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Dépasser la police de sécurité du quotidien (PSQ) : 32 propositions pour rétablir la confiance entre les forces de l’ordre et la population [Livret #10]

Docteur en sciences de gestion, Chef du pôle sécurité intérieure de L’Hétairie et Conseiller scientifique de la spécialité sécurité-défense de l'Ecole d'Affaires publiques de Sciences Po.

Pseudonyme, haut-fonctionnaire spécialiste des questions de sécurité

Introduction

Un lien police-population distendu

            Deux ans avant les attentats du 13 novembre 2015, l’enquête « Cadre de vie et sécurité » (CVS) conduite par l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) signalait que, pour 53% des Français, la délinquance constituait  « l’un des trois problèmes les plus préoccupants de la société française » après le chômage, la précarité et la pauvreté. Cinq ans plus tard, la même enquête rappelle que plus d’un Français sur cinq se sent toujours en insécurité dans son quartier ou son village[1] La proportion passe précisément de 21% en 2017 à 22% en 2018.. Dans l’intervalle, la vague d’attentats terroristes a érigé le terrorisme en préoccupation sécuritaire majeure des Français[2] Un tiers des Français sondés par l’ONDRP dans leur étude de 2018 se déclarait inquiet de cette menace..

            En parallèle, la mesure scientifique du capital confiance qu’accordent les citoyens aux forces de sécurité intérieure témoigne d’une défiance persistante et croissante. Ainsi, dans une enquête réalisée en 2010 par la Fondation européenne de la science, à la question « est-ce mon devoir de faire ce que la police dit, même si je ne comprends pas ou ne suis pas d’accord ? » (10 étant « complètement mon devoir » et 0 « pas du tout mon devoir »), les Français interrogés répondaient en moyenne 5,7/10[3] Trust in Police & Courts, European Social Survey, 2010 (round 5).. En termes de confiance, la France se classait ainsi au niveau de l’Irlande, de la Grèce ou de l’Estonie, devancée par des États aux caractéristiques socio-économiques similaires tels que le Royaume-Uni (6,1) ou l’Allemagne (6,7).

Dans le même esprit, de nombreux travaux de recherche mettent en exergue une perception très défavorable des forces de sécurité intérieure françaises et montrent notamment que sur les questions :

  • De respect et de bon traitement des personnes[4] Mike HOUGH et alii, « La légitimité de la police : conclusions de l’Enquête Sociale Européenne », Cahiers de la Sécurité et de la Justice, n°27/28, 2014., la France se classe 19e sur 26. En outre, selon la grande étude européenne ESS réalisée en 2010, 35% des Français estiment que les forces de l’ordre françaises ne traitent pas les personnes avec respect, soit un taux comparable à celui de la Hongrie ;
  • De justice et d’impartialité des décisions prises par les forces de police,la France se classe 14e sur 20 et 16e sur 26 lorsqu’il s’agit de décisions visant des personnes défavorisées ;
  • D’efficacité de l’action des forces de sécurité intérieure, la France se classe 14ème au sein de l’Union européenne. En 2005, seules trois personnes sur cinq se déclaraient satisfaites de l’action des forces de sécurité intérieure (FSI) en matière de lutte contre la délinquance, soit autant qu’en Espagne ou en Grèce. Au surplus, depuis la première étude de ce type réalisée en 1989, ce taux stagne en France alors qu’il s’est amélioré pour la plupart des États membres de l’Union[5] Institut interrégional de recherche des Nations unies sur la criminalité et la justice, International Crime Victims Survey, 2005..

Interrogés par le sénateur François Grosdidier dans le cadre de son rapport relatif à l’état des forces de sécurité intérieure publié en juin 2018[6]Rapport de la commission d’enquête relative à l’état des forces de sécurité intérieure, présenté par le rapporteur M. François GROSDIDIER le 27 juin 2018., les deux directeurs généraux de la Police et de la Gendarmerie nationales « ont volontiers reconnu qu’il existait des « difficultés » et des « problèmes » parfois sérieux, [mais] ont toutefois estimé que ces phénomènes gardaient un caractère ponctuel ».

Encore sous-estimée, cette difficulté dans le lien police-population n’est pourtant pas sans conséquences opérationnelles pour l’action de personnels dont l’efficacité repose tant sur leurs prérogatives juridiques que sur la présomption irréfragable de légitimité de leur action par les citoyens.

La Police de sécurité du quotidien (1) : une promesse de campagne imprécise

Lors de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron, la PSQ a été présentée comme l’une des grandes réformes systémiques du futur quinquennat, avec pour double ambition la transformation profonde du rapport des Français aux FSI et l’amélioration substantielle des conditions de travail des policiers et gendarmes. Ainsi, parmi les cinq piliers de la PSQ, celui intitulé « une police et une gendarmerie respectées » était-il supposé rétablir le lien de confiance police-population.

Mais, dans le détail, la PSQ se déclinait en une série de mesures allant de la création d’une Académie de Police[7]Cette idée avait déjà fait l’objet d’une étude d’opportunité confiée à l’Inspection générale de l’administration (IGA) en 2013.à la rénovation de commissariats, en passant par la plus forte répression des agressions contre les policiers et gendarmes, sans porter la moindre ambition politique de resserrement du lien de confiance distendu. Si la reconquête de la légitimité perdue ne saurait reposer entièrement sur une présence plus nombreuse et plus régulière sur la voie publique, elle en était pourtant la quintessence aux yeux du candidat Emmanuel Macron.

De surcroît, au cours de la campagne, rares ont été les opposants à relever que la réponse politique à l’insécurité par la seule augmentation des effectifs creuse l’effet ciseaux entre l’augmentation des dépenses de personnels et la baisse tendancielle des moyens de fonctionnement courant[8] Voir la note de L’Hétairie, « Budget des forces de sécurité intérieure : à quand une loi de programmation ? » publiée le 11 décembre 2017 et la tribune « Budget 2019 … Continue reading. Ainsi a-t-on repoussé une série de questions pourtant déterminantes : plus de policiers et de gendarmes sur la voie publique, certes, mais pour quoi faire ? Quels seront leurs objectifs ? Leurs méthodes ? Leurs moyens ?

De fait, après l’élection et la mise en place de la PSQ, celle-ci se résume à une « méthode » désincarnée, sous-tendue par une promesse de renforts en policiers et gendarmes, elle-même affaiblie par la baisse structurelle des dépenses d’équipement.

La Police de sécurité du quotidien (2) : un flou entretenu

Le 15 août 2017, Gérard Collomb, ministre de l’Intérieur du Gouvernement Philippe (II), annonce la mise en œuvre de la Police de sécurité du quotidien (PSQ). Mais les policiers et gendarmes devront attendre le 18 octobre pour obtenir une feuille de route à peine plus précise. Pourtant, le ministre estime que, avec celle du suivi de la radicalisation[9]Evoquée le 15 août 2017 dans un entretien accordé par Gérard Collomb au Figaro, cette réforme a été remise en exergue après les attentats de Trèbes avant de connaître un nouveau retrait., cette réforme compte parmi les deux majeures du quinquennat . La consultation conduite auprès de 70 057 policiers et gendarmes aborde l’état des deux forces, leurs difficultés quotidiennes, leurs manques de moyens, leur malaise et leurs aspirations, etc.

De façon ouroborique, les policiers et gendarmes interrogés dans ce cadre mettent en exergue la défiance que leur action inspire à une part non négligeable de la population. Chargé de mener la consultation, l’institut de sondage OpinionWay, abonde en ce sens, précisant : « policiers et gendarmes jugent que la population porte un regard mitigé sur leur action » ; sur une échelle de 1 à 10, ils évaluent eux-mêmes le niveau de confiance de la population à 5,6[10]« PSQ : les forces de l’ordre plébiscitent le terrain », Le Parisien, 08 février  2018..

Paradoxalement, ce constat de défiance tant de fois pointé ne semble ni complètement posé, ni complètement assumé par Gérard Collomb. Passant outre, il présente officiellement la PSQ en février 2018 en invitant à ne pas y voir un nouveau dispositif, à l’image de la police de proximité[11] Se référer à l’entretien de Gilles Sanson, publié par L’Hétairie concomitamment à la présente contribution., mais plutôt une « méthode de travail et un nouvel état d’esprit pour l’ensemble des forces […] impliquant élus, maires et population pour faire une révolution[12]« Gérard Collomb dévoile les contours de la nouvelle PSQ », Le Figaro, 09 février 2018. ».

Le dossier « Pourquoi créer la PSQ ? » chargé d’exposer les motifs de la réforme, s’appuie sur des statistiques issues d’un sondage Odoxa (et non, de manière étonnante, sur celles émanant du ministère de l’Intérieur ou de l’ONDRP) pour la limiter à une simple politique d’accroissement des effectifs de police et de gendarmerie, en occultant les difficultés structurelles.

Les grandes annonces relatives à la PSQ pourraient, en somme, se résumer comme suit :

  • Des renforts de policiers et de gendarmes, les premiers pour 60 quartiers dits de « reconquête républicaine », les seconds pour 20 départements jugés prioritaires ;
  • Des renforts de personnels administratifs (2 500 pour la Police nationale, 1 500 pour la Gendarmerie) pour la réalisation de certaines tâches de soutien en lieu et place des policiers et des gendarmes, sans toutefois préciser ni l’étendue, ni la portée de cette substitution ;
  • La réduction des tâches dites « indues » pour les policiers et gendarmes de sorte à libérer des effectifs employables ailleurs et à réduire des activités éloignées d’un « cœur de métier » policier (sans que ce dernier ne soit jamais défini) : numérisation accrue des procurations électorales, réduction des gardes statiques notamment des préfectures, réduction des gardes de personnes détenues en milieu hospitalier, etc.
  • La simplification de la procédure pénale de sorte à dégager du temps aux policiers et gendarmes au profit des missions de police de voie publique.

Néanmoins, si l’on ne saurait blâmer le temps pris pour lancer une réforme d’importance, celle-ci, même biaisée, tarde sérieusement à s’incarner dans les faits. Sa mise en place est à la fois lente et confuse, éclipsée par une actualité estivale dominée par l’affaire « Benalla » qui aura pour conséquence la démission de Gérard Collomb.

