#Make Our Hospital Strong Again 24 propositions en faveur de l’hôpital public [Livret #13]
Nos sociétés occidentales, qui avaient oublié depuis plusieurs décennies leur fragilité sanitaire, la redécouvrent cruellement avec la pandémie de COVID-19. Cette situation se pose comme un écho à l’analyse de Paul Valéry, au lendemain de la Première Guerre mondiale : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Nous sentons qu’une civilisation a la même fragilité qu’une vie ».
L’hôpital public, essoré par des réformes inabouties et des mobilisations sociales sans lendemain, s’est affirmé tant bien que mal, depuis mars 2020, comme un rempart derrière lequel bon nombre de nos concitoyens ont trouvé refuge. Toutefois, la période critique de mars-avril 2020 a durablement marqué tous les professionnels de santé. A la prise en charge d’une pathologie quasi-inconnue, dans des conditions souvent précaires, se sont ajoutés la déprogrammation massive des autres activités et le strict confinement observé dans le reste de la société.
Le manque de masques, de médicaments et de matériels n’a pas seulement traduit notre impréparation face à une telle épidémie, il a montré les conséquences du rationnement que subissent les hôpitaux. La crise a aussi rappelé que les « travailleurs de première ligne » étaient massivement des travailleuses, en particulier à l’hôpital, où beaucoup reste à faire en matière d’égalité professionnelle.
D’une manière générale, et bien qu’ils aient su en très peu de temps se réorganiser pour accueillir les patients atteints du COVID-19, les hôpitaux publics font aujourd’hui figure de colosses aux pieds d’argile. Les hôpitaux continuent à subir les conséquences des sous-jacents structurels de l’organisation de la politique de santé. Le COVID-19 a contribué à les mettre davantage en lumière.
Or, l’existence d’une crise majeure en leur sein, désormais admise de tous, a contraint le Gouvernement à déclencher en urgence les négociations du Ségur de la santé. Les mesures de revalorisation annoncées, couplées au plan de relance, représentent certes un réinvestissement majeur ; mais sur le terrain, les fragilités demeurent et ne permettent pas de garantir la qualité des soins dispensés à l’ensemble des patients. Dans le même temps, les attentes des professionnels sont fortes, alors que beaucoup d’entre eux hésitent à poursuivre leur carrière à l’hôpital.
Si un nouveau climat semble avoir émergé, dès avril 2020, avec le limogeage du Directeur général de l’ARS Grand Est pour avoir maintenu un plan de réduction des lits en pleine épidémie, puis les mesures annoncées consécutivement au Ségur de la santé, ce changement de prisme durera-t-il ? On peut craindre que les errements de la régulation hospitalière, cause d’une dispersion des ressources humaines et d’un endettement continu des hôpitaux, ne refassent leur apparition une fois la crise passée.
Dans cette période de doutes, nous adhérons pleinement au mot d’ordre « pas de retour à l’anormal » qui doit conduire à poser sur la table, avec les partenaires sociaux, l’ensemble des sujets structurels de l’hôpital public et à y apporter des solutions à la hauteur des besoins et de l’urgence.
Pour avancer dans ce sens, il faut partir du bon diagnostic, en distinguant les enjeux de gouvernance de la contrainte financière. L’austérité financière n’est pas le produit de la gouvernance. Si cette dernière doit évoluer, notamment en donnant plus de place à la communauté médico-soignante, les difficultés rencontrées ces dernières années proviennent prioritairement des choix politiques effectués et secondairement d’une impréparation face au choc démographique, pourtant prévisible, sur les ressources humaines, notamment médicales.
Avant la crise : des difficultés réelles mais latentes
Avant la crise Covid-19, les établissements hospitaliers étaient déjà durablement affaiblis, du fait des choix opérés ces vingt dernières années et notamment de l’essor d’une doctrine néo-libérale de l’hôpital. Pour établir un constat objectif, il paraît essentiel de distinguer les enjeux de gouvernance de la contrainte financière. L’austérité financière n’est pas le produit de la gouvernance, mais bien son origine. En effet, l’essor de la contrainte financière a conduit les équipes hospitalières à perdre la main sur leur destin, jusqu’à subir la critique aujourd’hui d’une gestion trop administrative.
Les pressions exercées par les autorités de tutelle (Ministère de la santé et ARS) et le COPERMO (Comité interministériel de performance et de la modernisation de l’offre de soins) sur le management des hôpitaux, loin de permettre un redressement de la situation, ont plutôt accru la fragilité de nos établissements, comme la crise du COVID l’a révélé.
Le rationnement budgétaire subi par les hôpitaux
Depuis la fin des années 1990, la pression financière de rationnement de l’offre de soins s’est accentuée pour réduire les déficits de la sécurité sociale et ralentir la hausse des dépenses publiques. Face aux limites des politiques de rationnement de l’offre par la diminution du nombre de prescripteurs (à commencer par la mise en place du numerus clausus en 1973), il a été décidé d’accroître la pression financière par des outils plus robustes.
