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Drogues, la loi ne peut pas tout ! [Note #12]

Ancienne Présidente de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca)

A nos lecteurs

Comme de coutume désormais, L’Hétairie souhaite nourrir le débat d’idées en publiant des contributions de sensibilités très différentes sur la même thématique.

C’est le cas de la présente note qui aborde le sujet, toujours polémique, de la consommation de produits stupéfiants. Elle s’insère dans une série de publications sur le même objet permettant de présenter les différentes nuances qui existent en ce domaine (cf. la note n°11 d’Henri Mica*). Car une politique publique ne saurait être définie et mise en œuvre dans l’ignorance des opinions divergentes.

*pseudonyme

Il est des questions de société comme la bioéthique, la fin de vie, l’avortement ou, depuis peu, les vaccinations, qui ne peuvent être abordées sous le seul angle de la politique pénale ou de l’approche médicale. C’est également le cas des drogues et des conduites addictives.

Comme l’indique Marie Jauffret Roustide, « parler des drogues  est une entreprise complexe et engageante car le discours sur les drogues est un discours chargé d’émotion et un puissant facteur d’identification, en tant qu’individu adulte se percevant comme « responsable » de ses choix, ou en tant que parents, se sentant investis d’une mission de protéger les adolescents exposés à la tentation des drogues. Il est donc difficile de mettre à distance ses émotions, et positionnements personnels et produire un discours relativement objectivé sur les drogues et les comportements addictifs. […] Il n’existe pas, en effet, de discours de vérité sur les drogues, ni clinique, ni politique, ni sociologique, mais seulement des éléments de connaissance pratique et théorique qui nous permettent de penser les drogues comme un objet de recherche[1] Robert CASTEL, « Les sorties de la toxicomanie », in A. OGIEN, P. MIGNON, La demande sociale de drogue, Paris, La Documentation française, 1994. ».

            Certains candidats à l’élection présidentielle avaient pensé la période électorale propice pour aborder la politique pénale : Benoît Hamon (candidat du parti socialiste) parlait de dépénalisation, Emmanuel Macron évoquait la piste de la contravention dans son programme, seul Manuel Valls – lors des primaires – s’était finalement résigné à parler, de manière allusive, de prévention. La majorité des candidats a donc privilégié l’approche de la politique pénale. Bien entendu, chaque candidat avait ciblé le cannabis, et aucun n’avait parlé d’alcool, sujet tabou dans notre pays.

Un an après la campagne présidentielle, on peut se demander si :

  • un nouveau paradigme relatif à la politique publique des drogues dans son ensemble va enfin germer en France, s’extirpant de la seule approche pénale ou médicale ;
  • une approche enfin consensuelle décidera de la représentation de l’usager des drogues : délinquant ? malade ? personne dépendante ? personne ayant des problèmes avec l’alcool ? toxicomane ? personne responsable de son choix ? …

            Ni le bilan de la campagne, ni les premières annonces du Gouvernement Philippe ne permettent d’entrevoir un nouveau paradigme. En effet, si – comme de nombreuses commissions l’ont fait depuis plusieurs législatures[2] Assemblée nationale, mission d’information relative à l’application d’une procédure d’amende forfaitaire au délit d’usage illicite de stupéfiants, rapporteurs MM. Eric Pouilliat et … Continue reading – une commission parlementaire a été chargée d’un rapport sur le sujet – d’ailleurs excellent –, la commande consistait à traiter de la politique pénale et des modalités pour rendre la sanction plus efficace.

Une nouvelle commission parlementaire devrait traiter de la prévention, mais c’est bien la politique pénale qui a été la voie d’entrée pour parler du cannabis avec une extension, in fine, à l’ensemble des stupéfiants ; et seul le ministère de l’Intérieur donne la ligne.

Néanmoins, le programme relatif à la prévention (« Priorité prévention, rester en bonne santé tout au long de sa vie ») engagé en mars par le Gouvernement évoque les addictions, de même que le futur plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les conduites addictives préparé par la MILDECA ; tous deux sont destinés à décliner des propositions plus générales sur les addictions.

Incontestablement, il faut replacer cette politique publique dans son contexte : les consommations de drogues illicites sont importantes (mais on ne saurait parler d’explosion, contrairement aux assertions largement assenées), la politique pénale s’avère inefficace, les nouvelles méthodes de prévention insuffisamment soutenues, et on n’a jamais constaté de corrélation entre vigueur de la sanction et importance des consommations.

En outre, une politique publique raisonnée se doit d’aborder cette question, non sous le seul angle du cannabis, ou des drogues illicites, mais en considérant l’ensemble des conduites addictives, quel que soit le statut juridique, comme l’ont montré toutes les études depuis le rapport Roques[3] Bernard ROQUES, La dangerosité des drogues, Paris, Odile Jacob, 1999, 192p.. En effet, l’étude des comportements souligne l’importance des poly-consommations d’une part, et, d’autre part, des facteurs communs à l’ensemble des produits en ce qui concerne les motivations à consommer, jusqu’à la dépendance.

La réalité des consommations : on part de très haut

Comme sur bien des sujets, seules les statistiques chocs sont retenues, commentées, revendiquées par les uns et les autres. Or, les statistiques concernant les consommations de drogues (licites et illicites), publiées par les chercheurs des organismes publics et reposant sur des méthodes scientifiquement validées, permettent de se référer à des sources fiables qui ni ne minimisent ni ne survalorisent la réalité des conduites addictives.