Nommé ministre de l’Intérieur le 16 octobre 2018, Christophe Castaner a été accaparé par les manifestations du mouvement des Gilets jaunes, l’attentat terroriste de Strasbourg et un mouvement social dans la Police nationale. En décembre 2018, les syndicats de police de gradés et gardiens, regroupés en intersyndicale, ont ainsi obtenu des mesures immédiates en faveur de l’augmentation du pouvoir d’achat de leurs mandants. A ces revendications, auraient pu s’ajouter celles des gendarmes si le ministre n’avait pas pris soin de recevoir leur directeur général pour lui faire part des mesures catégorielles à leur profit.

En février 2019, dans un contexte social altéré par la grève de la Police technique et scientifique (PTS) et marqué par l’appel de plusieurs syndicats de police à la tenue urgente d’assises de la sécurité intérieure, Christophe Castaner se penche enfin sur la question de la Police de sécurité du quotidien, soit près de quatre mois après son entrée en fonction. Le 7 février 2019, il annonce la création de 17 nouveaux « Quartiers de reconquête républicaine » et martèle – comme son prédécesseur – que la PSQ se caractérise par « un changement de regard, de pratique, qui s’applique sur l’ensemble des territoires[13]« Christophe Castaner : « Je ne veux pas d’une police brutale » », Le Parisien, 7 février 2019. ». Mais, celui-ci, pour l’heure, n’a qu’une valeur incantatoire. Annoncer davantage de moyens pour recruter des agents, acheter des véhicules et rénover des bâtiments ne constitue en rien un changement et, plus grave, entre en contradiction directe avec la trajectoire baissière du budget d’équipement du ministère de l’Intérieur depuis 2017[14] cf. la publication précitée : « Budget 2019 du ministère de l’Intérieur : quand l’optimisme du ministre masque l’inertie »..

Le flou persistant laisse entrevoir l’absence de réflexion de fond sur le rapport de la Police et de la Gendarmerie nationales aux citoyens, sur les missions qu’elles doivent remplir et sur la manière de le faire.

Accaparé cette fois par les débats parlementaires autour de la très controversée Loi dite anticasseurs et les polémiques sur l’usage excessif du Lanceur de balles de défense (LBD40) lors des manifestations du mouvement des Gilets jaunes, le ministre se contente d’une reprise des annonces de son prédécesseur et met en œuvre une réforme aux contours jamais véritablement définis.

Demeure le nécessaire rétablissement de la confiance police-population 

Alors que la PSQ souffre d’une ambition tiède et de contours imprécis, trois séries d’évolutions qui visent à resserrer les liens police-population semblent plus que jamais nécessaires :

  • La première a trait à la formation au travail de policier et de gendarme qui doit tendre vers davantage de polyvalence au service de la population.
  • La deuxième série d’évolutions vise à recentrer, déconcentrer et autonomiser l’action des policiers et gendarmes pour les rapprocher effectivement des territoires où ils assurent la sécurité publique.
  • La troisième consiste à améliorer les conditions de travail des policiers et gendarmes, tant sur le plan des moyens humains que sur celui des moyens matériels alloués.

Réorganiser la formation des policiers et gendarmes pour renforcer les liens avec la population

            Un effort particulier s’impose au profit de la formation, thématique trop souvent délaissée par les responsables politiques alors qu’elle s’avère centrale.

Accroître les moyens alloués à la formation initiale et continue

            Formations initiale et continue méritent une attention soutenue.

Allonger le temps de formation initiale

            Tant la nature que la durée de la formation que reçoivent les policiers et gendarmes ont une incidence sur la confiance qu’ils fondent en eux-mêmes au moment d’accomplir leurs missions. Plus sûr de lui, plus serein, un policier ou un gendarme bien formé sera mieux à même de désamorcer des conflits et cèdera moins facilement à la peur, en intervention.

            Or, le volet formation tel que prévu par la PSQ ne retient qu’une « densification des modules de formation initiale » à laquelle s’ajoute la création d’une Académie de police dont les objectifs de formation demeurent méconnus. En parallèle, et malgré le volontarisme de façade affiché par Gérard Collomb en février 2018, le budget alloué à la formation ne cesse de se déliter :

  • Dans la Loi de finances initiales (LFI) pour 2018 le budget formation de la Gendarmerie nationale ne diffère en rien de celui de 2017 alors le texte crée 500 postes supplémentaires ; il s’élève à 13,1 M€, soit à peine 130 € par gendarme par an.
  • En 2018, le budget pour la Police nationale s’élève quant à lui à 22,28 millions d’euros, marquant une baisse de 9,94% par rapport à 2017.

            Au bilan, on regrettera que les gendarmes et les policiers concernés par la PSQ aient reçu une formation, en 2018, à budget constant pour les premiers, décroissant pour les seconds [Proposition n°1 : Accroître le budget consacré à la formation initiale et continue des gendarmes et policiers].

            Au-delà de ces considérations, la formation s’avère insuffisamment opérationnelle. Les interventions, pourtant essentielles en ce qu’elles permettent une meilleure prise en compte des réalités du terrain et favorisent les transferts de bonnes pratiques, souffrent de la faiblesse du temps alloué. Leur généralisation, réclamée à la fois par les élèves et les instructeurs, se heurte à la conception de la PSQ retenue par Gérard Collomb où la durée de la formation initiale a été raccourcie. Il est pourtant primordial que les gardiens de la paix comme les sous-officiers de gendarmerie, disposent d’un temps de formation initiale suffisamment long pour non seulement intégrer l’ensemble des enseignements théoriques et pratiques mais, surtout, être à même de les restituer sur le terrain, en confiance [Proposition n°2].

Au demeurant, le nombre de Formateurs aux techniques de sécurité en intervention (FTSI) pour la Police nationale et de Moniteurs d’intervention professionnelle (MIP) pour la gendarmerie nationale ne permet pas de couvrir les besoins quotidiens de base : renouvellement au tir, habilitation Bâton télescopique de défense (BTD), etc. Une réflexion s’impose sur l’attractivité et les modalités de formation des FTSI et des MIP afin de disposer, dans chacune des deux forces de sécurité intérieure, de davantage de formateurs [Proposition n°3].

Renforcer l’offre de formation continue et élargir le nombre de ses bénéficiaires

A ce jour, le nombre des offres de formation continue ne permet guère de répondre à des personnels désireux de se perfectionner.

A ce titre, seulement trois séances annuelles de tir de 30 cartouches chacune sont prévues pour chaque policier tandis qu’un gendarme doit tirer au minimum 40 cartouches par an. Ces volumes minimaux n’assurent pas aux policiers et gendarmes un niveau de confiance suffisant en situation d’utilisation de leur arme, a fortiori dans un contexte marqué par l’insuffisance du budget consacré aux munitions.

Insuffisante dans les deux forces, la formation continue est en outre trop souvent perçue comme une variable d’ajustement pour les services opérationnels, en fonction des budgets et du temps disponible. Ainsi, en 2017, moins de deux personnels actifs de la Police nationale sur trois avaient-ils effectué leurs trois séances de tir règlementaires.

Pourtant, nul ne saurait blâmer ni les Directeurs départementaux de la sécurité publique (DDSP), ni les Commandants de groupements de Gendarmerie départementale (CGGD). En effet, il s’avère impossible de libérer des policiers et gendarmes pour une journée de formation si leur hiérarchie (leur commissaire ou commandant de compagnie) ne dispose pas d’effectifs en nombre suffisant pour remplacer les personnels en formation. La situation revêt une plus grande acuité encore dans les territoires où l’Effectif départemental de fonctionnement annuel (EDFA) n’est pas atteint. En )2017, alors que dans le département du Loiret il manquait 35 policiers par rapport à l’EDFA[15]« Après le drame, la question des moyens policiers », La République du Centre, 23 août 2017., libérer des fonctionnaires pour des journées de formation relevait de l’impossible. Combinées à la baisse des moyens matériels (manque de stands de tir et manque de munitions), ces difficultés éclairent la dureté des statistiques.

Cette conception de la formation continue va à contre-courant du mouvement général de diversification et de mutation des menaces auxquelles doivent faire face les policiers et gendarmes. En 2016, Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’Intérieur, avait amorcé une réforme de la formation de la Police nationale, en créant la Direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN), chargée, entre autres missions, de la coordination de l’effort de formation initiale et continue. Pour l’heure, les directions centrales de la Police nationale conservent leur prévalence dans l’organisation de la formation continue. S’il serait hasardeux de leur retirer leurs capacités à organiser des formations spécifiques à leurs agents, la DRCPN pourrait en revanche, sans préjudice des actions de formations spécialisées organisées par les directions centrales, se charger de l’organisation, sur tout le territoire, d’un certain nombre de formations communes à l’ensemble des policiers (tir, armement, conduite de vitesse, etc.). Les catalogues de formations des directions centrales complèteraient ainsi utilement celui de la DRCPN [Proposition n°4].

Idéalement, la formation continue devrait représenter une véritable obligation de carrière. En sus des modules obligatoires, notamment de tir, suivre un volume obligatoire d’heures de formation à choisir parmi un catalogue co-construit par les directions centrales et la DRCPN, serait un atout [Proposition n°5]. Pour viser l’efficacité, ces formations devraient être dispensées au plus près des agents, en de multiples points du territoire. En cela, des mutualisations entre la gendarmerie et la police mériteraient examen dans certains domaines communs, pour permettre, par exemple, aux policiers d’une DDSP de petite taille de profiter de l’offre de formation d’un Groupement de gendarmerie environnant mieux doté, et inversement [Proposition n°6]. Cet effort de mutualisation suppose un préalable travail de connaissance mutuelle des besoins et des offres de formation de chaque force.

Former les policiers et gendarmes à mesurer l’impact de leurs actions sur la population

            Mal formés à la mesure des impacts de leurs actions sur la population, les policiers et gendarmes peuvent, par exemple, abuser des contrôles d’identité dont de nombreux sociologues, dont Sébastian Roché ou Elodie Lemaire, ont établi à quel point ils altéraient le rapport police-population : « ces modes d’action policiers renforcent le sentiment d’injustice. Ils accentuent les identités collectives minoritaires (ethniques, religieuses et du quartier) qui se combinent au ressentiment vis-à-vis des policiers : on se sent d’autant moins Français qu’on n’est pas traité par les agents comme les membres de la majorité. La police est perçue par les répondants à nos enquêtes comme séparatiste : à chacun son traitement en fonction de la catégorie dans laquelle il est placé[16]Elodie LEMAIRE, « Les usages de la spécialisation dans la police », Revue française de sciences politiques, vol. 66 – 2016/3. ».