- Les ordonnances Juppé de 1996 ont ainsi créé l’Objectif national des dépenses de l’assurance maladie (ONDAM), outil plafonnant les dépenses annuelles à un niveau jugé budgétairement soutenable. L’objectif initial était plutôt cohérent : un niveau de dépenses nationales est fixé, décliné ensuite en sous-enveloppes par secteur (les soins ambulatoires, les soins hospitaliers, etc.). Toutefois, l’hôpital a supporté la majorité des économies dans le cadre de l’ONDAM, contrairement aux soins de ville. En fin d’année budgétaire, les gels de crédits hospitaliers servaient à compenser le dérapage des dépenses observé sur la ville.
- La mise en place de la tarification à l’activité (T2A) n’a pas mis fin à la pression à la baisse sur les dépenses. Le bénéfice attendu résidait dans une meilleure adéquation des ressources en fonction de l’activité, là où les anciennes dotations globales intégraient mal des variations. Ainsi, auparavant, les établissements dans des zones de faible croissance démographique dépensaient-ils annuellement moins et augmentaient leur marge tandis que les établissements dans des zones à forte croissance voyaient leurs dépenses par habitant diminuer. Cependant, le virage de la T2A n’a pas permis une libération des marges de manœuvre des établissements car chaque année, entre 2004 et 2018, les tarifs diminuaient : chaque acte valait moins que l’année passée. D’autant que, pour lutter contre les abus de prescription, il a été considéré que plus un acte est pratiqué au niveau national, moins il a de la valeur de manière unitaire.
Ainsi, la mise en place de la T2A dans le contexte d’un ONDAM trop faible (inférieur à la croissance des besoins de santé) a-t-elle accru la pression financière sur les établissements publics. Pour garder une situation financière saine, les cadences et la production d’actes médicaux ont été accrues. Le mal-être exprimé par les soignants depuis une dizaine d’années provient d’une perte de sens dans le travail médical et soignant. Il arrivait, par exemple, que l’activité d’un service progresse (plus de patients soignés, diversification des prises en charge) mais que le niveau de recettes du service se dégrade.
Cette logique comptable dans laquelle évolue actuellement l’hôpital est également illustrée à travers le COPERMO. Ce comité de sélection des projets d’investissement écarte le projet médical de l’établissement au profit de règles budgétaires strictes, dont le rétablissement du taux de marge brut hors subventions.
Des fragilités accrues par les difficultés de recrutement de professionnels médicaux, soignants et administratifs
La pénurie des ressources médicales n’est malheureusement ni conjoncturelle, ni spontanée : elle procède de l’instauration du numerus clausus et de la limitation du nombre de diplômés.
Aujourd’hui, les hôpitaux publics ne parviennent plus à compenser les départs en retraite de leurs praticiens. Cette difficulté se trouve rehaussée par une aspiration des nouveaux professionnels à un meilleur équilibre entre travail et vie personnelle ; il faut donc davantage de médecins pour assurer la même activité. La hausse du nombre d’internes formés aura peu de conséquences avant 2030, au regard du retard pris[1]DRESS, « Les médecins d’ici à 2040 : une population plus jeune, plus féminisée et plus souvent salariée », 2017..
Cette situation de rareté de la ressource médicale génère une inflation des coûts autant que des inégalités territoriales. En effet, à réglementation et moyens constants, la concurrence du secteur privé n’est pas soutenable pour nos hôpitaux puisque le secteur public additionne rémunérations moindres et charges de travail plus importantes du fait de la permanence des soins (gardes et astreintes). Le constat s’aiguise en ce qui concerne certaines spécialités très lucratives. Bien souvent, une poignée de médecins de ville et de praticiens hospitaliers maintiennent à eux seuls une présence médicale la nuit et le week-end depuis que l’obligation de permanence des soins a été supprimée pour les libéraux en 2002.
En conséquence, le statut de praticien hospitalier ne paraît plus aussi attractif qu’auparavant. Certaines régions connaissent aujourd’hui une “désertification” avec de nombreux postes vacants (1 poste de praticien hospitalier sur 4 est vacant). Parallèlement, le développement de l’intérim déstabilise des équipes et dégrade la qualité des prises en charge. Jusqu’à ce jour, il n’a jamais réussi à être complètement encadré, notamment en matière de rémunérations, souvent excessives.
Enfin, l’hôpital public souffre des effets d’une complexification des besoins en matière de ressources soignantes et administratives : à titre d’exemple, l’hôpital présente aujourd’hui les mêmes besoins en compétences de logistique et de système d’information qu’une grande entreprise. De même, la technicisation croissante des prises en charge médico-soignantes a créé de nouveaux métiers, comme les infirmiers de pratique avancée (infirmier ayant une expérience et une formation supplémentaire, généralement pour prendre en charge les maladies chroniques).
Dans ce contexte, le statut de fonctionnaire n’est plus aussi attractif et l’hôpital recrute de plus en plus de contractuels pour gagner en souplesse sur les rémunérations. Le problème n’est alors pas le statut, protecteur pour les professionnels, mais le niveau des grilles de rémunération et la valorisation de la pénibilité ou de la technicité.
Une dynamique de coopération en demi-teinte
Face à ces fragilités, les gouvernements successifs ont incité au développement des coopérations entre établissements afin de mutualiser certaines ressources. La création des groupements hospitaliers de territoire (GHT) a amplifié cette dynamique en rendant obligatoire la coopération et la mutualisation de fonctions entre les établissements membres, jusqu’alors dépendante de leur bon vouloir.