Statistiques françaises et comparaison internationale

La France dispose d’un organisme public, l’observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), groupement d’intérêt public placé sous la tutelle de la MILDECA. Grâce à ses publications, scientifiquement étayées, notre pays peut produire des statistiques validées selon les méthodes européennes et qui permettent également des comparaisons entre Etats européens[4] On peut citer notamment la référence en la matière : « Drogues, chiffres clés ». https://www.ofdt.fr/publications/collections/periodiques/drogues-chiffres-cles/.

Par ailleurs, Santé publique France (organisme placé auprès du ministre de la Santé) ou l’OFDT (dans les numéros de « Tendances[5] Le lecteur pourra notamment consulter : « Cannabis : usages actuels en population adulte », résultats de l’enquête Baromètre santé 2016, in Tendances, juin 2017. … Continue reading ») publient des enquêtes en population générale.

Enfin, il faut ajouter des études thématiques, accessibles sur les sites de la MILDECA, et de l’OFDT. Les sources existent donc. Elles devraient autoriser une approche sereine et maîtrisée.

Les statistiques les plus significatives concernent les adultes de 18 à 64 ans et les jeunes de 17 ans ; elles traitent des conduites addictives et pas seulement des drogues illicites, à la différence des travaux européens et internationaux qui ne renseignent que des stupéfiants.

Eléments statistiques

Alcool : 8% des 18-75 ans présentent des consommations d’alcool à risques (soit 3,4 millions de personnes), avec une très légère diminution en quatre ans ; 10 % sont des consommateurs quotidiens.

49% des jeunes de 17 ans déclarent une alcoolisation ponctuelle importante dans le mois (API ou binge drinking), au 23ème rang sur 35 Etats européens ; 12% sont des consommateurs réguliers.

49 000 décès sont attribuables à l’alcool.

Tabac : 29 % des adultes de 18-64 ans et 32 % des adolescents de 17 ans (11ème rang européen) sont des fumeurs quotidiens.

73 000 décès annuels sont attribuables au tabac.

Cannabis : 11 % des adultes de 18-64 ans sont des usagers actuels, 3 % des usagers réguliers ; 700 000 personnes consomment quotidiennement ; 9 % des jeunes de 17 ans sont des fumeurs réguliers de cannabis.

L’usage problématique ou la dépendance concerne 21 % des usagers actuels adultes et 22 % des usagers actuels de 17 ans. La France occupait en 2015 le 1er rang sur 35 Etats européens pour l’usage dans le mois.

2% de la population française âgée de 18 à 64 ans présente une consommation problématique, et 3% de la population des jeunes de 17 ans.

Cocaïne : 1 ,1% des adultes ont consommé de la cocaïne au cours de l’année.

Source : « Drogues, chiffres clés », OFDT, juin 2017.

En ce qui concerne les chiffres souvent utilisés (42 % des adultes ont expérimenté au moins une fois dans leur vie le cannabis ; 48 % des jeunes en 2014 contre 39,1% selon la dernière enquête), il faut souligner que ce pourcentage n’a pas plus de signification sociétale que le premier verre d’alcool ou la première cigarette. Seules importent la suite des motivations et des réalités de la consommation dans la vie.

Les statistiques ci-dessus portent sur les conduites addictives concernant l’alcool, le tabac, le cannabis et la cocaïne (pratiques à l’heure actuelle les plus répandues). Bien entendu, d’autres produits existent, sont consommés, et leur consommation analysée. Il faut aussi retenir l’importance des poly-consommations qui montre bien que l’approche par produits, par statut juridique (drogue licite ou illicite) ou encore par dangerosité estimée (drogue douce et drogue dure) est périmée, alors qu’on ne peut plus qualifier aujourd’hui les drogues et en particulier le cannabis de drogue douce compte tenu de son taux élevé de trétrahydrocannabinol (THC).

L’approche française, qui traite des conduites addictives dans leur ensemble, n’est pas encore partagée par les institutions européennes et mondiales, même si les analyses intègrent de plus en plus l’alcool. Elle l’est par les chercheurs et de plus en plus par les structures qui traitent de la prévention.

Le rapport européen sur les drogues publié en 2017 par l’observatoire européen des drogues et des toxicomanies[6]Rapport européen sur les drogues, tendances et évolution, OEDT, 2017. http://www.emcdda.europa.eu/system/files/publications/4541/TDAT17001FRN.pdf(OEDT), avec 30 pays concernés, se consacre aux seuls stupéfiants. Il permet des comparaisons internationales à partir des « points focaux » nationaux. En particulier, le dernier rapport nous apprend que :

  • 23,5 millions d’adultes de 15 à 64 ans de ces 30 pays, dont 17,1 millions de jeunes de 15 à 34 ans, (13,9 % de la population), ont consommé du cannabis au cours de l’année écoulée (7 %) ; 
  • 3,5 millions d’adultes de 15 à 64 ans et 2,3 millions de jeunes de 15 à 34 ans (1,9 %) ont consommé de la cocaïne au cours de l’année écoulée.

Les âges interrogés divergent des âges utilisés par les études de l’OFDT, néanmoins les statistiques publiées donnent une idée de l’importance des consommations en Europe de ces deux stupéfiants.

Il faut ajouter qu’en Europe, les niveaux de consommation de cannabis mesurés sont inférieurs à ceux des Etats-Unis, au profit de l’alcool et du tabac. Les modalités et habitudes de consommation du cannabis, souvent fumé avec du tabac en Europe, modifient également les représentations.