            L’Allemagne a, pour sa part, engagé une réflexion de longue date sur la relation police-population. Durant leur scolarité, les policiers allemands réalisent ainsi plusieurs mises en situation et questionnent collectivement les impacts de leurs actions sur leur environnement. De fait, alors que les enquêtes sociologiques menées en France mettent en évidence l’existence de contrôles au faciès qui altèrent la relation police-population[17] René LEVY, « La police française à la lumière de la théorie de la justice procédurale », Déviance et Société, 2016/2., l’Allemagne en est davantage préservée. A ce titre, une étude dirigée par Jacques de Maillard conclut que le rapport à la minorité visible est plus problématique en France qu’en Allemagne où, mieux formés, les policiers se laissent moins volontiers entraîner vers le surcontrôle. L’étude précise ainsi que « les données rassemblées au cours de l’observation directe soulignent que les contrôles discrétionnaires correspondent à une part nettement plus importante des interactions au sein des minorités visibles (31,2 %) que pour les Blancs (14,1 %), alors qu’en Allemagne, les proportions de contrôle pour 100 personnes sont plutôt égales entre la population majoritaire (12,2 %) et les minorités visibles (12,25 %) ».

            Former les policiers et gendarmes au questionnement de leur action leur permettrait de réduire d’eux-mêmes le recours à des contrôles possiblement discriminants [Proposition n°7]. L’exemple allemand, où il n’existe aucun système de récépissé, démontre qu’il est tout à fait possible de faire face à la problématique du contrôle d’identité sans alourdir le travail des forces de l’ordre d’une nouvelle procédure chronophage, démotivante et accusatoire.

            La formation à la mesure de l’impact des contrôles d’identité participerait directement de l’amélioration des relations police-population [Proposition n°8]. Leur ciblage bénéficierait d’une amélioration par des modules de formation à la connaissance des policiers et gendarmes des populations auxquelles ils sont confrontés, à l’image des ateliers menés par l’Unité Intégration et Migration de la police berlinoise pour mieux connaître les différentes religions et ethnies de la ville.

            Enfin, s’agissant du Référent d’identité opérationnelle (RIO), la formation dispensée aux policiers et gendarmes gagnerait à davantage mettre en exergue son incidence sur les relations police–population. Obligatoire, tant en tenue qu’en civil, ne pas le porter de manière visible expose les policiers et gendarmes à des critiques qui dégradent la confiance que leur accordent les citoyens[18] Taranis News est un média Internet spécialisé dans la diffusion de vidéos sur l’action des forces de l’ordre, en particulier lors d’opérations de maintien de l’ordre. Il diffuse … Continue reading. Le port de ces identifiants constitue pourtant un gage de confiance vis-à-vis des citoyens.

Orienter les unités de terrain vers davantage de polyvalence

            Une multitude d’unités se côtoient au sein d’une même circonscription de police : les unités de Police-secours (PS), les Brigades anti-criminalité (BAC), les Brigades spécialisées de terrain (BST) et les Groupes de sécurité de proximité (GSP), pour ne citer qu’eux. La Police nationale tend ainsi vers une division forte et une spécialisation croissante du travail de policier.

            A l’inverse, la Gendarmerie nationale ne compte que deux types d’unités dans le domaine de la sécurité publique : les patrouilles générales et les Pelotons de sécurité et d’intervention de la gendarmerie (PSIG). Les PSIG mis à part, les gendarmes départementaux affectés en brigades assurent l’intégralité des missions afférentes à la sécurité publique (patrouilles, enregistrements de plainte, traitement des procédures judiciaires, etc.).

            Ces deux logiques distinctes s’expliquent par les spécificités territoriales des deux forces : les quartiers sensibles se situent, dans leur grande majorité, en zone de police, tandis que la gendarmerie nationale veille sur des territoires beaucoup plus vastes mais généralement considérés comme moins sensibles.

            Au sein de la Police nationale, les unités de police-secours en patrouille interviennent principalement à la suite d’un appel d’urgence. Les autres unités (BST, GSP, BAC), plus autonomes, agissent d’initiative et recherchent une infraction pénale en flagrance, ce qui leur vaut d’être affublées de sobriquets péjoratifs tels que « cow-boys » ou « chasseurs ». Or la spécialisation des unités concourt à un effet de loupe pour les forces de sécurité intérieure : toujours confrontées à une délinquance, qu’elles recherchent, elles autoalimentent un sentiment d’antagonisme indépassable entre le « nous » policier et le « eux » délinquant. Cette logique d’adversité, largement documentée par la littérature scientifique, contrarie tout rapprochement effectif entre la police et la population.

Dans cet esprit, et alors qu’il s’apprêtait à remplacer les UTeQ par les BST, le ministre de l’Intérieur de l’époque, Brice Hortefeux, proclamait que ces derniers ne seraient pas des « policiers d’ambiance ou des éducateurs sociaux, […] ou des grands frères inopérants en chemisette qui font partie du paysage[19]« Hortefeux supprime les UTeQ, symboles d’une certaine police de proximité », Libération, 17 août 2010. ». Il prônait une virilisation outrancière de la figure du policier qu’il instituait en remède absolu contre la délinquance qui empoisonne les quartiers dits sensibles. Cette politique, dont le recul des années permet de poser le constat objectif de son inefficacité, allait à l’encontre de toutes les études sociologiques documentées. Comme l’a très justement écrit le sociologue Mathieu Zagrodzki, « si l’on recentre le débat sur le cas français, une police de proximité, c’est-à-dire une police « territorialisée », fidélisée et connaissant bien la population de son quartier et ses attentes, n’est pas synonyme de laxisme. Il s’agit d’une police qui va utiliser une palette d’outils plus large que la seule application du Code pénal pour mener une lutte énergique contre la délinquance et les incivilités[20] Mathieu ZAGRODZKI, Quel policier dans notre société ? Ordre, sécurité et tranquillité, Paris, Fondapol, 2010. ».

Nul ne conteste que lutter contre la délinquance, patrouiller, interpeller, faire de la police-route et intervenir sur appel au 17 soient des missions de service public, en ce qu’elles contribuent à la tranquillité des citoyens et au respect de la loi. Toutefois, les forces de l’ordre doivent abandonner, dans la mesure du possible, cette logique de confrontation qui emprunte au vocabulaire martial lorsqu’on la ravale à une caricaturale « guerre aux voyous ».  Pour construire une police au service des citoyens, axée tant sur la lutte contre la délinquance que sur la résolution de leurs difficultés quotidiennes, il est nécessaire de former les futurs policiers en patrouilles sur la voie publique à la conduite de tâches plus généralistes de service à la population [Proposition n°9].

            Enfin, la motorisation progressive des forces de sécurité intérieure a mis fin à la pratique de l’ilotage et de la patrouille à pied qui maximisent pourtant la polyvalence des missions. Or, le véhicule est souvent une bulle qui limite les interactions avec l’environnement : le policier ou le gendarme n’est pas immédiatement disponible pour une interaction avec le citoyen, alors qu’à pied, à vélo ou à cheval, la relation s’établit plus facilement. S’il est absolument indispensable dans les circonscriptions de gendarmerie ou de sécurité publique étendues, le recours au véhicule pour les patrouilles doit, là où c’est possible, décroître au profit de patrouilles pédestres, cyclistes, voire équestres (en particulier dans les grandes villes) en accentuant la polyvalence des interventions [Proposition n°10].

            Ces constats auraient dû guider les orientations de la PSQ. En vain. 

Déconcentrer l’action des policiers et gendarmes pour renforcer leur ancrage territorial

            Une réflexion sur l’inscription des policiers et gendarmes dans les territoires semble nécessaire pour améliorer ce service public primordial.

Clarifier les objectifs assignés aux policiers et gendarmes et autonomiser leur action

Afin d’adapter chaque dispositif de sécurité intérieure aux réalités spécifiques du territoire, la déconcentration annoncée de certaines décisions et d’une partie de la gestion budgétaire mérite un accueil favorable. Alors que ni Gérard Collomb, ni son successeur Christophe Castaner n’ont encore précisé les contours de cette mesure, il faut souligner que, pour atteindre une réelle efficacité, elle supposera une authentique liberté d’action octroyée aux Directeurs départementaux de la sécurité publique (DDSP) et aux Commandants de groupements de gendarmerie départementale (CGGD). Sans le pouvoir de mener des actions de leur propre initiative au moyen de budgets sanctuarisés sur au moins trois années, aucune déconcentration ne sera effective.

Car, si la déconcentration des crédits annoncée par le ministre se traduit uniquement par la simple gestion budgétaire locale d’arbitrages pris au niveau central, l’effet recherché de rapprochement du citoyen sera nul. Pour être effective, la déconcentration implique l’autonomie budgétaire des commissaires et des commandants de brigade dans le cadre d’une enveloppe préalablement définie en fonction des objectifs qui leur sont assignés au niveau local [Proposition n°11].

De surcroît, à ce jour, la trop grande variété des objectifs, parfois contradictoires, impose leur nécessaire réduction. Durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, l’inflation des objectifs prioritaires fixés par la DCSP aux DDSP avait confiné à l’absurde. En 2010, la Cour des comptes relevait ainsi que « les DDSP ont reçu instruction de leur directeur central de mener pas moins de 48 actions ʺprioritairesʺ[21] Cour des comptes, L’organisation et la gestion des forces de sécurité́ publique, rapport public thématique, 2011. ». Les indicateurs de performance retenus par l’administration centrale pour mesurer l’efficacité des forces de police et de gendarmerie dans les territoires influencent lourdement la conduite de leurs missions au quotidien. Ainsi, le conseiller maître à la Cour des Comptes Christian Martin signalait-il : « les objectifs définis à l’époque [du quinquennat Sarkozy] relevaient davantage d’une approche quantitative que qualitative [ ;] la « culture des résultats » et des « objectifs chiffrés » avait conduit le ministère de l’intérieur à évaluer l’action des forces de sécurité à partir de certains agrégats – mesurant l’activité comme la performance des personnels – dénués de sens ».