Cependant, dans les faits, les réussites de ces coopérations restent à nuancer : quatre ans après leur création, et en dépit de l’obligation de se doter d’un projet médical partagé, les GHT demeurent souvent des entités administratives avant d’être médicales. Pour le moment, les solidarités de fait n’ont pas vu le jour de façon systématique : les GHT ont permis de limiter la concurrence public/public sans réussir à y mettre fin. Plusieurs raisons peuvent être avancées :
- Le changement des mentalités demande du temps et du leadership. Or, le personnel médical au sein des GHT évoluait hier dans des établissements indépendants en concurrence. La logique de coopération s’affirmera progressivement, à mesure que s’éteindront les rivalités historiques.
- De plus, les GHT ont des tailles variables : de deux à plus de quinze établissements ; ils peuvent aussi bien prendre place dans des zones denses mais restreintes ou très étendues. Une stratégie de groupe est plus difficile à élaborer dans un GHT composé d’établissements nombreux qui couvrent un vaste territoire.
- Enfin, chaque établissement dispose aujourd’hui d’une autonomie de fonctionnement sans qu’il y ait intérêt à transférer des compétences au niveau de la coopération, les GHT ne possédant même pas la personnalité morale. En ce qui concerne la question des ressources médicales, les établissements sont ainsi en concurrence pour attirer les praticiens leur permettant d’accroître leurs recettes d’activité, quitte à déréglementer le marché médical local par une hausse des rémunérations à l’embauche ou un déplafonnement du coût de l’intérim.
Dans le même temps, les dynamiques de coopération avec la médecine dite « de ville », hors des hôpitaux, restent encore balbutiantes. Les CPTS (Communauté professionnelle territoriales de santé) doivent permettre de structurer les relations entre professionnels de ville et l’hôpital en regroupant les premiers. Cette organisation souple de coordination conçue autour d’un projet de santé procède de l’initiative des professionnels de santé (individus, établissements de santé, acteurs médicosociaux/sociaux) sur un territoire donné (potentiellement plusieurs par département).
En 2019, dans le cadre de la loi Ma santé 2022, un accord négocié entre l’Assurance maladie et les organisations représentatives des professions de santé prévoit le versement d’une aide financière aux CPTS afin de valoriser le travail effectué en termes de coordination entre professionnels de santé et de réponses organisationnelles aux besoins spécifiques de la population de chaque territoire. Si la constitution des CPTS est actuellement en cours, elle demande là encore du temps. Leur structuration n’étant pas encore suffisamment aboutie, les hôpitaux sont parfois le seul recours pour la population face aux carences de l’offre de ville.
La crise sanitaire comme révélateur et facteur d’accroissement des difficultés de l’hôpital public
Une absence de résilience à l’heure de reconstituer les stocks (matériels médicaux, lits, personnels)
La crise sanitaire a conduit à renforcer la situation financière tendue des établissements publics de santé et à accentuer leur dette. Car ceux-ci ont dû faire face à des surcoûts très importants sur l’ensemble des champs de dépenses :
- matériel (avec notamment l’exemple, largement relayé, des masques dont le prix a augmenté de plus de 200%) ;
- personnels (avec le besoin de rémunérer de nombreux renforts médicaux et non médicaux même si les établissements publics de santé restent dans le flou quant à la compensation financière des pertes de recettes et de la hausse des charges liées à la crise).
Des pénuries ont également vu le jour sur tous les besoins essentiels à la prise en charge des patients. Des manques en lits, personnels, matériels, médicaments ont été prégnants et récurrents, notamment dans les régions les plus touchées.
Aux côtés des soignants, l’ensemble des personnels de l’hôpital a été remarquablement mobilisé pour trouver des solutions rapides et efficaces à ces difficultés. Le personnel logistique a été durablement impliqué et ingénieux pour faire face à la crise.
Le pilotage de la crise aurait pu permettre de mieux coordonner les acteurs du système
Par ailleurs, le pilotage de la crise par les ARS pose de nombreuses questions qui se sont notamment cristallisées autour du directeur général de l’ARS Grand Est. Ces instances ont eu le plus grand mal à anticiper les difficultés ou encore à faire pression sur les établissements privés de santé pour les forcer à déprogrammer leur activité et à communiquer sur leurs équipements disponibles. Le lien public-privé, disparate selon les territoires, doit à nouveau être interrogé au regard de cette crise. Il faudra veiller à ne pas avantager les établissements privés ou les libéraux qui n’ont pas souhaité prendre leur part à la gestion de la crise.
La crise a également permis de réaffirmer le rôle des sites hospitaliers au détriment des structures de coopération. Les GHT, censés apporter un meilleur pilotage de l’offre sur un territoire et pallier les crises, n’ont été que peu impliqués dans les prises de décisions stratégiques. Il fallait faire vite, être efficace, et c’est site par site que chaque établissement a trouvé les ressources pour développer des solutions innovantes.