L’agence de l’ONU consacrée aux drogues (l’United Nation Office on Drugs and Crime, ONUDC) permet également d’observer les tendances de consommation dans le monde sur les seuls stupéfiants. De fait, en 2017, le rapport mondial sur les drogues de l’ONUDC indique que 29, 5 millions de personnes dans le monde souffrent de troubles liés à la consommation de stupéfiants, les opioïdes étant les plus nocifs.

Consommation de drogues : pas d’explosion mais une stagnation, voire une tendance à la baisse

Les médias, qui souvent se penchent de manière privilégiée sur les orientations de politique pénale concernant les stupéfiants plus que sur le phénomène qui préside aux conduites addictives, évoquent l’« explosion des consommations » : qu’en est-il réellement ?

Si on observe une tendance longue à la décroissance des consommations régulières d’alcool (hors alcoolisations ponctuelles importantes (API)) et à la consommation de tabac, la situation s’avère plus complexe pour le cannabis.

Le numéro de Tendances « Cannabis, les usages actuels en population  adulte[7] Loc. cit. » révèle que la consommation actuelle demeure stable pour les deux sexes entre 2014 et 2016, alors qu’elle avait augmenté de façon notable entre 2010 et 2014, passant de 8 % à 11%.

Pour la première fois chez les jeunes de 17 ans, on constate avec les premiers résultats de l’enquête ESCAPAD publiés en février dernier[8] Loc. cit.)), que tous les indicateurs relatifs au tabagisme reculent entre 2014 et 2017 ;même si les boissons alcoolisées demeurent très largement consommées, elles marquent le … Continue reading ».

Là encore, les motivations à consommer se conjuguent selon les âges et les situations de vie[9]« Jeunes et addictions », sous la direction de François Beck, OFDT, décembre 2016. https://www.ofdt.fr/publications/collections/rapports/ouvrages-collectifs/jeunes-et-addictions/. L’enquête qualitative publiée en janvier 2018 par l’OFDT[10]« Représentations, motivations et trajectoires d’usage de drogues à l’adolescence », Tendances, OFDT, décembre … Continue readinget menée auprès de 200 jeunes, de 13 ans à leur majorité, concerne les perceptions et motivations d’usages d’alcool, de tabac et de cannabis.

En ce qui concerne les produits en théorie prohibés, il apparaît – et ce n’est pas anodin par rapport à la politique pénale – que la consommation résulte davantage d’un désir de conformité sociale, de la curiosité, de l’angoisse de passer à côté d’une expérience et surtout de la volonté d’adhésion au groupe plus que de transgression.

L’accès à l’ensemble des produits, qu’il s’agisse de drogues licites (y compris pour les mineurs) ou illicites, est particulièrement aisé, renforçant la banalisation de leur consommation. La représentation que les jeunes se font de ces produits est variable : négative pour le tabac, univoque pour l’alcool, positive pour le cannabis. 

Leur motivation à consommer varie également selon les produits et les contextes sociaux et familiaux. Les jeunes interrogés sur le cannabis mettent en avant des motivations complexes, les soirées festives entre pairs (avec alcool), la relaxation et l’apaisement, mais aussi une aide à la gestion du stress, des émotions et des contraintes.

Il faut également noter les oppositions fortes de certains jeunes à la consommation de ces substances, pour des motifs d’ordre religieux chez certains jeunes musulmans, pour s’opposer à un environnement familial ou de tribu favorable aux consommations chez d’autres jeunes, également sensibles à la représentation négative de la dépendance.

Dans le monde du travail, les études scientifiques récemment conduites[11] quelques sites : souffrance-et-travail.com ; anact.fr ; inrs.fr ; drogues.gouv.fr  et les remontées réalisées par les partenaires sociaux mettent nettement en accusation l’emballement des organisations du travail, l’hyper-connectivité, l’intensification des rythmes de travail, qui poussent aux consommations de substances psychoactives et, bien sûr, au burn out.

Les drogues ne se résument pas à une question pénale

Une fois de plus, la « guerre des religions » se focalise, d’une part, sur le cannabis et, d’autre part, sur la politique pénale. Et à la lecture de nombreux articles de presse, on peut constater que chacun campe sur ses positions en pensant détenir LA solution. Quelle erreur ! Légalisation, dépénalisation, contraventionnalisation, amendes forfaitaires, comment les citoyens, les parents, les personnes concernées peuvent-ils s’y retrouver ?

Les expériences de légalisation du cannabis

La légalisation du cannabis consiste à rendre légal, à des degrés divers selon les Etats qui l’ont adopté, la production, la détention, la vente et l’usage.

On se place sous le régime de l’autorisation, et d’une régulation plus ou moins poussée de la production, de la vente, de la détention, de l’usage. Les restrictions peuvent être imposées à la vente (mineurs), à l’usage (conduite automobile), ou dans des limites géographiques.

Le produit des ventes peut être soumis à des taxes (de l’ordre de 45 % en Californie) et redistribué pour des actions de prévention ou pour le financement de dispositifs publics, comme certains Etats américains le réalisent pour des montants non négligeables de plusieurs centaines de millions de dollars.

La légalisation du cannabis est défendue en France par un certain nombre de professionnels, de politiques et, de manière plus générale, par le microcosme qui auparavant défendait la dépénalisation du cannabis. Diverses motivations cohabitent : la légalisation de la consommation du cannabis constitue une solution de fait à la lutte contre le trafic, à la réussite de la prévention, à la baisse de la consommation, il s’agit d’un progrès des libertés publiques.