Sous François Hollande, ce nombre d’objectifs a été revu à la baisse, mais les DDSP et les GGD étant des services par essence généralistes, Christophe Castaner pourrait être tenté de multiplier les objectifs prioritaires à l’occasion du déploiement de la PSQ, la privant ainsi de toute efficacité. Un mauvais choix des indicateurs accentuerait son caractère hors-sol et enfermerait les forces de sécurité intérieure dans un rôle, très réducteur, de producteurs de statistiques. Le Président de la République a d’ores et déjà emprunté ce chemin glissant de la démultiplication des objectifs en déclarant vouloir faire de la lutte contre le harcèlement l’une des priorités de la PSQ. Dans le même temps, le dossier presse de la PSQ met quant à lui l’accent sur la lutte contre les incivilités (rodéos, occupations de hall d’immeubles, tapages, etc.) et les trafics. Une sortie par le haut pourrait consister en la création d’un référentiel national comprenant l’ensemble des objectifs possibles, laissant ainsi le soin aux DDSP et CGGD de décider localement des plus prioritaires au regard des réalités locales en lien avec les préfets et d’affecter une enveloppe de ressources à chaque commissaire et commandant de brigade [Proposition n°12].

Au demeurant, les indicateurs en vigueur sont essentiellement quantitatifs, y compris pour la notation des agents. Si, théoriquement, l’Indemnité de responsabilité et de performance (IRP) de la Police nationale est calculée en fonction de la seule évaluation individuelle (évaluation qualitative formulée par le chef de service), la pression du chiffre n’a pas diminué. Dans sa présentation de la PSQ, Gérard Collomb ne s’est d’ailleurs pas abstrait de cette prévalence du quantitatif sur le qualitatif et a pris l’exemple du nombre brut d’interpellations menées par les deux forces pour des infractions liées au trafic de stupéfiants[22] Lancement de la Police de Sécurité du Quotidien, dossier de presse, 08 février 2018.. Examiné sous l’angle quantitatif, cet indicateur n’est pas significatif de l’efficacité des interpellations. Préférer un autre indicateur comme le taux de déferrement [Proposition n°13] inciterait les policiers à procéder à des interpellations plus qualitatives, liées à des faits suffisamment étayés pour entraîner un déferrement.

En tout état de cause, le nombre d’indicateurs que doivent remplir les DDSP et les GGD gagnerait à être réduit [Proposition n°14]. Les Directeurs départementaux de la sécurité publique et les commandants de groupement de gendarmerie départementale devraient être en mesure de sélectionner leurs indicateurs de concert avec leur préfet de département, au sein d’un référentiel défini au niveau national et en fonction des priorités locales préalablement arrêtées. De cette manière, seuls certains indicateurs seraient poursuivis et quantifiés, permettant d’axer la politique locale de sécurité sur certaines priorités plutôt que de viser tous les objectifs simultanément.

Mesurer la qualité du service rendu par les policiers et gendarmes

A ce jour, ni les statistiques demandées par l’administration centrale, ni la notation des responsables, ne prennent en compte la qualité du service rendu à la population. L’État méconnaît ainsi le niveau de qualité du service qu’il rend. C’est d’autant plus regrettable que les données statistiques relatives aux relations police-population gagneraient à être rendues publiques, afin d’augmenter la confiance des citoyens dans leur police.A défaut d’un outil de mesure dédié à la qualité [Proposition n°15], le ministère de l’Intérieur fera face au paradoxe de ne pouvoir mesurer l’efficacité de la PSQ à laquelle il a pourtant assigné le rapprochement police – population. Tout l’enjeu réside dans la reconstruction du lien avec le citoyen en démontrant l’action concrète des policiers et des gendarmes, ainsi que leur capacité à répondre aux problèmes.

En développant la fonction de médiation de la PSQ [Proposition n°16], en lien avec les acteurs locaux telles que les polices municipales, les bailleurs sociaux, les écoles etc., la police et la gendarmerie se doteraient de nouveaux outils de lutte contre l’insécurité. Cela se traduirait, par exemple, par l’accentuation de la lutte contre les incivilités avec de la verbalisation et du paiement direct par consignation (les incivilités jouant un rôle important tant dans le sentiment d’insécurité que dans celui d’« impuissance » des forces de l’ordre à y répondre), ou encore des politiques plus fermes envers les occupations de halls d’immeubles.

De même, chaque problème évoqué auprès des forces de l’ordre, chaque plainte ou dépôt de main courante devrait bénéficier d’un traitement sous 7 ou 14 jours puis d’une mise à disposition des informations relatives aux actions déployées, permettant au plaignant de mieux connaître les suites données à sa plainte. Étant donné que les centres opérationnels (SIC côté police, CORG côté gendarmerie) consignent déjà les comptes rendus d’intervention, compilés dans la main courante informatisée, il serait aisé et peu coûteux pour les commissariats ou les brigades de synthétiser ces éléments et de les rendre accessibles [Proposition n°17]. Les policiers et gendarmes, trop souvent imparfaitement tenus informés des suites de leurs actions, bénéficieraient eux aussi de ces retours.

Pareille évolution implique de remettre la patrouille police secours, par essence généraliste, au cœur du dispositif [Proposition n°18]. Elle doit intervenir, expliquer, verbaliser, interpeller puis, à son retour, préparer les éléments qui serviront le « faire savoir » précité.

Dès lors, chaque citoyen dont le problème a été résolu devient un ambassadeur des forces de l’ordre, évitant ainsi ce paradoxe au terme duquel l’action des forces de l’ordre reste méconnue, alors même qu’elle a effectivement lieu.

Etudier les options de redécoupage territorial des zones police et gendarmerie

La question du découpage territorial des zones police et gendarmerie revêt un caractère passionnel. Refuser de l’aborder par crainte des revendications qu’elle ne manquerait pas d’entraîner revient cependant à amputer la réflexion sur le lien police-population d’une de ses dimensions essentielles : celle de l’ancrage territorial des forces de sécurité intérieure.

Le découpage entre zone police nationale (ZPN) et zone gendarmerie nationale (ZGN) est au carrefour de multiples enjeux. Plus une ZGN/ZPN est étendue, plus il est possible d’y implanter des unités d’intervention spécialisées (BAC/PSIG) mais également des services de relation au public (dans les commissariats, les dispositifs de prévention avec le public ne sont financés qu’à partir d’une certaine taille justifiant leur mise en place).

En théorie, toute commune de plus de 20 000 habitants devrait relever d’une ZPN. En pratique cependant, le schéma de découpage des ZPN/ZGN est désuet en ce qu’il conduit à raisonner en nombre d’habitants et non en bassin de vie ou zone d’intervention. Si bien que l’on maintient aujourd’hui des commissariats dans des communes de 20 000 habitants ou moins, entourées de brigades de gendarmerie. Les renforts policiers possibles (BAC, judiciaire) se situent parfois à des centaines de kilomètres, tandis que les forces de gendarmerie se retrouvent contraintes dans leurs interventions, car l’« îlot » qu’est la CSP agrandit mécaniquement les distances pour accéder à la ZGN depuis la brigade.

Symétriquement, certaines circonscriptions de ZGN résultent de découpages ubuesques. En cherchant à maintenir artificiellement la présence de la gendarmerie aux abords de grands centres urbains, les délais d’intervention sont considérablement rallongés.

Dans les deux cas le citoyen est la victime de querelles internes au ministère de l’Intérieur. L’action des forces de l’ordre s’en trouve entravée et l’organisation rendue illisible au quotidien pour le citoyen qui ne retiendra que l’allongement des délais d’intervention lorsqu’il vivra une situation de détresse et le gâchis d’argent public faute d’aires géographiques homogénéisées.

L’organisation territoriale des forces ne peut faire l’économie d’une réflexion d’ensemble en vue d’un meilleur redécoupage d’ensemble des ZGN et ZPN. Deux principes doivent la sous-tendre :

  • L’unité de base du redécoupage ne doit pas être la commune mais le bassin de vie [Proposition n°19]. A cet égard, raisonner en termes de densité de communes peut être pertinent et conduire à intégrer dans certaines CSP des communes plus rurales, mais suffisamment proches de la ville ZPN.
  • Le second principe est celui proximité géographique avec d’autres unités de la même force : maintenir un commissariat dans une commune à plusieurs dizaines ou centaines de kilomètres du commissariat le plus proche, a peu de sens. Une ZGN doit intégrer des communes de 20 000 habitants qu’elle ceinture de brigades par ailleurs.

Suivant ces deux principes, un certain nombre de petits commissariats intègreraient des ZGN. La Police nationale objectera la disparation de quelques petites DDSP mais la Gendarmerie départementale est absente de certains départements français. De fait, la Gendarmerie nationale verrait grossir les circonscriptions urbaines dans le giron de la Police nationale pour les rendre plus cohérentes.

Déjà du temps du rapport Blazy, tant le Directeur général de la Gendarmerie nationale le général d’armée Denis Favier, que le Directeur général de la Police nationale le préfet Jean-Marc Falcone accueillaient favorablement une rénovation des ZPN/ZGN. Il appartient au ministre de l’Intérieur de permettre par une impulsion politique, d’accélérer les discussions entre les deux Directions générales, pour adopter un plan pluriannuel global et crédible, incluant l’enjeu du logement pour les gendarmes [Proposition n°20].

Créer un service de coordination de la prévention au sein des commissariats de police

Dans les organigrammes officiels d’une Circonscription de sécurité publique (CSP) tels que définis par l’instruction portant doctrine d’emploi et d’organisation des services territoriaux de la DCSP, les différents dispositifs de prévention et de relation avec le public sont rassemblés au sein du service de l’action préventive et de la relation au public, un sous-ensemble de la « fonction état-major ». Ces services n’existent cependant que dans les CSP ayant une taille critique pour les accueillir. Dans le cas contraire, ces missions sont réparties entre plusieurs personnels qui, malgré leur bonne volonté, n’ont pas la capacité de s’y consacrer entièrement.

A cela s’ajoute le dispositif des Délégués à la cohésion police-population (DCPP), au nombre de 111 en France en 2015[23] Jacques de MAILLARD et alii, « Aux bords de l’institution », Les cahiers de la sécurité et de la justice, 2017, INHESJ., des policiers retraités chargés d’entretenir les relations police-population en rencontrant les acteurs institutionnels et les habitants, en faisant un travail de pédagogie et de remontée d’informations. Leur statut très souple leur permet de jouer le rôle d’interface entre l’institution policière dont ils ne sont pas totalement partie prenante et l’environnement de la circonscription.

La Police de Sécurité du Quotidien, dont l’objectif affiché est de rapprocher la police et la population, consiste finalement, dans ce domaine, en la création d’un poste de DCPP par « quartier de reconquête républicaine », soit à peine 30 DCPP de plus, pour toute la France.