Quelques lueurs d’espoir
Au-delà de ces réflexions, il est indispensable de rappeler que des phénomènes extrêmement positifs ont été révélés par la crise. Elle a offert l’occasion de montrer que l’hôpital public incarne un pilier fondamental de la cohésion de la société et qu’il est capable de beaucoup s’il bénéficie de moyens d’action. A titre d’exemple, nous retiendrons deux faits notables :
- Les cellules de crise ont permis de prendre des décisions fort efficacement et rapidement, loin des lourdeurs que l’on attribue habituellement à l’hôpital public, en associant médecins et soignants ;
- Dans certains hôpitaux, la création d’un directeur médical de crise a permis d’apporter une réponse médico-administrative aux sollicitations des professionnels, preuve qu’administratifs et soignants peuvent travailler de façon harmonieuse.
Repenser notre modèle pour créer l’hôpital de demain
Compte tenu du contexte hospitalier actuel, et de l’installation durable de l’épidémie dans le paysage sanitaire, nous appelons à une politique volontariste qui ne peut se satisfaire des mesures “bouts de ficelle”. Cette nouvelle orientation doit s’opérer dans un esprit de regroupement et de synergie entre les métiers, et non d’opposition stérile et facile entre administratifs et soignants.
Un nouveau pilotage du système hospitalier
Bien avant la crise Covid-19, les ARS sont devenues impopulaires en appliquant de façon parfois technocratique une réglementation inflationniste et la politique nationale d’économies et de fermetures de lits. Si le Ségur de la santé semble aller dans le bon sens en réinjectant des moyens dans le système hospitalier, on peut craindre que cela s’avère insuffisant. La tendance naturelle à la concentration des ressources dans les métropoles et les grandes villes ne faisant que s’accentuer, les inégalités et les déserts hospitaliers perdureront.
Proposition n°1 : Confier aux ARS la responsabilité d’une meilleure répartition des professionnels de santé, notamment médicaux, sur les territoires. Cela suppose notamment la limitation de la liberté d’installation dans les zones les mieux dotées, comme c’est déjà le cas pour d’autres professions de santé (infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes…). Dans les territoires suffisamment dotés, tout projet d’installation doit faire l’objet d’une autorisation de l’ARS pour que le praticien puisse conventionner avec l’assurance-maladie.
A rebours de certaines critiques qui leur sont adressées, nous pensons que les ARS doivent assumer une régulation plus forte au profit du système hospitalier. Elles doivent donc se recentrer sur des missions plus stratégiques, en faisant davantage confiance aux acteurs de terrain et grâce à une simplification de certaines réglementations ; elles doivent aussi disposer d’une réelle capacité de régulation du système de santé à l’échelle régionale, par exemple en matière de démographie et de répartition des professionnels de santé, en dérogeant aux règles de tarification, ou dans le décloisonnement de la ville et l’hôpital.
Proposition n°2 : Déléguer aux ARS la possibilité de déroger aux règles habituelles de tarification, à l’image des possibilités offertes par l’article 51 de la LFSS de 2018, afin d’organiser les parcours de santé et la coopération entre les professionnels.
Proposition n°3 : Revoir le processus de recrutement des chefs d’établissement avec :
- La nomination des DG de CHU par le DG ARS (et non plus par le Conseil des ministres)
- La nomination du chef d’établissement par le DG ARS après avis du Président du Conseil de surveillance et du Président de la CME. Le DG ARS serait obligé de suivre ces avis s’ils sont tous convergents sur une personne.
Alors que le processus de nomination des chefs d’établissement parait parfois déconnecté des attentes de la communauté hospitalière, une implication plus forte du régulateur territorial, des représentants de la population et des équipes médico-soignantes doit permettre d’effectuer des nominations reposant sur un relatif consensus de la tutelle, des élus et des équipes.
Proposition n°4 : Instaurer une obligation pour chaque CPTS de passer une convention avec au moins un établissement de santé du territoire afin d’améliorer la coordination ville/hôpital sur chaque territoire
La coopération ville-hôpital repose aujourd’hui sur le volontarisme d’acteurs libéraux et des établissements de santé, sans que ces coopérations ne soient suffisamment structurées. L’obligation d’adossement des CPTS à un établissement de santé favoriserait une coopération effective entre la ville et l’hôpital public.
Proposition n°5 : Réinterroger les « GHT XXL » en revoyant leur périmètre pour leur conférer une taille idoine afin de mener réellement des projets communs et de remettre le projet médical au cœur de la stratégie territoriale.
La mise en place des GHT avait pour objectif de faire coopérer les établissements d’un territoire pour répondre aux besoins de santé de la population. Mais dans un contexte de restrictions budgétaires, et alors que tous les établissements ont des difficultés à recruter dans certaines spécialités médicales, les GHT sont apparus comme le moyen de gérer au mieux la pénurie. Ils semblent parfois éloignés des enjeux de terrain. Enfin, la taille de certains d’entre eux, qui peuvent regrouper jusqu’à 19 établissements (GHT Loire), paraît excessive.
Un desserrement de la contrainte financière
Proposition n°6 : Augmenter durablement l’ONDAM pour permettre aux hôpitaux de financer leurs dépenses de fonctionnement et d’investissement.
