés, y compris pour les partenaires (sanctuarisation des subventions, notamment).

Recommandation n°5 : Œuvrer pour une méthodologie d’intervention adaptée, des liens avec l’université renforcés, l’évaluation de l’action publique. Cela pourrait passer par pérennisation et une réactivation de l’Observatoire de la récidive et de la désistance. L’évaluation des pratiques et des méthodes d’intervention doit être renforcée, systématisée. Les liens avec l’université doivent être renforcés, les recherches-actions locales multipliées avec des budgets dédiés et sanctuarisés. Les personnels de l’exécution des peines, au premier rang desquels les personnels pénitentiaires d’insertion et de probation, doivent bénéficier d’un temps d’information et de recherche.

Recommandation n°6 :  Faire entrer le droit du travail en prison (contrat de travail, protection sociale, expression collective, rémunération)

Recommandation n°7 : Travailler à la préparation de la sortie, à des partenariats renforcés pour l’accès à l’emploi et à la formation, à l’accès aux nouvelles technologies (téléphonie et internet en détention).

Recommandation n°8 : Réunir une conférence de consensus sur la redéfinition du périmètre du champ pénal afin d’établir un état des lieux et de poser les fondations d’une vaste révision du code pénal.

Recommandation n°9 : Réviser le périmètre de la comparution immédiate (29,7 % des mises sous écrou au quatrième trimestre 2019), outil de gestion des flux d’une justice à l’agonie.

Notes

1 Dans un communiqué du 3 avril 2020, le ministère de la Justice signalait que 72 575 personnes étaient incarcérées au 16 mars 2020. Dans une intervention radiodiffusée datée du 18 mai, le directeur de l’Administration pénitentiaire évoque une baisse du nombre de personnes détenues de l’ordre de 13 500 en deux mois et un taux d’occupation de 97 %, soit un peu plus de 59 000 personnes écrouées et hébergées pour environ 61 200 places disponibles. Le taux d’occupation national moyen était de 119 % au 1er mars 2020
2 « Théoriques » car le parc pénitentiaire n’est jamais disponible dans son intégralité, notamment du fait de la part de cellules ne pouvant être occupées (pour dysfonctionnement matériel ou rénovation, ou encore lorsque certaines sont réservées pour un placement en quarantaine de personnes détenues susceptibles d’être touchées par la Covid-19).
3 Communiqué du CGLPL daté du 5 mai 2020.
4 Statistique (trimestrielle) des établissements des personnes écrouées en France – Situation au 1er janvier 2020 – DAP – Bureau de la donnée (SDEX – EX3), site du ministère de la Justice : au 1er janvier 2020, la densité carcérale dans les centres de détention est de 90 % ; elle est de 74 % dans les maisons centrales et dans les centres de semi-liberté, de 75 % dans les centres pour peine aménagée. Elle est alors de 138 % en moyenne nationale dans les maisons d’arrêt ; près d’un quart de ces établissements connaît une densité supérieure à 150 %.
5 Dans son édition du 11 mai dernier, le quotidien régional La Provence évoque, pour la période du 17 mars au 6 mai 2020, une baisse de 67,14 % de la délinquance générale dans les Bouches-du-Rhône ; en zone police (zone urbaine), dans le même département, les atteintes aux biens ont diminué de 74 %, les coups et blessures volontaires de 36 %.
6 Statistiques trimestrielles milieu ouvert 2019 MJ – DAP (tableau 9) & Statistiques trimestrielles des personnes écrouées 2020 : au 31 décembre 2019, 5085 personnes sont suivies par les SPIP dans le cadre d’une libération conditionnelle (obtenues via la procédure dite d’aménagement de peine et celle de la libération sous contrainte). Au 1er janvier 2020, 14 531 personnes sont placées sous surveillance électronique ou en semi-liberté (via aménagement de peine et la libération sous contrainte). Le différentiel doit être tempéré car une partie des mesures de placement sous surveillance électronique et de semi-liberté est ordonné depuis la liberté (à la barre du tribunal ou dans le cadre de la procédure de l’article 723-15 du code de procédure pénale), alors que la libération conditionnelle, du fait des conditions d’octroi, l’est quasi exclusivement depuis la prison. Mais pour une comparaison équitable, les données relatives aux libérations sous contrainte sont éclairantes : au 31 décembre 2019 ce sont 453 personnes en liberté conditionnelle contre 961 personnes en semi-liberté ou sous surveillance électronique au 1er janvier 2020.
7 https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041755529&categorieLien=id
8 A noter que cette décision est devenue définitive le 30 mai 2020.
9 La probation correspond à « l’exécution en milieu ouvert de sanctions et mesures définies par la loi et prononcées à l’encontre d’un auteur d’infraction. Elle consiste en toute une série d’activités et d’interventions qui impliquent suivi, conseil et assistance dans le but de réintégrer socialement l’auteur d’infraction dans la société et de contribuer à la sécurité collective ». Les Règles européennes de la probation – Recommandation CM/REC 2010du Comité des Ministres aux Etats membres sur les règles du Conseil de l’Europe relatives à la probation – 20 janvier 2010.
10 Au 31 décembre 2019, 162 668 personnes exécutaient une peine sans écrou dans la communauté (sursis avec mise à l’épreuve devenu sursis probatoire, travail d’intérêt général, surveillance électronique, liberté conditionnelle etc.) – Statistiques trimestrielles de milieu ouvert, site du ministère de la Justice.
11 Rapport annuel de performance, annexe au projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour 2019, programme 107.
12 Coût humain et financier du fait des conséquences directes et indirectes de l’infraction sur les victimes et l’environnement des auteurs d’abord. Coût du choix des sanctions : plus de 30 000 € en moyenne annuelle pour une personne détenue, un peu plus de 1 000 € en moyenne annuelle pour une personne suivie dans le cadre d’un sursis avec mise à l’épreuve (données communiquées par la conférence de consensus sur la prévention de la récidive en 2012). 