C’est l’Amérique latine, et en premier lieu l’Uruguay, pays qui a dépénalisé l’usage du cannabis depuis 1974, qui a commencé à initier une politique de légalisation du cannabis. Régulation de nature étatique, l’Etat a imposé cette orientation contre une majorité de citoyens hostiles. Le ministre de la Santé a justifié cette politique nouvelle, consistant à vendre le cannabis dans les pharmacies et autorisant une autoproduction limitée, à la fois pour des raisons de santé publique (le contrôle de la qualité du cannabis face à celui, frelaté, introduit par les trafiquants du Paraguay), et afin de lutter contre le trafic. Il s’agit d’une offre privée encadrée par les pouvoirs publics. Depuis, d’autres Etats s’orientent vers des politiques de légalisation, comme le Mexique ou la Colombie.

En avril 2016, à l’occasion de l’Assemblée extraordinaire de l’ONU (UNGASS) à New York, ces Etas ne se sont pas privés de rappeler que les Etats-Unis, qui à l’époque du Président Nixon avaient lancé la guerre à la drogue, ont échoué sur toute la ligne : trafic et consommations ont explosé tandis que, paradoxalement, certains Etats américains se lancent dans la légalisation du cannabis.

En effet, l’Etat du Colorado, l’Etat de Washington, puis l’Alaska, Washington DC, l’Oregon, le Nevada ou la Californie, ont inscrit cette possibilité dans des textes soumis au vote des citoyens sous la forme de premiers référendums, puis dans le cadre des référendums organisés au cours des dernières élections présidentielles de 2016. A des degrés divers selon les Etats, il s’agit d’un modèle commercial privé dans un secteur économique dynamique et imaginatif. Il faut dire que le recours au cannabis thérapeutique avait, depuis plusieurs années, initié les producteurs aux différentes méthodes de production et de délivrance sur prescription médicale.

En janvier dernier, le Président Trump est revenu sur la circulaire du Président Obama qui tolérait ces expérimentations de légalisation ; mais le retour en arrière semble difficile : pour des raisons juridiques, et surtout financières, la manne du « capitalisme vert » ayant déjà abouti à une cotation d’une de ces sociétés au Nasdaq. Il s’agit donc d’une source de financement pour les écoles publiques de l’Etat ; et qui souhaiterait désormais priver les écoles publiques et les start up de ces millions de dollars ?[12] Le Canada prévoit également de légaliser le cannabis en 2018 et étudie les modalités d’application de la promesse électorale de Justin Trudeau.

Le bilan de ces expérimentations s’avère mitigé, et la mission d’évaluation effectuée par l’INHESJ et l’OFDT[13]« Cannalex, Comparaisons internationales d’expériences de régulation du cannabis », INHESJ et OFDT, 2017. … Continue reading constitue la référence scientifique utile : la légalisation n’est pas une solution magique ! Le rapport montre que :

  • si elle a contribué à la diminution du trafic (par définition, puisque l’usage n’est plus réprimé) ;
  • elle n’a pas accru la consommation des mineurs (pas de vente autorisée aux mineurs) ;
  • mais elle a augmenté la consommation des jeunes adultes en raison d’un accès facile et désinhibé ;
  • et, en parallèle, a favorisé un transfert de la consommation du tabac vers celle du cannabis.

Enfin, comment ne pas craindre une politique d’incitation à la consommation de la part de ces entrepreneurs qui commencent à réaliser de la publicité destinée à valoriser les meilleurs produits, et donc incitant à les acheter ?

En Uruguay, la tendance longue à l’augmentation de la consommation du cannabis semble se poursuivre, notamment chez les jeunes (mais la vente dans les pharmacies est trop récente pour en apprécier la portée).

Ce bilan nuancé, dressé par les chercheurs de Cannalex après de nombreux entretiens auprès de responsables des pouvoirs publics ou de représentants de la société civile, mesure les répercussions sur la santé publique et le trafic, mais aussi les effets économiques, sociaux et politiques de ces expérimentations.

Les conclusions restent bien sûr provisoires, compte-tenu d’un recul insuffisant ; elles constituent néanmoins pour ceux qui estiment que les politiques de régulation sont LA solution, un signal de prudence, en évitant de porter un jugement moral en faveur ou en défaveur de cette réforme.

Dépénalisation ou tolérance de l’usage ?

Aucun Etat européen ne s’est à ce jour engagé sur la légalisation ni du cannabis, ni d’aucun stupéfiant. Et sauf au Portugal, où la politique menée depuis les années 80 concerne l’ensemble des stupéfiants, seul le cannabis fait l’objet des différentes mesures administratives ou juridictionnelles de tolérance.

Ce que l’on qualifie souvent de « dépénalisation » du cannabis consiste à maintenir l’interdiction, voire le délit, à les assortir de sanctions administratives mais à autoriser ou tolérer l’usage et, dans certaines conditions, la détention pour consommation personnelle, en fixant une quantité maximale de détention.

Le cannabis n’est donc pas dépénalisé en Europe, mais sa consommation peut être tolérée, sous diverses formes :

  • tolérance de la consommation personnelle dans les locaux privés ou destinés à cet usage (social club en Espagne, coffee shop aux Pays Bas, domicile en Allemagne, Tchéquie… ) avec un seuil de consommation fixé par voie règlementaire ;
  • politique originale du Portugal[14] Pays dans lequel, après les guerres coloniales, la consommation de tous les stupéfiants était largement répandue, et ce dans toutes les classes sociales. : l’usager arrêté en raison d’une possession de drogue pour usage personnel est soumis à un avertissement, une amende ou à un passage devant une commission composée d’un médecin, d’un avocat et d’un travailleur social, qui l’oriente vers les programmes d’aide. L’approche ne relève donc pas du seul encadrement par la loi, mais s’inscrit dans un vaste programme d’aide. La décriminalisation de l’usage de stupéfiants, le renoncement à tout jugement moral et médical ont conduit à une nette amélioration du bilan sanitaire, mais le Portugal partait de très loin.