La volonté, depuis le milieu des années 1990, de juguler l’augmentation des dépenses de santé et donc celle de l’ONDAM, implique de facto une pression à la baisse sur les tarifs. Cette situation empêche les hôpitaux de faire face à leurs dépenses de fonctionnement. Pire, les dépassements réguliers de l’enveloppe de ville (la partie de l’ONDAM consacrée à la rémunération des médecins libéraux) entraînent un rééquilibrage par des gels de crédits sur l’ONDAM hospitalier (mises en réserve prudentielles). Or, le sous-objectif hospitalier ne doit pas incarner la variable d’ajustement du dépassement de l’enveloppe de ville, avec des contraintes pesant uniquement sur les hôpitaux publics et jamais sur les acteurs privés.
Il est nécessaire de sortir d’une approche purement budgétaire et comptable de la santé en permettant aux établissements de financer leurs dépenses de fonctionnement dans de bonnes conditions. De fait, si le financement des mesures du Ségur de la santé conduit mécaniquement à une augmentation significative de l’ONDAM en 2021, celle-ci devra se poursuivre dans les années suivantes (de l’ordre de 4% par an) afin de combler le retard accumulé par les établissements pour leurs investissements courants, mais aussi pour leur donner de la visibilité afin de créer de nouvelles activités sur la base des besoins de santé de leurs territoires. Un plan d’investissement centré sur les grands projets, mais qui ferait l’impasse sur l’investissement courant, ne serait pas suffisant.
Proposition n°7 : Réformer la régulation nationale des investissements hospitaliers, en repartant des besoins de santé de la population et des projets médicaux des GHT
La nécessité d’un grand plan d’investissement ne fait aucun doute. La suppression du COPERMO va dans le bon sens, tant ce comité, par sa composition, son fonctionnement, mais aussi les critères quasi-exclusivement financiers qui président au choix des projets financés, illustre tous les errements d’une politique de santé basée sur la seule performance financière des établissements.
Le conseil national de l’investissement annoncé à la suite du Ségur de la santé devra associer des médecins, des élus ainsi que des représentants des usagers afin de rééquilibrer une formation actuellement quasi-exclusivement composée de hauts fonctionnaires et “d’injecter” de la représentativité dans la composition de cette instance.
La place devra être laissée au dialogue entre établissement, ARS et instance interministérielle, pour en finir avec le credo du taux de marge brute et financer des projets portant prioritairement sur les territoires où les besoins de santé des populations ne sont pas comblés et où l’offre de soins est durablement insuffisante. Un contrôle démocratique régulier devra permettre une transparence sur les choix nationaux d’investissement en santé et d’en finir avec l’opacité actuellement reprochée au COPERMO.
La détermination des modalités d’attribution des crédits devrait ainsi faire l’objet d’une évolution considérable : selon un projet médical permettant de répondre aux besoins de santé des populations, après instruction de ces projets par les ARS.
Les ARS auront un rôle de régulation et de recomposition territoriale de l’offre, selon des critères de pertinence et de qualité des soins et non plus sur la base de seuls critères comptables et d’indicateurs financiers.
Cette réforme vise à mettre fin au dogme de la fermeture de lits qui préside depuis plus de 10 ans aux réorganisations de l’offre hospitalière. Pour autant, la baisse des durées de séjour et le développement des prises en charge ambulatoires constituent des tendances de fond, observées dans tous les pays développés, qui répondent aussi à une évolution des soins (techniques moins invasives) et à une aspiration des patients à passer moins de temps à l’hôpital. Le recours à l’hospitalisation peut aussi baisser dans certains territoires en raison de l‘évolution démographique, des résultats de la politique de prévention ou d’une réorganisation de l’offre de ville permettant de réduire les hospitalisations évitables. Les réorganisations de l’offre hospitalière doivent donc se poursuivre, en raison de l’évolution des besoins de santé. Nous proposons d’en confier l’initiative aux groupements hospitaliers de territoire (GHT), avec une régulation par l’ARS.
Proposition n°8 : Reprendre une part conséquente de la dette des hôpitaux par le biais de la CADES.
L’endettement pesant actuellement sur les hôpitaux obère leurs capacités de financement. La Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), dont l’objet même consiste dans la reprise des déficits des comptes sociaux, a vu sa date d’amortissement repoussée à 2033. De fait, elle peut supporter 30 milliards€ supplémentaires, étant donné que 136 Mds€ lui seront déjà transférés avec l’adoption du projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l’autonomie.
L’annonce d’une reprise de la dette des hôpitaux doit donc se matérialiser par une reprise rapide de celle-ci par la CADES. En améliorant les ratios d’indépendance financière des établissements de santé, cette réforme leur permettra d’être à nouveau en mesure de financer leurs investissements.
Les conditions de reprise de la dette doivent faire l’objet d’une attention particulière, alors que l’Inspection générale des finances suggère, dans un rapport récent, que chaque établissement s’engage dans un contrat sur des objectifs à atteindre, en contrepartie de cette reprise, et que le respect de ces objectifs soit intégré à l’évaluation annuelle des chefs d’établissement. Une telle proposition s’inscrit dans une totale continuité avec les logiques désastreuses de régulation de l’offre hospitalière par le seul prisme de la performance financière. Si des objectifs sont fixés aux établissements, ils doivent répondre aux priorités de la politique de santé et non à de seuls critères financiers.