Dans leur ouvrage, Le comportement délinquant, analyses et modalités d’intervention, Agen, Les Presses de l’ENAP, p. 445 et suivantes, D.A ANDREWS et J. BONTA citent plusieurs méta-analyses anglo-saxonnes relatives à l’évaluation coût-bénéfices d’un suivi en probation (répondant à des conditions strictes) par rapport à une peine d’emprisonnement. Il n’est plus question ici du seul coût de prise en charge de la personne condamnée, mais d’une évaluation globale de l’impact économique du choix de la prise en charge (effets du passage à l’acte sur l’environnement, effets des récidives évitées par le traitement, etc).  Une méta-analyse pointe un bénéfice économique de 4653 $ à 81 789 $ par personne condamnée (Rapport AOS, Phipps, BARNOSKI, LIEBE 2001).

13 A.KENSEY, F. LOMBARD, P.-V. TOURNIER, Sanctions alternatives à l’emprisonnement et récidive. Observation suivie sur 5 ans, de détenus condamnés en matière correctionnelle libérés, et de condamnés à des sanctions non carcérales (département du nord), Ministère de la Justice, DAP, Travaux et documents, n° 70, 2006. A passé pénal comparable et mesures comparables :

Taux de recondamnation dans les 5
ans suivant la fin de la
mesure
Taux de recondamnation
à une peine
d’emprisonnement
ferme dans les 5 ans
suivant la fin de la
mesure
Sortants de prison72%61%
Condamnés ayant fait
l’objet d’un SME
68%52%
Condamnés ayant fait
l’objet d’un TIG
65%44%

Voir aussi : P. SMITH, C. GOGGIN, P. GENDREAU, Effets de l’incarcération et des sanctions intermédiaires sur la récidive : effets généraux et différences individuelles, Travaux publics et services gouvernementaux, Canada 2002.Méta-analyse qui repose sur 111 études : « Les politiques de justice pénale fondées sur la croyance selon laquelle une ligne dure permet de réduire la récidive ne sont pas appuyées par des données empiriques ». « L’incarcération est liée à une augmentation de la récidive ». Données disponibles dans « Le comportement délinquant, analyse et modalités d’intervention », D.A Andrews & J. BONTA. 

14 A noter que les transferts de personnes condamnées depuis une maison d’arrêt vers un établissement pour peine ont été bloqués au cours du confinement. Ils ont progressivement repris en à la mi-mai, ce qui permet de miser, si ce n’est sur une légère baisse supplémentaire dans les premiers établissements, au moins sur une stabilisation toute provisoire de la situation avec la reprise de l’activité juridictionnelle.
15 Au 1er janvier 2020, le taux d’encellulement individuel était de 40,9 % – Sources Site du ministère de la Justice, « Mesures de l’incarcération ».
16 732 libérations sous contrainte en cours au 1er janvier 2019 pour 1528 libérations sous contrainte au 1er janvier 2020 – – Sources Site du ministère de la Justice, « Mesures de l’incarcération ».
17 Pour l’ensemble des personnes concernées : la personne condamnée, celles qui procèdent à l’interpellation, qui assurent le suivi du condamné ou qui prononcent la sanction, le public.
18 Voir notamment l’intéressante production du « Groupe de Créteil », et son manifeste « Prévention de la récidive, sortir de l’impasse. Pour une politique pénale efficace, innovante et respectueuse des droits ». Mai 2012 Le « groupe de Créteil » a notamment regroupé un certain nombre de magistrats, de conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation et d’acteurs sensibilisés à la question de la probation et au champ pénal.
19 A. KENSEY, A. BENAOUDA, « Les risques de récidive de sortants de prison. Une nouvelle évaluation », Cahiers d’études pénitentiaires et criminologiques, n° 36 mai 2011.Pour une cohorte de condamnés libérés entre le 1er juin et le 31 décembre 2002, les taux de re-condamnation augmentent fortement dans les premiers mois après la sortie de prison (plus de la moitié des personnes récidivistes recondamnés dans l’année qui suit). Les personnes libérées en fin de peine sans avoir bénéficié d’aménagement de leur peine ont été recondamnées dans 63 % des cas.
20 Sauf urgence absolue matérialisée par une nouvelle infraction, il s’écoule souvent plusieurs semaines, voire plusieurs mois, avant qu’un rapport d’incident du SPIP signalant le non-respect du cadre d’exécution d’une peine ne se traduise par une réponse d’un JAP.  Et cela n’a rien à voir avec la volonté de ce dernier, contraint de gérer des flux et de faire des choix.
21 Commission des lois du Sénat à partir des documents budgétaires ; rapport du Sénat sur le projet de loi de finances 2020, programme 107, disponible en ligne.
22 Plus précisément du RPO 1 ; 1 car il devait être suivi d’autres RPO consacré à la logistique, à la formation, au pilotage des services. Ces derniers n’ont jamais vu le jour.
23 La désistance est une école qui s’attache à étudier le processus de sortie de la délinquance, ses étapes, les facteurs qui le freinent ou le facilitent.
24 Environ 80 € par mois pour une petite dizaine de minutes d’appels quotidiens sur un mobile.
25 Statistiques pénales annuelles du conseil de l’Europe – 2019
26 Statistique (trimestrielle) des établissements des personnes écrouées en France – Situation au 1er janvier 2020 – DAP – Bureau de la donnée (SDEX – EX3), site du ministère de la Justice