Néanmoins, cette politique publique – à laquelle les forces de police ont largement adhéré – reste aujourd’hui tributaire des effets de la crise économique et des restrictions budgétaires que connaît ce pays, du fort taux de chômage générateur d’inactivité ou de stress qui favorisent les consommations ; cela peut expliquer notamment une reprise des consommations de cannabis, en particulier par les jeunes.

Toutefois, ce modèle, bâti sur 30 années d’expérience, permettrait aujourd’hui de répondre de manière intelligente au diagnostic d’inefficacité de notre propre politique publique. Pourtant, la France semble s’orienter vers d’autres solutions

La contravention ou l’amende forfaitaire ?

L’évolution de la politique publique et l’idéologisation de cette question ont  conduit, comme le note le rapport des parlementaires Eric Poulliat et Robin Reda, à ériger l’usage de produits stupéfiants en délit ; et « faute d’avoir trouvé une articulation efficace entre le volet sanitaire et le volet pénal, les pouvoirs publics ont accentué et diversifié la réponse pénale ces dernières années sans que cette réponse apparaisse satisfaisante en terme de santé publique comme de répression[15] Op. cit. ». Le niveau des consommations et le nombre d’interpellations l’illustrent hélas parfaitement.

En 2016, à la demande du Premier ministre, la MILDECA a réuni les principaux responsables administratifs en charge de cette question avec l’appui des cabinets des ministres de l’Intérieur, de la Justice, de la Santé[16] Groupe de travail sur la réponse pénale à l’usage de stupéfiants, MILDECA, 2017. http://www.drogues.gouv.fr/sites/drogues.gouv.fr/files/atoms/files/gt_mildeca_reponse-usage-de-stupefiants.pdf. Un accord entre ces administrations a abouti à proposer l’instauration d’une contravention de 5ème classe pour l’usage de l’ensemble des stupéfiants. L’objectif de ce groupe de travail, au-delà de la proposition de modification législative, consistait à faire travailler ensemble, dans le cadre d’une politique interministérielle et qui doit le rester, des administrations dont les approches sont trop souvent largement divergentes, et encore très clivantes.

Toutefois, le précédent Gouvernement n’a pas repris cette proposition alors que la réforme du traitement des délits routiers présentée au Parlement en 2016 aurait pu le permettre.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Sont dans l’espace public : un rapport parlementaire de grande qualité, des auditions nombreuses et nourries, et deux propositions divergentes (une amende forfaitaire ou la contraventionnalisation de l’usage pour l’ensemble des stupéfiants).

Récemment, le think tank Le jour d’après a publié un article[17]« Osons la contravention », think tank Le jour d’après, 2017, https://www.lejourdapres.eu/wp-content/uploads/2017/11/Etude-cannabis-11-2017.pdf - auquel l’auteur de ce texte a participé – analysant les avantages et inconvénients des deux systèmes, a privilégié la solution de la contravention. Mais sa conclusion est nette : « contraventionnalisation ou forfaitisation délictuelle, la réforme annoncée par le Gouvernement ne se traduira pas par un renversement complet de paradigme en matière de politique des drogues en France. Elle laissera à la clandestinité et aux trafiquants le soin de définir les règles du jeu sur les marchés des stupéfiants en France. A ce titre, elle ne pourra avoir l’ambition de traiter la problématique de l’usage des stupéfiants dans sa globalité ».

De fait, les annonces récentes sur l’évolution de la politique pénale prévue par le Gouvernement ne répondront pas mieux à l’inefficacité constatée de cette politique : la responsabilité a en effet été confiée au ministre de l’Intérieur qui privilégie une approche gestionnaire devant générer un allègement du travail des forces de police et de gendarmerie, sans qu’à aucun moment cette réforme ne s’inscrive dans le cadre d’une approche globale et intégrée associant prévention, santé publique et lutte contre trafic. Au final, on conforte l’impasse qui est la nôtre.

Quel doit être l’objectif d’une politique publique sur les drogues ? punir ou diminuer les consommations de stupéfiants ? La lutte contre le trafic s’impose, bien entendu ; mais la garde à vue des usagers est illusoire pour remonter les filières, alors que prospère le grand trafic, vecteur du crime organisé. Et les comparaisons internationales nous montrent le risque à corréler politiques pénales et consommations, si les politiques de contrôle ne sont pas insérées dans une approche associant la prise en compte des motivations à consommer à une politique de prévention appuyée sur des méthodes scientifiquement étayées.

Prévenir plutôt que punir

On ne nie plus aujourd’hui les risques du cannabis, quelles que soient les opinions et engagements des experts dans leur approche de la politique pénale. On peut les résumer de la manière suivante : « le risque de dépendance est d’autant plus élevé que l’usage est précoce, le risque psychiatrique aigu (angoisse, crise de dépersonnalisation, état délirant) et de révélation de maladies psychiatriques, schizophrénie, dépression, trouble bipolaire) existe chez certains sujets ; le risque de déscolarisation et de désocialisation est important et pourrait concerner un fumeur sur dix[18] Dr. LOWENSTEIN et Dr. KARILA, op. cit. ».