Une politique plus ambitieuse aurait consisté à rehausser de façon visible les moyens alloués à la fonction de prévention en l’incarnant dans les organigrammes des commissariats de police [Proposition n°21]. Ce service ainsi rénové, disposant à sa tête d’un officier ou d’un commissaire, coordonnerait tous les dispositifs de prévention souvent épars (PFAD, intervenants en milieu scolaire, référent sécurité routière, DCPP, etc.), de partenariat et de prévention situationnelle (référents sûreté des départements), pour y donner une plus forte cohérence.

Ces services pourraient recevoir le renfort de réservistes, mener des actions de long terme et disposer d’un budget consacré, charge à eux ensuite de le ventiler entre les différents dispositifs évoqués, qui resteraient pour certains rattachés hiérarchiquement à leur unité d’origine. Ils seraient également chargés de la relation avec le public et notamment de l’évaluation de la satisfaction des citoyens. Les fonctionnaires affectés disposeraient d’une formation dédiée et, à terme, ce type d’unités alimenterait d’autres unités opérationnelles en renseignement policier et/ou mettrait à disposition son expertise de la ville ou du quartier, à l’image des Unités Intégration et Migration de la police berlinoise qui permettent aux policiers de la ville de mieux connaitre l’environnement ethnique et religieux dans lequel ils évoluent[24] Jérémie GAUTHIER, « Les policiers berlinois comme « professionnels de l’intégration » ? », Les cahiers de la sécurité et de la justice (INHESJ) 2017.. Naturellement, l’organisation d’une telle unité de coordination serait laissée à la discrétion du chef de circonscription afin de l’adapter au mieux au contexte local.

Concernant la Gendarmerie nationale, aucune structure n’est clairement dédiée aux relations avec la population, l’essence même du modèle gendarmerie reposant sur l’immersion totale du gendarme – et de sa famille – dans le territoire qu’il protège. La Gendarmerie nationale expérimente par ailleurs depuis début 2017, une trentaine de brigades de contact, dont l’objectif est de renouer avec la population locale en étant déchargée de certaines tâches administratives. Le ministre de l’Intérieur a décidé de l’extension des brigades de contact à l’ensemble du territoire national (passant de 30 à 250 unités de contact, brigades ou groupes), validant par là même, la pertinence de ce dispositif pensé par la Direction générale de la gendarmerie nationale.

            Enfin, face au sentiment croissant chez les policiers et gendarmes que le citoyen leur dénie leur légitimité à intervenir, la pédagogie de l’action des forces de l’ordre doit être renforcée. Aussi serait-il envisageable de mener une expérimentation ciblée sur quelques commissariats et brigades : les véhicules de patrouilles seraient équipés d’un panneau à message variable rétractable sur lequel défilerait un texte à valeur d’information de type « nous intervenons sur un accident de la route » ou « nous surveillons le voisinage dans le cadre d’une opération tranquillité vacances ». La patrouille aurait toute liberté de déployer ou non ce type de message, selon la sensibilité de la situation. Il s’agirait là d’un outil précieux de prévention et de communication envers les usagers.

Pour une précautionneuse mise en œuvre du continuum de sécurité nationale

            Policiers et les gendarmes qualifient un certain nombre de tâches d’indues en ce qu’elles ne constitueraient pas leur cœur de métier. Parmi elles, sont souvent cités les transfèrements et extractions judiciaires, les vacations funéraires dans la police, certaines gardes statiques, l’établissement des procurations électorales, etc.

Dès 2010, le transfert des extractions judiciaires à l’administration pénitentiaire devait permettre de soulager les gendarmes et, dans une moindre mesure, les policiers, en mettant fin aux brigades de transfèrement judiciaire et à l’engagement d’escadrons de gendarmerie mobile. Ce transfert de charge procédait d’une logique opérationnelle crédible : si l’administration pénitentiaire assure elle-même les transfèrements, les coûts de coordination sont moindres. Depuis, l’administration pénitentiaire peine cependant à assurer cette mission, faute de personnels en nombre suffisant. En 2016, et malgré les efforts entrepris par Jean-Jacques Urvoas alors Garde des Sceaux, 21% des demandes d’extractions judiciaires émises par les juridictions étaient assurées par la Gendarmerie et la police nationales.

D’autres chantiers pourraient être prochainement engagés, comme la suppression des vacations funéraires assurées par les policiers en zone Police nationale, mais par les policiers municipaux en zone Gendarmerie nationale.

De manière générale, Gérard Collomb avait fortement plaidé pour l’ouverture de chantiers visant à la réduction des tâches indues. Son successeur, Christophe Castaner y voit, lui aussi, une source évidente de gain opérationnel à coût nul pour l’État tout en satisfaisant des revendications de policiers et gendarmes, lassés par l’accomplissement de tâches jugées à la fois chronophages et éloignées de la représentation qu’ils se font de leur métier. Or, c’est précisément là le principal écueil du ministre : pas plus qu’il n’appartient à un fonctionnaire de définir son périmètre d’action sur la base d’une hiérarchisation affective des missions de service public qu’il a la charge d’accomplir, le transfert de missions ne peut, ni ne doit, céder à aucune démagogie.

Si le recentrage des missions des policiers et gendarmes est rendu nécessaire par les attentes sociales en termes de sécurité publique, les transferts ne sauraient procéder de choix de circonstances mais doivent, au contraire, s’inscrire dans une stratégie globale. Ni les policiers municipaux, ni les agents privés de sécurité ne sont des personnels supplétifs auxquels le ministre de l’Intérieur déléguerait des missions à moindre coût, cédant à ceux qui les jugent moins valorisantes.

Cette situation a conduit les policiers municipaux, bien que fonctionnaires territoriaux[25] L’article L511-2 du Code de la sécurité intérieure dispose que « les fonctions de police municipale ne peuvent être exercées que par des fonctionnaires territoriaux recrutés à cet … Continue reading, à être, plusieurs décennies durant, symboliquement dépréciés. De fait, leur filière s’est longtemps révélée peu attractive[26] François PILLET et René VANDIERENDOCK, Rapport d’information du Sénat De la police municipale à la police territoriale, mieux assurer la tranquillité publique enregistré à la présidence le … Continue reading. A partir du début des années 2000, l’inflation de la demande sociale de sécurité couplée à la réduction des effectifs policiers et de gendarmes sur la période 2005-2011[27] En 2002, le nombre de policiers et de gendarmes avait été ramené à celui de 1997. Ce constat est établi par la Cour des comptes dans son rapport « L’organisation et la gestion des … Continue reading, a encouragé l’essor des polices municipales. Cette extension a induit une série d’interrogations quant à leur statut et aux modalités de leur inscription dans un continuum de sécurité nationale, encore en germes. Progressivement, l’uniformisation des tenues, des formations et des parcours de carrière, cumulée à la délégation croissante de missions, de prérogatives et d’équipements qui relevaient jadis des seules police et gendarmerie nationales, ont contribué à revaloriser la filière et renforcer l’attractivité des carrières. Grâce à la disponibilité d’une force de qualité croissante, l’Etat a accéléré en toute serénité le processus de transfert de certaines de ses missions à leur profit, instaurant chemin faisant, une mécanique de cercle vertueux qui aura permis la réhabilitation d’une filière, en à peine 15 ans[28] La question des polices municipales sera traitée dans une prochaine note de L’Hétairie..

Pour leur part, les agents de sécurité privée ont souffert du même sentiment de déconsidération. A partir du début des années 2000, la démultiplication des événements dits de masse a considérablement accéléré le développement économique des sociétés de sécurité privée sans que les pouvoirs publics ne les considèrent comme de possibles partenaires. Le ministère de l’Intérieur n’y voyait qu’une force supplétive à qui déléguer certaines « des activités qui ne font pas partie de son cœur de métier[29] RGPP, Troisième rapport d’étape, février 2010, page 3. ». Le secteur n’a ainsi été doté d’une autorité de régulation[30] La création du CNAPS découle directement du rapport rédigé par Yvan BLOT, Olivier DIEDERICHS, Pierre GARCIN, Dominique HAN et Hélène MARTINI, Rapport sur le contrôle des entreprises de … Continue reading, le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), qu’en 2012, lorsque l’importance numérique de ses employés (plus de 150 000 à l’époque) a reposé la double question de leur moralisation et de leur professionnalisation. La masse des agents de sécurité privée obligeait à les prendre en considération, mais sous l’angle exclusif des agissements illégaux ou amoraux d’une minorité d’entre eux.

Fin 2018, les fragilités du secteur limitent les possibilités d’externalisation de compétences au profit de la sécurité privée[31] Guillaume FARDE « L’agent de sécurité privée : nouveau prolétaire de la sécurité intérieure », L’Hétairie, 11 septembre 2018.. Les 167 800 agents de surveillance humaine exerçant en France[32]Chiffres au 31 décembre 2016 sont à 75% employés en CDD avec un taux de transformation en CDI inférieur à 3%. Ces employés, masculins pour 86% d’entre eux, sont à 87% des agents d’exploitation. Alors que plus d’un sur deux a moins de 39 ans, aucun n’y fera carrière : au sein de la profession, un agent sur deux présente un taux d’ancienneté inférieur à quatre ans. Pour les agents d’exploitation, les salaires sont indexés sur le SMIC. Quant aux agents de maîtrise et aux cadres, ils ne représentent qu’à peine 10% des salariés du secteur.

Dans un tel contexte social, prétendre confier des tâches qualifiées d’indues à la sécurité privée sans avoir préalablement renforcé la régulation du secteur serait dangereux. Pire acheteur du secteur avec un prix moyen de l’heure prestée inférieur à 17,50 euros, l’Etat a confié à des sociétés de sécurité privée la garde statique de ministères, y compris régaliens, sans que les agents employés, en raison du tarif appliqué, n’aient été ni formés, ni équipés pour faire face aux menaces effectives qui pèsent sur ces ministères : intrusions, manifestations violentes, attentats terroristes, etc.

En conséquence, si l’heure est aujourd’hui à la coopération public-privé à marche forcée, avec pour cap la sécurité de la future Coupe du monde de rugby et, surtout, des Jeux olympiques de Paris, en 2024, les perspectives offertes à la sécurité privée sont faites d’externalisations peu sensibles : gardes statiques de bâtiments publics, surveillance d’événements publics, police du stationnement[33] Elina LEMAITRE, « Actualité du principe de prohibition de la privatisation de la police », Revue Française de Droit Administratif, 2009, pages 767 et suivantes., entre autres. Identifier davantage de missions à déléguer constituait l’un des attendus de la mission confiée par le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb aux parlementaires Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue. Remis le 11 septembre 2018, leur rapport intitulé « D’un continuum de sécurité vers une sécurité globale », procède davantage de la compilation déstructurée de mesures  (78) sans jamais dépasser la logique de subsidiarité que les acteurs de la sécurité privée n’appellent certainement pas de leurs vœux.