Proposition n°9 : Remettre en cause le passage par les banques commerciales pour l’emprunt des établissements de santé et permettre aux hôpitaux d’emprunter aux mêmes conditions que l’État.
Les hôpitaux doivent aujourd’hui passer par les banques de détail pour financer leurs emprunts ainsi que leurs lignes de trésorerie. Cette situation renchérit fortement leur coût de financement, en particulier si ces établissements se trouvent dans une situation financière difficile.
Permettre aux hôpitaux d’emprunter aux conditions offertes à l’État par le biais de l’Agence France Trésor (AFT), avec des taux à 10 ans nuls ou quasi-nuls, produirait deux effets bénéfiques : d’une part, les intérêts de la dette pèseraient beaucoup moins sur leur résultat, et d’autre part, cette sécurité les empêcherait d’opérer des choix de financement discutables, tels que celui des emprunts structurés, dits “toxiques” souscrits par les collectivités territoriales et les établissements de santé dans les années 2000.
Étant donné que l’État demeure de facto l’assureur en dernier ressort des établissements de santé, le passage par la puissance étatique pour l’emprunt, via des avances de trésorerie du Trésor Public ou par l’AFT, permettait de sortir d’une hypocrisie dont l’effet principal est l’enrichissement des établissements bancaires sur les cotisations des salariés et des employeurs[2]La fin du passage systématique par les banques commerciales, dans le respect du droit de l’UE, doit permettre de sécuriser le financement des établissements de santé et de faire des économies … Continue reading
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Une meilleure gouvernance des établissements nécessite une revalorisation de la place des paramédicaux et la parité dans les instances dirigeantes
Le mouvement des personnels hospitaliers a débuté par la grève des personnels des urgences de l’hôpital Saint-Antoine, à Paris, en février 2019. Il s’est rapidement étendu à de nombreux services d’urgences. Si à l’automne le mouvement s’est élargi, notamment au corps médical, avec la création du collectif inter hôpitaux (CIH), sa genèse se situe parmi les professionnels paramédicaux avec des revendications concernant aussi bien les fermetures de lits et d’activités que la rémunération et le statut.
On peut dès lors s’étonner que les discussions relatives à la gouvernance des hôpitaux publics, relancées à l’occasion de ce mouvement et autour de la publication du rapport Claris en juin 2020[3]Missionné le 19 décembre 2019 par le gouvernement pour travailler sur la médicalisation de la gouvernance et la simplification du fonctionnement de l’hôpital, le professeur Olivier Claris, … Continue reading, soient centrées sur le partage du pouvoir entre le corps médical et les directions. Le retour de ce clivage, qui a marqué les réformes hospitalières des années 2000 (nouvelle gouvernance, création de la tarification à l’activité, loi HPST), masque en effet la problématique émergente de la participation des paramédicaux à la prise de décision et la question du statut de directeur des soins.
Proposition n°10 : Étendre le vote pour désigner le vice-président du Directoire à l’ensemble de la communauté médico-soignante. Les membres de la CSMIRT pourraient alors disposer d’un droit de vote.
Depuis la loi HPST de 2009, un hôpital public est dirigé par le chef d’établissement avec l’appui et le conseil du Directoire, majoritairement composé de médecins, dont le président de la commission médicale d’établissement (qui en est le vice-président), mais également le président de la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques (CSIRMT).
Pour les professionnels paramédicaux, les CSIRMT (créées en 1991) ne sont jamais devenues l’équivalent des CME pour les professions médicales. Une des raisons réside dans le fait que le coordonnateur général des soins, nommé par le chef d’établissement, la préside, contrairement au président de la CME, élu par ses pairs.
Le principe de la participation au plus haut niveau de la gouvernance d’un représentant de la communauté médico-soignante, élu démocratiquement, doit être d’autant plus préservé qu’il s’inscrit dans la continuité des mobilisations de ces dernières années pour que la définition de la stratégie d’établissement ne se cantonne pas à une logique gestionnaire.
La réflexion sur la place des paramédicaux dans la gouvernance pourrait s’inscrire dans ce renforcement d’une expression démocratique dépassant les clivages entre médecins et paramédicaux, alors que l’exercice interprofessionnel tend à se développer, à l’image des pratiques avancées.
Nous proposons que le vice-président du Directoire soit élu par les représentants de l’ensemble des professions médico-soignantes, et non plus par la seule CME.
Proposition n°11 : Intégrer les directeurs des soins au corps des directeurs d’hôpitaux.
Dans les hôpitaux, les directeurs des soins ont une position hiérarchique semblable à celle des directeurs d’hôpitaux. Par conséquent, rien ne justifie un régime de rémunération et des conditions d’avancement moins favorables à ceux-ci, alors même que leur expérience de soignants s’avère indispensable aux équipes de direction. Des incitations plus fortes doivent par ailleurs être mises en œuvre pour amener les personnels paramédicaux à passer le concours de directeur des soins, et plus tôt dans la carrière.
Proposition 12 : “Universitariser” la fonction de directeur d’institut de formation.
Dans le contexte d’universitarisation des instituts de formation, la distance s’accroît entre le métier de directeur des soins à l’hôpital, et celui de directeur d’institut de formation, alors qu’il s’agit aujourd’hui du même concours.