Les découvertes des neurosciences ont par ailleurs montré que chez les adolescents et jeunes adultes, la période de maturation cérébrale renforce la vulnérabilité aux dépendances. Il n’y a pas de drogue douce !

Cependant, les méthodes de prévention qui développent l’approche par les risques s’avèrent – cela est scientifiquement étayé – inefficaces, voire contre productives, suscitant déni ou curiosité chez les jeunes, et incrédulité chez les adultes, surtout chez ceux qui restent figés sur une image de cannabis « baba cool » des années 70.

Or, concernant les stratégies de prévention en direction des adolescents, nous disposons aujourd’hui d’une étude de référence réalisée par l’INSERM[19]« Conduites addictives chez les adolescents, usages, prévention et accompagnement », INSERM, 2013. … Continue reading; celle-ci a permis de définir une autre stratégie de prévention, y compris à l’égard des adultes.

Ce sont donc les motivations à consommer, qu’il s’agisse des jeunes ou des adultes, notamment dans leur vie professionnelle, qui doivent nous inciter à recentrer les méthodes de prévention utilisées.

En s’appuyant sur l’étude Aramis précitée, on voit qu’il convient d’intensifier le travail sur :

  • la représentation des produits, à l’exemple de ce qui commence à réussir pour le tabac ;
  • les contextes de consommation (le rôle de la tribu, de la famille) ;
  • et l’accessibilité effective des produits (générale pour les drogues illicites ; interdites aux mineurs pour l’alcool et le tabac, bien que ceux-ci- se les procurent pourtant largement).

Les jeunes se montrent également soucieux d’un contrôle sur eux-mêmes (en particulier les jeunes filles et l’alcool), ce qui doit conduire aussi, comme l’indique cette étude, à encourager les pratiques professionnelles centrées sur l’accompagnement (thérapeutique et non thérapeutique) et la réduction des risques.

Une autre approche a été engagée dans le milieu professionnel, impliquant non seulement les médecins du travail, mais aussi les responsables des ressources humaines et les partenaires sociaux (comment manager une équipe avec des salariés ayant des problèmes de conduites addictives ? quel comportement adopter pour des collègues de travail ?). Les formations à l’approche psychosociale, à la méthode du repérage précoce[20] Laurence Cottet, Non ! j’ai arrêté, Interéditions, 2014 plutôt que la mise à pied ou le licenciement, sont faites pour lutter contre le déni de la situation, pour la personne et son environnement professionnel.

Les méthodes de prévention aujourd’hui scientifiquement validées ne s’appuient plus (ou ne devraient plus s’appuyer) sur les produits, mais sur les comportements, les conduites addictives. Nous savons désormais ce qui ne marche pas. Il faut maintenant renforcer la formation des professionnels dans l’appropriation de ce qui est efficace.

C’est une véritable révolution qu’il faut affirmer et réaffirmer car toutes les études scientifiques montrent que les programmes fructueux sont ceux qui portent sur le développement des compétences psychosociales, reposent sur la prévention par les pairs et sur des approches bienveillantes,et non punitives.

Le développement des compétences parentales s’inscrit dans cette logique, en s’appuyant là encore sur les outils et dispositifs utiles, sur les méthodes validées, et n’hésitant pas à faire appel aux consultations jeunes consommateurs, anonymes, gratuites, et bienveillantes[21] Jean-Pierre COUTERON, Muriel LASCAUX, Aude STEHELIN, Adolescents et cannabis, que faire ?, Paris, Dunod, 2017..

 Développer la prévention par les pairs consiste en la mise en place de dispositifs tels que les « étudiants relais ». Ces étudiants volontaires, bénéficient d’une formation et se déplacent sur le terrain pour s’adresser directement à leurs pairs. Le travail engagé avec les grandes écoles par la Mildeca pour de futurs cadres qui auront vocation à occuper des postes de management, grâce à la formation de ces étudiants relais via les bureaux des étudiants, commence à être décliné dans les universités[22] Conférence des grandes écoles, programme « Cépas1option »..

De même, l’Université de Nantes recrute chaque année 12 étudiants « relais-santé » formés par les professionnels de santé du service universitaire de prévention et de promotion de la santé (SUMPPS). Ils se déplacent dans les campus à la rencontre de leurs pairs pour libérer la parole et faciliter les échanges grâce à des animations ludiques autour de l’hyper alcoolisation, des comportements à risque…

Enfin, on peut citer l’association rennaise « noz’ambules », active dans les maraudes dans la fameuse « rue de la soif » à Rennes.

A l’école, l’annonce de la création des « ambassadeurs santé » dans le cadre du plan gouvernemental « Priorité prévention » reprend la même idée de prévention par les pairs. En l’espèce, les élèves de l’établissement scolaire eux-mêmes œuvreront. Ce genre de dispositif nous aidera indéniablement à mieux prévenir et mieux informer les jeunes sur leurs consommations.

De même, le programme « Good Behaviour Games » (jeu du bon comportement) est expérimenté depuis 2015 dans des écoles primaires des Alpes-Maritimes et a fait ses preuves en matière de développement des compétences psychosociales chez les enfants. Plusieurs pays européens l’ont repris avec succès. Les études ont montré une réduction des comportements perturbateurs en classe et des conduites addictives chez les élèves ayant bénéficié de ce programme. Encore une fois, l’action par les preuves scientifiques fonctionne.