La nature et le périmètre des externalisations autorisées doivent être clarifiées par le législateur, tandis qu’il revient au ministère de l’Intérieur de préciser les modalités de leur transfert aux polices municipales et/ou aux sociétés de sécurité privée. Dans les deux cas, la réalisation d’une étude d’impact préalable doit être rendue obligatoire [Proposition n°22]. Cette étude prendrait notamment en compte :

  • L’exclusion du champ de l’externalisation de missions considérées comme relevant du domaine exclusif des forces étatiques par le législateur : gardes statiques de certaines infrastructures critiques, missions de police judiciaire, transferts de détenus dangereux, etc.
  • La capacité effective et la volonté de ces acteurs dits périphériques d’assurer des missions dans un cadre précis et en contrepartie d’une rémunération que l’État doit leur préciser. La qualité du service public ne saurait se dégrader en raison de la volonté de l’État de se décharger à moindre coût et dans l’urgence, de certaines missions.
  • Le coût complet de ces externalisations, comparativement au maintien en régie, en tenant compte de l’ensemble des externalités et des coûts de transaction afférents.

Améliorer les conditions de travail des policiers et gendarmes

            Souvent évoquée dans les discours, l’amélioration concrète des conditions de travail des FSI tarde à voir le jour. Le sujet mérite des mesures décisives.

Réduire le ratio dépenses de personnel/dépenses de fonctionnement courant et d’investissement

            Depuis 2002, les dépenses de personnel du ministère de l’Intérieur sont structurellement élevées. Entre 2005 et 2011, la politique budgétaire de Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur puis Président de la République, caractérisée par la Révision générale des Politiques Publiques (RGPP), a conduit à la suppression, à la fois injuste et dangereuse, de 7 236 Equivalents temps plein (ETP) pour la mission Sécurités[34]Cour des comptes, mars 2013, « Police et Gendarmerie nationales : dépenses de rémunération et de temps de travail », Rapport public thématique. Successivement ministres de l’Intérieur de 2012 à 2014 et de 2014 à 2016, Manuel Valls puis Bernard Cazeneuve, ont corrigé ce choix budgétaire et, sur la période 2013-2016, le total des créations d’emplois s’élève à 6 551 équivalents temps plein (ETP)[35] Inspection générale des finances, février 2017, « Évolution des effectifs de la police et de la gendarmerie nationales ».

            Nommé ministre de l’Intérieur en 2017, Gérard Collomb, fait de la création de 10 000 ETP dans la Police (7 500) et la Gendarmerie (2 500) nationales d’ici la fin du quinquennat d’Emmanuel Macron, la pierre angulaire de la PSQ. Or, s’il peut être nécessaire de recruter des policiers et gendarmes supplémentaires dans un contexte où ni la menace terroriste, ni les violences urbaines, ni la délinquance du quotidien ne diminuent, cette politique budgétaire se heurte irrémédiablement au creusement du ratio dépenses de personnel (titre 2)/dépenses de fonctionnement courant et d’investissement (hors titre 2).

            En 2007, ce ratio, déjà trop déséquilibré était de l’ordre de 85%/15%. En 2018, il dépasse les 90%/10% alors même qu’il faudrait le ramener à 80%/20% pour que des améliorations significatives des conditions de travail des policiers et gendarmes soient perceptibles. Les causes de cette aggravation sont bien identifiées : les dépenses de fonctionnement courant et d’investissement sont systématiquement sacrifiées au profit des dépenses de personnels.

            Dès l’été 2017, Gérard Collomb avait donné le ton en annulant 110 millions d’euros de crédits (hors titre 2) dans la Police nationale et 90 millions dans la Gendarmerie nationale. En 2018, Christophe Castaner lui emboîte le pas :

  • comparées à Loi de finance initiale (LFI) 2018, les autorisations d’engagement demandées au titre du Projet de loi de finances (PLF) 2019 pour les dépenses de fonctionnement (titre 3) de la Police nationale (Programme 176) décroissent de 8%.
  • Les dépenses d’investissement (titre 5) chutent quant à elles de 12%.
  • Pour la Gendarmerie nationale, si les crédits de fonctionnement (titre 3) demandés pour 2019 augmentent de 400 millions d’euros en autorisations d’engagement, ils seront minorés par la mise en réserve d’usage et ne suffiront pas à couvrir l’immensité des besoins.

            Dans son rapport relatif à l’état des forces de sécurité intérieure enregistré à la Présidence du Sénat le 27 juin 2018, François Grosdidier rappelle l’urgence du renouvellement des équipements mis à disposition des forces de l’ordre qu’il s’agisse des « chaussures dépareillées ou usées », ou l’équipement des véhicules aux sirènes défaillantes et privés de carburant.

            Pour 2019, en diminuant les budgets de fonctionnement courant et d’investissement de la Police et de la Gendarmerie Nationales et en augmentant les dépenses de personnels par la distribution hâtive d’augmentations de salaire sans aucune stratégie d’ensemble, Christophe Castaner aggrave la dégradation continue du ratio dépenses de titre 2/dépenses hors titre 2. Ce mode de gestion, totalement inefficace, conduit à ce que des efforts budgétaires de plus en plus lourds portent sur des possibilités de coupes de plus en plus réduites. Il signifie concrètement que les policiers et gendarmes continueront de disposer de moyens de protection et d’armement moins modernes, que le renouvellement de leurs parcs automobiles sera ralenti et que le parc immobilier de la Police (commissariats) et de la Gendarmerie (logements) nationales continuera de se dégrader.

Or, sans une amélioration substantielle des conditions de travail des policiers et gendarmes, toute amélioration des relations police-population s’avère illusoire. Les interactions police-citoyens sont d’autant plus limitées que le policier ou le gendarme éprouve un sentiment de frustration, de déracinement ou de mal-être.

            Le premier axe d’effort pour l’amélioration du sentiment de mieux-être des policiers et gendarmes tient à la qualité de leur outil de travail. De ce point de vue, il convient d’instaurer d’une règle d’or aux termes de laquelle les dépenses de fonctionnement (titre 3) et d’investissement (titre 5) n’augmenteraient que proportionnellement à l’augmentation des effectifs (titre 2) [Proposition n°23].

            Par ailleurs, face à cette gestion publique par à-coups, le ministère gagnerait à disposer d’une authentique loi de programmation budgétaire[36] Guillaume FARDE, « Budget 2019 du ministère de l’Intérieur : quand l’optimisme du ministre masque l’inertie », L’Hétairie, 29 décembre 2019.. D’abord annoncée par Gérard Collomb dans sa feuille de route publiée à l’automne 2017, puis rejetée par Christophe Castaner dans une réponse à question écrite de la député Constance Le Grip le 30 octobre 2018[37] Question n°9658, réponse publiée au JO le 30 octobre 2018. Le Ministre de l’Intérieur écrit ainsi que « il n’est pas […] à ce stade envisagé de nouvelle loi … Continue reading, cette loi est finalement annoncée le 7 janvier 2019, sans qu’aucun exercice programmatique ne la précède (de type « livre blanc ») et après l’adoption du budget 2019. On peut supposer qu’il s’agit de l’habillage d’un budget triennal 2020-2021-2022 en une loi qui n’a de programmation que le nom ; dans tous les cas, l’urgence budgétaire demeure.

            Attendu que les policiers et gendarmes font partie des professionnels de l’Administration de l’État exposés à des risques exceptionnels d’atteinte à leur vie, a fortiori lorsque leur matériel (gilets pare-balles, armements, véhicules, etc.) s’avère défaillant, une autre piste de réflexion réside dans l’engagement de la Responsabilité personnelle et pécuniaire (RPP) des ordonnateurs de la Police et de la Gendarmerie nationales [Proposition n°24]. Un arrêté ministériel définirait la liste limitative et exhaustive de matériels dits vitaux et, sur ce fondement, la responsabilité personnelle des ordonnateurs pourrait être engagée dans le cas de non-renouvellement d’un matériel vital pourtant désigné comme devant faire l’objet d’un renouvellement.

            Dans le cas où l’ordonnateur ne disposerait pas des prérogatives ou des crédits nécessaires au renouvellement desdits matériels, sa responsabilité se reporterait sur son ordonnateur supérieur, jusqu’à la Direction du Budget. Une telle réforme limiterait le sacrifice systématique des dépenses de matériel sur l’autel des dépenses de personnel et améliorerait significativement les conditions de travail des policiers et gendarmes.

Stabiliser les effectifs dans les zones sensibles

Il est regrettable que la PSQ ne prenne pas suffisamment en compte la question du profil des policiers et des gendarmes. Leur affectation géographique dépend pour beaucoup, du classement de sortie d’école. Il en résulte un cercle vicieux où les gardiens et les gendarmes les moins bien classés sont affectés dans une région qu’ils n’ont pas choisie et, surtout, dans un environnement social qu’ils méconnaissent. Ainsi, « 80 % des nouveaux gardiens de la paix sont originaires de province et 60 % sont affectés en Île-de-France à leur sortie d’école[38] Rapport d’information sur la lutte contre l’insécurité sur tout le territoire présenté par le rapport M. Jean-Pierre Blazy en 2014 ».

Les personnels avec le moins d’ancienneté – et parmi eux ceux les moins bien classés – sont principalement affectés dans les territoires les plus difficiles, comme si cette affectation sanctionnait un mauvais classement. Le trop faible nombre des gradés d’expérience à même de les encadrer freine la transmission des méthodes de désescalade et de flexibilité[39] Jacques de MAILLARD et alii, « Les logiques professionnelles et politiques du contrôle. Des styles de police différents en France et en Allemagne », Revue française de science politique, 2016/2. absolument indispensables sur le terrain. Entamer une carrière par un déracinement et un déficit d’encadrement, dans des conditions de travail rudes et conséquences d’un mauvais classement de sortie, brise les vocations de jeunes femmes et de jeunes hommes désireux de consacrer leur vie au service des autres. Une réflexion sur l’enracinement des jeunes gardiens de la paix dans les zones sensibles s’impose de toute urgence ; une première piste pourrait consister en la régionalisation de certains concours [Proposition n°25].