Sans remettre en cause, ni la gestion des instituts par les établissements, ni la nécessité d’un pilotage de l’offre de formation selon les besoins de santé, nous proposons de créer une filière spécifique pour devenir directeur d’institut de formation sur la base d’un parcours universitaire dans l’une des disciplines enseignées par l’institut.
Proposition n°13 : mettre en place un objectif de parité au sein du Directoire, des CME et parmi les chefs de service.
L’hôpital fonctionne grâce à des professions majoritairement féminines, mais il reste principalement dirigé par des hommes, tant au niveau des chefs d’établissement que des responsables médicaux. Nous proposons de fixer un objectif de parité pour toutes les instances dirigeantes : Directoire, CME et chefferies de service.
Agir pour rendre l’hôpital public de nouveau attractif pour les professionnels
Le Ministre de la santé, Olivier Véran, a suggéré que les soignants puissent “travailler plus pour gagner plus”. Cette proposition, qui consisterait à officialiser la fin des 35 heures à l’hôpital ne constitue pas une réponse satisfaisante aux difficultés actuelles. Elle aboutirait à entériner une organisation du temps de travail dégradée pour tous les soignants.
Bien au contraire, les personnels doivent pouvoir travailler un nombre d’heures compatible avec leur vie personnelle tout en bénéficiant d’une revalorisation de leur salaire.
Par ailleurs, la revalorisation des carrières passe par différents canaux : les salaires, mais également la possibilité d’une carrière évolutive dans un environnement de travail respectueux des personnes qui le composent.
Mener une politique de revalorisation des rémunérations de tous les métiers de l’hôpital, avec notamment le dégel du point d’indice
Proposition n°14 : Dégeler le point d’indice de la fonction publique pour revaloriser les carrières publiques hospitalières.
Les salaires hospitaliers en France font partie des plus bas de l’OCDE et ce, malgré les annonces de revalorisation réalisées en juillet dernier. Afin de rendre l’hôpital public de nouveau attractif, il paraît nécessaire d’aller plus loin et de dégeler le point d’indice permettant ainsi de revaloriser les carrières des soignants, techniques, administratifs et logistiques, et de rendre l’hôpital public plus attractif, en particulier en ce qui concerne les métiers en tension comme les manipulateurs radio pour lesquels la concurrence avec le privé s’avère forte.
Cette revalorisation des carrières ne peut plus uniquement passer par des primes, souvent marginales et incomplètes, qui accentuent, à terme, la baisse de traitement lors du départ à la retraite des agents publics.
Proposition n°15 : Intégrer un critère de pénibilité dans les rémunérations des personnels hospitaliers et agir sur les métiers en tension
Travailler à l’hôpital exige un engagement plein de tous les agents (dans les services ou dans la mise en œuvre des fonctions support). De jour ou de nuit, les week-ends et jours fériés, l’hôpital doit fonctionner pour assurer la continuité des soins et sa mission de service public. Cette mission concerne aussi les agents techniques et logistiques qui œuvrent, souvent dans l’ombre, pour que l’hôpital fonctionne.
Ainsi, certains métiers hospitaliers connaissent-ils une pénibilité notable, aujourd’hui non-valorisée dans leur rémunération. Nous proposons donc, dans le cadre de la refonte à venir des grilles de rémunération suite au Ségur de la santé, que la pénibilité soit un critère de modulation de la rémunération des agents hospitaliers. Ces négociations doivent porter sur toutes les filières, y compris médico-techniques, administratives, techniques et logistiques.
Ces besoins de valorisation ciblés sur les métiers difficiles et/ou en tension seront déterminés en lien avec les partenaires sociaux.
Améliorer l’attractivité et la reconnaissance des métiers non médicaux en favorisant les délégations de compétences et leur montée en charge en responsabilité
Proposition 16 : Repartager les responsabilités et compétences entre soignants pour une prise en charge plus efficace des parcours.
Avec le développement des maladies chroniques et la nécessité de parcours coordonnés entre différents acteurs du soin, il s’avère nécessaire de réviser les conceptions de la prise en charge afin de partager à nouveau les compétences entre médecins et soignants (à l’instar des infirmiers de pratiques avancées, reconnus en 2016), notamment dans un contexte de pénurie médicale. Ce type de dispositifs permet la libération d’un temps médical précieux, alors réorienté vers les patients les plus complexes, tandis que les agents paramédicaux prendront médicalement en charge des suivis ou cas simples. Il constitue également un facteur d’attractivité, tant pour les paramédicaux qui voient leurs compétences s’élargir, que pour les médecins recentrés sur les prises en charge complexes.
Il convient néanmoins aujourd’hui de mener une politique en faveur d’un soutien à ces initiatives, en augmentant le financement alloué aux parcours coordonnés et en valorisant les carrières des personnels paramédicaux engagés dans ces processus.
Diversifier les modalités d’exercice des médecins hospitaliers pour rendre les carrières publiques plus attractives
Proposition n°17 : Élargir la prime d’exercice territorial aux exercices conventionnés avec la ville, sur le même modèle que celui entre établissements publics.