Trop souvent, les politiques de prévention se résument à des campagnes de communication, onéreuses et dont l’impact s’avère souvent faible voire contre-productif quand elles sont ciblées sur la dangerosité des produits, alors que la nouvelle approche en matière de prévention veille à ne pas reposer sur des messages négatifs ou sur l’évocation des risques liés à la nocivité des produits.

Malgré tous ces progrès, il reste beaucoup à faire dans le domaine de la prévention. Paradoxalement il est difficile de généraliser les programmes expérimentaux qui marchent. A quoi bon mener des expérimentations si elles restent au stade d’une expérience réussie sur un seul territoire ?

Le développement de ces nouvelles approches doit aller de pair avec la rénovation des pratiques professionnelles et la validation des formations et leur inscription dans les méthodes scolaires reposant sur la méthode « aller bien pour mieux apprendre » (ABMA), laquelle décline le développement des compétences psychosociales.

Nous avons tous en mémoire l’intervention de forces de police et de gendarmerie dans les établissements scolaires, développant des présentations reposant sur l’alerte et le risque, et dont on connaît aujourd’hui l’inefficacité quand elles ne sont pas incitatives à la consommation en suscitant la curiosité. Il est vrai que ces policiers et gendarmes formateurs aiment intervenir dans les établissements scolaires, comme ils le font pour la sécurité routière, et qu’un nombre croissant d’entre eux est désormais formé aux nouvelles méthodes de prévention décrites plus haut. Mais il faut s’interroger sur la légitimité et la rationalité économique de ces interventions alors que la seule motivation des propositions de réforme de politique pénale du ministre de l’Intérieur consiste à économiser du temps gendarme et policier.

De même, le projet annoncé dans le plan « Priorité prévention » de faire intervenir les 48 000 étudiants en médecine, futures sages-femmes ou infirmiers dans les établissements scolaires dans le cadre d’un « service sanitaire », notamment sur les addictions, peut porter ses fruits. Cependant, s’il s’agit d’une annonce, sans réflexion sur la manière dont les intéressés pourront s’approprier ces méthodologies. Cela démontre que, pour les décideurs publics, la prévention reste encore du bricolage assorti, dans le meilleur des cas, de bons sentiments.

Il serait opportun de réfléchir à la création et à la diffusion d’un répertoire national des programmes de prévention évalués pour mutualiser les expériences et servir de référence et d’appui dans les régions, pour les établissements scolaires, et pour tous les lieux fréquentés par les jeunes. Outil au service des agences régionales de santé, des rectorats, des chefs de projet de la Mildeca, ce répertoire aurait vocation à labelliser les bonnes méthodes et à éliminer les programmes de prévention ne répondant pas à ces critères évalués et validés.

En ce qui concerne les adultes, il faut développer davantage la prévention en milieu professionnel, en impliquant bien plus les services de ressources humaines et l’encadrement dans le « well being at work ». Les actions de prévention collective, la mobilisation des réseaux concernés par l’encadrement, la médecine du travail et de prévention devraient permettre une démarche positive dépassant celle des sanctions disciplinaires qui favorisent le déni des addictions. L’implication des partenaires sociaux est également indispensable, leur appui au dernier plan santé au travail sur cette approche de la prévention des addictions, grâce à l’appui du conseil d’orientation des conditions de travail (COCT), l’a amplement prouvé.

Dans l’ensemble des actions de prévention menées, tant pour les jeunes que pour les adultes, la sélection entre les méthodes de prévention, des projets et des équipes de professionnels doit s’opérer par le financement : lorsqu’il s’agit de financement public, il faudra à l’avenir ne valoriser et financer que des programmes de prévention innovants s’appuyant sur des données scientifiques, comme « Good Behaviour Game », « Unplugged », « Primavera ».

Un véritable nouveau paradigme dans la politique des drogues consisterait à faire de la prévention des conduites addictives un enjeu de mobilisation de l’ensemble de la société, avec les moyens budgétaires adéquats. Le fonds tabac créé par la loi de modernisation du système de santé de janvier 2016 répond à cette idée.


Nous devons nous féliciter que le diagnostic de ce qui ne fonctionne pas dans la politique de lutte contre la toxicomanie soit largement partagé. Néanmoins, privilégier comme réponse un discours moral et la seule approche pénale ne pourra pas donner à nos concitoyens confrontés à cette question, usagers, parents, professionnels de l’addiction, policiers ou gendarmes, les éléments sereins de connaissance et de réflexion. La question des conduites addictives, des drogues au sens large, devrait enfin sortir des débats entre professionnels (conférences de consensus) ou des colloques au Parlement, entre seules personnes convaincues.

Quel message voulons-nous défendre, et selon quelle méthode ?

Prenons exemple sur la révision des lois de bioéthique, objet d’un large débat citoyen ; on le voit bien, pour s’approprier un débat qui nous concerne tous, il faut donner les moyens de connaissance et d’appréhension du sujet, par le biais d’ateliers citoyens, largement répartis sur le territoire, et par la vulgarisation et la diffusion de la médiation scientifique.

Il s’agit d’une question complexe, pour laquelle personne ne devrait se vanter de détenir la clé. Une société adulte et un Gouvernement responsable ne peuvent qu’en tenir compte.