Pour compenser cette rudesse de l’entrée dans la profession, le ministère a établi des primes. Il est cependant illusoire de croire qu’elles endiguent les crises de vocation : le turn over des commissariats situés en zones sensibles reste élevé et ce constat vaut également pour une partie des brigades de la région de gendarmerie d’Île de France. Comment espérer, dans ces conditions, que les nouveaux policiers et gendarmes apprennent à connaître leur territoire d’affectation, y tissent des liens et y nouent des rapports de confiance avec la population ? Le rapport Blazy le pointait déjà sans ambages : « le profil des policiers et des gendarmes a une influence sur la relation de proximité avec la population. Leur connaissance du territoire et de la population joue un rôle important dans cette relation mais aussi sur l’efficacité de leur action, tant dans son volet préventif que répressif38 ».

Il convient de repenser la gestion des ressources humaines au sein de la police et de la gendarmerie autour de mesures incitant les policiers et les gendarmes à s’installer durablement dans des zones sensibles. Les incitations financières ne correspondent guère au coût de la vie à Paris : l’indemnité de fidélisation s’élève en effet à 1 805 euros par an au bout de 10 ans passés en Ile de France. Elle mérite une revalorisation et un versement régulier [Proposition n°26].

Créer une réserve opérationnelle de la Police nationale

La Police nationale dispose d’une réserve de 7 500 personnels, composée d’anciens ADS, de policiers retraités et de réservistes civils, qui ne peuvent ni se déployer sur la voie publique, ni revêtir l’uniforme de policier. A contrario, la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale compte 30 000 réservistes et démontre chaque jour son apport opérationnel. Absolument décisive, elle renforce les brigades pour les missions opérationnelles des gendarmes (patrouilles générales, Sentinelle, police de voie publique), mais aussi les transfèrements de détenus, les surveillances de gardes à vue, etc. La projection sur l’île de Saint-Martin de deux compagnies de réservistes à l’automne 2017 à la suite de l’ouragan Irma a prouvé le grand apport de la réserve opérationnelle comme soutien aux gendarmes d’active, les déchargeant ainsi d’un certain nombre de tâches.

La création de la réserve opérationnelle de la Police nationale [Proposition n°27], ouverte à tous les citoyens français dans les mêmes conditions que la gendarmerie nationale, augmenterait les effectifs mobilisables de la police nationale, apporterait des compétences extérieures et, surtout, rayonnerait au sein de la population en ce que chaque réserviste est un ambassadeur de sa force de rattachement dans la société civile.

Augmenter les équipements numériques qui améliorent les relations avec la population 

            Engagée sous le quinquennat de François Hollande, la numérisation des équipements mis à disposition des policiers et gendarmes améliore la qualité de la relation police-population.

            A ce titre, les caméras-piétons ont profondément transformé l’action policière. Fortement encouragées sous François Hollande, elles protègent les forces de sécurité intérieure des accusations de « bavures policières » et, a contrario, aident à apporter la preuve irréfutable d’éventuelles atteintes. Plus généralement, les caméras-piétons favorisent des retours d’expérience des interventions et contribuent à enrichir le savoir-faire des forces. La réforme dela PSQ prévoit utilement l’acquisition de 10.000 d’entre elles. On déplorera en revanche le retard pris dans leur livraison pour équiper, en urgence et de manière peu efficace[40] Les caméras piétons commandées dans le cadre de la PSQ ont pour objet l’enregistrement des contrôles de police. Leurs caractéristiques techniques répondent ainsi à des exigences de capture … Continue reading, des policiers porteurs de LBD40 lors des manifestations publiques du mouvement dit des Gilets jaunes. Les caméras gagneraient à être positionnées soit directement sur l’arme sur le modèle des pistolets à impulsion électrique, soit sur le casque du porteur de l’arme. Dans les deux cas, la résolution et la portée doivent être supérieures à celles des caméras-piétons non conçues pour cet usage et donc, faire l’objet d’acquisitions spécifiques [Proposition n°28].

            En parallèle, la numérisation progressive de certaines tâches (comme le dépôt de plaintes) peut rapprocher les forces de sécurité intérieure de la population à condition qu’elle libère du temps pour les agents et qu’elle ne serve pas de paravent à la réduction de postes. A cet égard, le développement des procédures en ligne ne saurait empêcher les citoyens de se rendre en brigade ou en commissariat pour rencontrer un fonctionnaire ou un militaire à même de les renseigner [Proposition n°29]. 

Repenser la politique de logement des forces de l’ordre

            Du fait de leur statut militaire et de leur obligation de disponibilité, les gendarmes bénéficient d’un logement par nécessité de service. Si la caserne ou la brigade n’offrent pas suffisamment de logements, la Gendarmerie nationale héberge le militaire en dehors du parc mais prend en charge une part de son loyer. Ce système a deux principaux effets vertueux :

  • Il  favorise une disponibilité des personnels de la Gendarmerie nationale, notamment en cas de crise. Dans la mesure où le volume d’activité des circonscriptions de Gendarmerie ne permet pas de maintenir les brigades ouvertes 24h/24h comme pour les commissariats, les personnels sont rapidement mobilisables depuis chez eux en cas d’intervention de nuit ou en renfort.
  • Il contribue à améliorer la qualité des relations avec la population puisque les gendarmes vivent avec leur famille sur le territoire qu’ils sécurisent.

            Or, la vétusté des casernes pèse sur le moral des gendarmes et compromet l’exercice de leurs missions. D’un point de vue réglementaire, certaines ne devraient d’ailleurs héberger personne (présence d’amiante, absence d’isolation constatées par la commission d’enquête relative à l’état des forces de sécurité intérieure). De ce point de vue, le plan immobilier d’urgence, abondé à hauteur de 100 millions d’euros d’autorisations d’engagements en 2018, doit être poursuivi et renforcé [Proposition n°30]. L’annonce du déblocage d’une enveloppe de 900 millions d’euros en faveur de la rénovation bâtimentaire dans la police et la gendarmerie s’inscrit dans une bonne dynamique.

            Concernant la Police nationale, les contraintes propres aux environnements urbains denses, au statut civil des policiers et aux règles d’emploi, rendent ni possible, ni souhaitable, l’application du modèle de la Gendarmerie nationale. Cela ne signifie pas, en revanche, que la Police nationale peut se dispenser d’une politique spécifique. L’inflation des loyers dans les grands centres urbains prive les jeunes gardiens de la paix d’habitat à proximité de leur lieu de travail et leur impose des trajets quotidiens qui influent sur leur état de fatigue. Pour pallier ces difficultés, la Préfecture de Police de Paris a mis en place une politique de logement encore lacunaire, tant du fait des contraintes administratives que de l’insalubrité et du mauvais état général du parc. Pour preuve de la faible attractivité du parc, le sénateur François Grosdidier rappelle, qu’en 2017, sur les 3 200 nouveaux gardiens de la paix affectés à Paris, seuls 400 ont fait appel au bureau du logement de la Préfecture de Police de Paris.

            Au-delà de Paris, les prix des loyers à Marseille, voire Lyon, compliquent l’accès à l’habitat des jeunes gardiens de la paix et plaident pour une réflexion globale pour l’accès par la Police nationale aux logements des bailleurs sociaux dans les zones sous tension locative [Proposition n°31]. Dans certaines communes victimes d’une tension locative, les maires favorisent l’hébergement des policiers municipaux dans les logements intermédiaires de sorte à garantir leur ancrage territorial.

En parallèle, l’enveloppe dédiée à la réservation de logement au niveau national et les divers dispositifs de soutien aux policiers (prêt à taux zéro, cautionnement des loyers par les fondations Jean Moulin et Louis Lépine etc.) gagneraient à être uniformisés et systématisés, afin de permettre à chaque policier, quel que soit son corps, d’avoir accès à une aide au logement [Proposition n°32].

            Ce n’est qu’en rapprochant les policiers de leur lieu de travail – en recrutant localement et favorisant le logement dans les zones tendues – que l’objectif de reterritorialisation de la PSQ pourra être rempli et les liens police-population s’en trouveront renforcés.

Conclusion

            A considérer que les démocraties travaillent à leur propre amélioration matérielle et sociale, leur sécurité constitue une condition de leur épanouissement. Dans cette architecture moderne, les forces de l’ordre incarnent une composante de ce rempart qu’est l’Etat. Pas la seule, mais probablement la dernière à pouvoir céder.

            En 2018, alors que le capital confiance des policiers et gendarmes est durement entamé, le Gouvernement a présenté la Police de sécurité du quotidien (PSQ) comme une méthode pour renforcer l’efficacité de lutte contre la délinquance omettant au passage, la reconquête, à la fois préalable et nécessaire, de la part de légitimité perdue.

            Regagner la confiance des citoyens doit guider toute réforme de la police républicaine. Cette exigence démocratique implique deux conceptions doctrinales cumulatives :

  • Remettre le citoyen et son environnement au centre des politiques publiques de sécurité ;
  • Moderniser le travail de policier et de gendarme à la fois dans sa formation, dans son organisation et dans ses conditions d’exercice de sorte à redonner aux forces de l’ordre suffisamment de confiance en elles-mêmes pour regagner celle des citoyens français.

            Qu’il s’agisse de sa présomption de légitimité ou de son monopole de la violence physique, le pouvoir des forces de l’ordre n’a d’incarnation plus robuste que la confiance que les citoyens fondent en elles. Immortalisé par Victor Hugo, l’inspecteur Javert incarne l’ambivalence d’une police du passé où la crainte qu’inspirent ses déambulations contraste avec la pitié ressentie par les Parisiens qui extraient son cadavre de la Seine.

            A rebours de la tragédie aristotélicienne et des personnages hugoliens, les forces de l’ordre des démocraties modernes ne doivent inspirer, ni la crainte, ni la pitié. Elles sont une émanation de peuples souverains sur qui elles ne pourront veiller que si la réciproque s’applique d’abord à elles-mêmes, dans les mêmes proportions.

Synthèse des propositions

Réorganiser la formation des policiers et gendarmes pour renforcer les liens avec la population

Proposition n°1 : Accroître le budget consacré à la formation initiale et continue des gendarmes et policiers.

Proposition n°2 : Augmenter le temps alloué à la formation initiale des gardiens de la paix de la Police nationale et des sous-officiers de la Gendarmerie nationale.

Proposition n°3 : Renforcer l’attractivité des qualifications de Formateurs aux techniques de sécurité en intervention (FTSI) et de Moniteurs d’intervention professionnelle (MIP).