Notes

1 Robert CASTEL, « Les sorties de la toxicomanie », in A. OGIEN, P. MIGNON, La demande sociale de drogue, Paris, La Documentation française, 1994.
2 Assemblée nationale, mission d’information relative à l’application d’une procédure d’amende forfaitaire au délit d’usage illicite de stupéfiants, rapporteurs MM. Eric Pouilliat et Robin Reda, Paris, 2018. Parmi les plus récents rapports parlementaires, on citera : Rapport d’information sur les toxicomanies, rapporteurs : Serge Blisko (député), François Pillet (sénateur), 2011. ; Evaluation de la lutte contre l’usage de stupéfiants, rapporteurs : Anne Yvonne Le Dain et Laurent Marchangelli (députés), Assemblée nationale, 2015.
3 Bernard ROQUES, La dangerosité des drogues, Paris, Odile Jacob, 1999, 192p.
4 On peut citer notamment la référence en la matière : « Drogues, chiffres clés ». https://www.ofdt.fr/publications/collections/periodiques/drogues-chiffres-cles/
5 Le lecteur pourra notamment consulter : « Cannabis : usages actuels en population adulte », résultats de l’enquête Baromètre santé 2016, in Tendances, juin 2017. https://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/eftxfbx6.pdf 
6 Rapport européen sur les drogues, tendances et évolution, OEDT, 2017. http://www.emcdda.europa.eu/system/files/publications/4541/TDAT17001FRN.pdf
7 Loc. cit.
8 Loc. cit.)), que

  • tous les indicateurs relatifs au tabagisme reculent entre 2014 et 2017 ;
  • même si les boissons alcoolisées demeurent très largement consommées, elles marquent le pas ;
  • Quant à l’usage du cannabis, souvent visé par des commentaires relatifs à sa supposée « explosion », on constate une baisse notable de l’expérimentation, même si ce chiffre n’est pas vraiment significatif, comme indiqué plus haut : il passe à 39,1 % (le plus bas enregistré depuis 2000), l’usage au cours du mois comme l’usage régulier diminuant également.

Néanmoins, il ne faut pas se réjouir car le nombre d’usagers problématiques ou de dépendance augmente (24,9, vs/21,9 en 2014), et le niveau de consommation reste élevé.

Quels enseignements en tirer ?

  • Une confirmation : l’approche par produits ne permet pas d’analyser la réalité des consommations, car c’est l’ensemble des conduites addictives qui connaît cette décélération.
  • Seule l’analyse des motivations à consommer permet à la fois de comprendre et d’orienter les politiques de prévention.

Les motivations à consommer : jeunes et adultes, tous concernés

Dans l’ouvrage Tous addicts, et après ?, les auteurs – tous deux médecins -, évoquent plutôt que les statistiques de consommation, « le spectre des addictions qui ne cesse de s’étendre : à chaque problème de performance ou de souffrance existe une solution chimique ou comportementale qui, dans un premier temps, apaise puis dope, puis finit par aliéner… Réduire les risques, minimiser les dommages chez ceux qui choisissent de poursuivre leur addiction impose une ouverture d’esprit que l’on souhaite en ce XXIe siècle, où tout va déjà trop vite(( Dr. William LOWENSTEIN et Dr. Laurent KARILA, Tous addicts, et après ? Changer de regard sur les dépendances, Paris, Flammarion, 2017.

9 « Jeunes et addictions », sous la direction de François Beck, OFDT, décembre 2016. https://www.ofdt.fr/publications/collections/rapports/ouvrages-collectifs/jeunes-et-addictions/
10 « Représentations, motivations et trajectoires d’usage de drogues à l’adolescence », Tendances, OFDT, décembre 2017 (https://www.ofdt.fr/publications/collections/periodiques/lettre-tendances/representations-motivations-et-trajectoires-dusage-de-drogues-ladolescence-tendances-122-janvier-2018/) et « Attitudes, représentations, aspirations et motivations lors de l’initiation au substances psychoactives » (étude ARAMIS), OFDT,janvier 2018. https://www.ofdt.fr/enquetes-et-dispositifs/aramis-attitudes-representations-aspirations-et-motivations-lors-de-linitiation-aux-substances-psychoactives/
11 quelques sites : souffrance-et-travail.com ; anact.fr ; inrs.fr ; drogues.gouv.fr 
12 Le Canada prévoit également de légaliser le cannabis en 2018 et étudie les modalités d’application de la promesse électorale de Justin Trudeau.
13 « Cannalex, Comparaisons internationales d’expériences de régulation du cannabis », INHESJ et OFDT, 2017. https://inhesj.fr/evenements/tous-les-actualites/cannalex-comparaison-internationale-dexperiences-de-regulation-du
14 Pays dans lequel, après les guerres coloniales, la consommation de tous les stupéfiants était largement répandue, et ce dans toutes les classes sociales. 
15 Op. cit.
16 Groupe de travail sur la réponse pénale à l’usage de stupéfiants, MILDECA, 2017. http://www.drogues.gouv.fr/sites/drogues.gouv.fr/files/atoms/files/gt_mildeca_reponse-usage-de-stupefiants.pdf
17 « Osons la contravention », think tank Le jour d’après, 2017, https://www.lejourdapres.eu/wp-content/uploads/2017/11/Etude-cannabis-11-2017.pdf
18 Dr. LOWENSTEIN et Dr. KARILA, op. cit.
19 « Conduites addictives chez les adolescents, usages, prévention et accompagnement », INSERM, 2013. https://presse.inserm.fr/conduites-addictives-chez-les-adolescents-une-expertise-collective-de-linserm/11035/ 
20 Laurence Cottet, Non ! j’ai arrêté, Interéditions, 2014
21 Jean-Pierre COUTERON, Muriel LASCAUX, Aude STEHELIN, Adolescents et cannabis, que faire ?, Paris, Dunod, 2017.
22 Conférence des grandes écoles, programme « Cépas1option ».