Proposition n°4 : Réorganiser la formation continue dans la Police Nationale, en confiant à la DRCPN l’organisation des formations communes de base tout en conservant l’autonomie de chaque direction centrale.

Proposition n°5 : Faire de la formation continue une véritable obligation de carrière dans la Police et la Gendarmerie nationales.

Proposition n°6 : Permettre l’accès, selon les départements, à des formations continues mutualisées entre Police et Gendarmerie nationales.

Propositions n°7 et 8 : Former les policiers et gendarmes à la mesure de l’impact social de leur action, notamment en matière de contrôle d’identité.

Proposition n°9 : Réorienter l’action des patrouilles de police vers davantage de polyvalence, au service de la population, et former en conséquence les policiers à ces tâches généralistes.

Proposition n°10 : Privilégier, là où c’est possible, le recours aux patrouilles pédestres, cyclistes, voire équestres.

Déconcentrer l’action des policiers et gendarmes pour renforcer leur ancrage territorial

Proposition n°11 : Engager une déconcentration en faveur des Directions départementales de sécurité publique (DDSP) et des Groupements de gendarmerie départementale (GGD) afin de conférer à leurs commandants respectifs des marges de manœuvre budgétaires et une plus grande liberté d’action.

Proposition n°12 : Créer un référentiel national d’objectifs en matière de sécurité publique, laissant le choix aux CGGD et DDSP des priorités à poursuivre au sein de leur propre département, en lien avec le préfet.

Proposition n°13 : Substituer aux indicateurs bâtis sur le nombre d’interpellations des indicateurs bâtis sur le taux de déferrement.

Proposition n°14 : Réduire le nombre d’indicateurs que doivent remplir les DDSP et les CGD.

Proposition n°15 : Mesurer la qualité du service rendu à la population par les policiers et gendarmes par la mise en place d’un outil dédié.

Proposition n°16 : Développer la médiation dans le cadre de la PSQ.

Proposition n°17 : Rendre accessibles au citoyen les éléments qui suivent le traitement d’une démarche auprès des FSI.

Proposition n°18 : Remettre la patrouille police secours, par essence généraliste, au cœur du dispositif de sécurité publique.

Proposition n°19 : Etudier les options de redécoupage des zones Police nationale et Gendarmerie nationale sur la base du bassin de vie et non de la commune.

Proposition n°20 : Adopter un plan pluriannuel global et crédible de redécoupage des ZPN et ZGN.

Proposition n°21 : Réhausser de façon visible les moyens alloués à la fonction de prévention en l’incarnant dans les organigrammes des commissariats de police.

Proposition n°22 : Confier au législateur la définition des missions pouvant faire l’objet d’externalisation et au ministère de l’Intérieur la précision des modalités sur la base d’une étude d’impact préalable obligatoire.

Améliorer les conditions de travail des policiers et gendarmes

Proposition n°23 : Instaurer une règle d’or budgétaire qui indexe l’évolution les dépenses de fonctionnement et d’investissement de la Police et de la Gendarmerie nationales sur l’évolution des dépenses de personnels.

Proposition n°24 : Engager la Responsabilité personnelle et pécuniaire (RPP) des ordonnateurs budgétaires qui ne procèderaient pas au renouvellement indispensable du matériel vital défectueux des forces de l’ordre (gilets pare-balles, armement…).

Proposition n°25 : Enraciner les jeunes gardiens de la paix dans les zones sensibles, en étudiant l’éventualité d’une régionalisation du concours.

Proposition n°26 : Revaloriser les incitations financières de fidélisation dans les zones difficiles.

Proposition n°27 : Créer une réserve opérationnelle de la police nationale.

Proposition n°28 : Équiper les LBD 40 de caméras spécifiques, d’une portée et d’une résolution suffisantes.

Proposition n°29 : Garantir que la numérisation des procédures ne prive pas les citoyens d’un contact physique des policiers et des gendarmes.

Proposition n°30 :  Poursuivre le plan immobilier d’urgence dans la gendarmerie.

Proposition n°31 : Permettre un plus grand accès au parc immobilier des bailleurs sociaux pour les policiers en début de carrière, exerçant leurs missions en zone tendue.

Proposition n°32 : Uniformiser et systématiser les dispositifs d’aide au logement pour les policiers.

Notes

1 La proportion passe précisément de 21% en 2017 à 22% en 2018.
2 Un tiers des Français sondés par l’ONDRP dans leur étude de 2018 se déclarait inquiet de cette menace.
3 Trust in Police & Courts, European Social Survey, 2010 (round 5).
4 Mike HOUGH et alii, « La légitimité de la police : conclusions de l’Enquête Sociale Européenne », Cahiers de la Sécurité et de la Justice, n°27/28, 2014.
5 Institut interrégional de recherche des Nations unies sur la criminalité et la justice, International Crime Victims Survey, 2005.
6 Rapport de la commission d’enquête relative à l’état des forces de sécurité intérieure, présenté par le rapporteur M. François GROSDIDIER le 27 juin 2018.
7 Cette idée avait déjà fait l’objet d’une étude d’opportunité confiée à l’Inspection générale de l’administration (IGA) en 2013.
8 Voir la note de L’Hétairie, « Budget des forces de sécurité intérieure : à quand une loi de programmation ? » publiée le 11 décembre 2017 et la tribune « Budget 2019 du ministère de l’Intérieur : quand l’optimisme du ministre masque l’inertie » publiée le 29 décembre 2018.
9 Evoquée le 15 août 2017 dans un entretien accordé par Gérard Collomb au Figaro, cette réforme a été remise en exergue après les attentats de Trèbes avant de connaître un nouveau retrait.
10 « PSQ : les forces de l’ordre plébiscitent le terrain », Le Parisien, 08 février  2018.
11 Se référer à l’entretien de Gilles Sanson, publié par L’Hétairie concomitamment à la présente contribution.
12 « Gérard Collomb dévoile les contours de la nouvelle PSQ », Le Figaro, 09 février 2018.
13 « Christophe Castaner : « Je ne veux pas d’une police brutale » », Le Parisien, 7 février 2019.
14 cf. la publication précitée : « Budget 2019 du ministère de l’Intérieur : quand l’optimisme du ministre masque l’inertie ».
15 « Après le drame, la question des moyens policiers », La République du Centre, 23 août 2017.
16 Elodie LEMAIRE, « Les usages de la spécialisation dans la police », Revue française de sciences politiques, vol. 66 – 2016/3.
17 René LEVY, « La police française à la lumière de la théorie de la justice procédurale », Déviance et Société, 2016/2.
18 Taranis News est un média Internet spécialisé dans la diffusion de vidéos sur l’action des forces de l’ordre, en particulier lors d’opérations de maintien de l’ordre. Il diffuse régulièrement des séquences dans lesquelles policiers ou gendarmes ne respectent pas certaines règles comme le port du RIO ou le droit à les filmer sur la voie publique. Un exemple ici.
19 « Hortefeux supprime les UTeQ, symboles d’une certaine police de proximité », Libération, 17 août 2010.
20 Mathieu ZAGRODZKI, Quel policier dans notre société ? Ordre, sécurité et tranquillité, Paris, Fondapol, 2010.
21 Cour des comptes, L’organisation et la gestion des forces de sécurité́ publique, rapport public thématique, 2011.
22 Lancement de la Police de Sécurité du Quotidien, dossier de presse, 08 février 2018.
23 Jacques de MAILLARD et alii, « Aux bords de l’institution », Les cahiers de la sécurité et de la justice, 2017, INHESJ.
24 Jérémie GAUTHIER, « Les policiers berlinois comme « professionnels de l’intégration » ? », Les cahiers de la sécurité et de la justice (INHESJ) 2017.
25 L’article L511-2 du Code de la sécurité intérieure dispose que « les fonctions de police municipale ne peuvent être exercées que par des fonctionnaires territoriaux recrutés à cet effet ».
26 François PILLET et René VANDIERENDOCK, Rapport d’information du Sénat De la police municipale à la police territoriale, mieux assurer la tranquillité publique enregistré à la présidence le 26 septembre 2012.
27 En 2002, le nombre de policiers et de gendarmes avait été ramené à celui de 1997. Ce constat est établi par la Cour des comptes dans son rapport « L’organisation et la gestion des forces de sécurité publique », 2011.
28 La question des polices municipales sera traitée dans une prochaine note de L’Hétairie.
29 RGPP, Troisième rapport d’étape, février 2010, page 3.
30 La création du CNAPS découle directement du rapport rédigé par Yvan BLOT, Olivier DIEDERICHS, Pierre GARCIN, Dominique HAN et Hélène MARTINI, Rapport sur le contrôle des entreprises de sécurité privée, Ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, 2010.
31 Guillaume FARDE « L’agent de sécurité privée : nouveau prolétaire de la sécurité intérieure », L’Hétairie, 11 septembre 2018.
32 Chiffres au 31 décembre 2016
33 Elina LEMAITRE, « Actualité du principe de prohibition de la privatisation de la police », Revue Française de Droit Administratif, 2009, pages 767 et suivantes.
34 Cour des comptes, mars 2013, « Police et Gendarmerie nationales : dépenses de rémunération et de temps de travail », Rapport public thématique
35 Inspection générale des finances, février 2017, « Évolution des effectifs de la police et de la gendarmerie nationales »
36 Guillaume FARDE, « Budget 2019 du ministère de l’Intérieur : quand l’optimisme du ministre masque l’inertie », L’Hétairie, 29 décembre 2019.
37 Question n°9658, réponse publiée au JO le 30 octobre 2018. Le Ministre de l’Intérieur écrit ainsi que « il n’est pas […] à ce stade envisagé de nouvelle loi d’orientation et de programmation. L’arsenal législatif à la disposition des forces de l’ordre – et des magistrats – a déjà été considérablement enrichi au cours des deux derniers quinquennats ».
38 Rapport d’information sur la lutte contre l’insécurité sur tout le territoire présenté par le rapport M. Jean-Pierre Blazy en 2014
39 Jacques de MAILLARD et alii, « Les logiques professionnelles et politiques du contrôle. Des styles de police différents en France et en Allemagne », Revue française de science politique, 2016/2.
40 Les caméras piétons commandées dans le cadre de la PSQ ont pour objet l’enregistrement des contrôles de police. Leurs caractéristiques techniques répondent ainsi à des exigences de capture d’images de face, d’une personne immobile, à courte distance. Elles ne permettent pas un enregistrement convenable des tirs de LBD40 dont l’auteur vise, en position de trois-quarts, une personne mobile, à moyenne distance.