Cette prime aurait pour objectif de valoriser la pratique d’exercice mixte et d’améliorer l’attractivité des carrières hospitalières. Cet exercice mixte pourrait également avoir pour effet d’améliorer les relations ville-hôpital.
Proposition n°18 : Établir un barème d’accès à l’activité libérale qui soit plus juste et proportionnel.
Afin de maintenir l’attractivité des carrières au sein de l’hôpital public, l’accès au secteur d’activité libérale de l’hôpital doit être repensé pour s’orienter notamment vers plus de justice. Nous suggérons d’adopter le barème suivant :
- Pour une activité à 80%, le praticien pourrait assurer une demi-journée d’activité libérale par semaine.
- Pour une activité à 100%, le praticien pourrait assurer deux demi-journées d’activité libérale par semaine.
Revoir les organisations hospitalières pour améliorer la qualité de vie au travail des agents
Proposition n°19 : Allouer un pourcentage de la masse salariale à la qualité de vie au travail
L’attractivité des établissements de santé et des carrières publiques passe par la qualité de vie au travail offerte aux professionnels. L’évolution des conditions de prise en charge (dépendance des patients notamment), l’allongement des carrières professionnelles et un manque d’investissement dans la prévention des risques professionnels dans de nombreux établissements rendent cet enjeu de plus en plus complexe et l’instituent en défi majeur. Cette thématique est aujourd’hui promue par les ARS et saisie par les directions des hôpitaux malgré l’insuffisance de financements dédiés.
En effet, l’investissement prioritaire dans la rénovation du bâti et l’évolution des prises en charge, obère souvent les possibilités de financement en interne d’actions et matériels de prévention des risques professionnels. Les moyens mis à disposition de projets relatifs à la qualité de vie au travail, par l’entremise d’appels à projets régionaux, restent extrêmement faibles et peu adaptés aux rythmes et besoins formulés. Cet état de fait induit également à des disparités persistantes en matière de moyens dédiés à ces enjeux, et partant de conditions de travail.
Nous préconisons la mise en œuvre d’une enveloppe dédiée aux actions visant à améliorer la qualité de vie au travail dans chaque établissement. Elle correspondrait à un pourcentage de la masse salariale, à l’instar du dispositif de formation professionnelle du personnel non médical. Son utilisation pourrait faire l’objet d’un accompagnement et d’un contrôle de l’ARS et/ou d’un organisme paritaire. Il convient également de renforcer l’action de l’État et des ARS en faveur de cette thématique grâce à la diffusion et l’aide à la généralisation des bonnes pratiques issues d’expériences réussies.
Proposition n°20 : Revoir les organisations pour éradiquer les schémas dépassés et réinjecter les moyens humains nécessaires.
L’amélioration des conditions de travail passe également par une revue complète des organisations de travail dans chaque service hospitalier pour ne pas laisser subsister des choix inadaptés à la qualité de prise en charge des patients et des conditions de travail dégradées des personnels dictés par des dogmes (ex : services de 30 lits à effectif normé) portés notamment par le COPERMO. Ainsi, préconisons-nous la fin de l’application systématique et automatique des ratios de lits et de personnels sans prendre en compte les spécificités architecturales de chaque service et le profil des patients accueillis.
Proposition n°21 : Améliorer la formation des managers de terrain (cadres et chefs de service) et valoriser leur engagement.
Les cadres de santé et chefs de service sont les managers de proximité. Formés pour les uns à l’école des cadres (avec ses forces et ses faiblesses), ou directement propulsés en responsabilité sans réelle formation au poste pour les autres, les expériences se révèlent parfois difficiles tant pour le manager que pour ses équipes. A ce titre, il convient de remettre au centre de l’unité la notion de participation entre l’ensemble des soignants, à l’image des conseils de pôle malheureusement peu mis en œuvre dans les centres hospitaliers.
Il convient donc de renforcer la formation, la sensibilisation au management participatif et de projets. En contrepartie, la rémunération pour les fonctions d’encadrement exercées devra connaître une revalorisation.
Mener une politique de terrain en faveur de l’égalité femmes/hommes
L’amélioration de l’égalité femmes-hommes en milieu professionnel appelle à une transformation profonde des mentalités dans la société de façon globale, Néanmoins, les hôpitaux doivent s’inscrire dans une dynamique forte tendant à cet objectif. Les directions doivent se saisir du plan d’égalité professionnelle à mettre en place avant mars 2021 pour faire avancer ces problématiques : égalité salariale, lutte contre les violences, mixité des métiers, accès aux postes à responsabilités (les femmes médecins, majoritaires, occupent peu de postes de cheffes de service, cheffes de pôle ou Présidentes de CME).
Proposition n°22 : Valoriser financièrement les établissements s’engageant dans la lutte contre les inégalités professionnelles femmes/hommes.
Au-delà du plan d’égalité professionnelle que les établissements de santé doivent mettre en œuvre pour 2021, nous préconisons un investissement fort de l’État, via les ARS, en la matière. Une dotation financière pourrait ainsi être répartie entre établissements d’un secteur à raison de leurs initiatives innovantes en la matière, avec un versement en deux temps : lors de la conception et de la mise en œuvre, puis lors de l’atteinte d’objectifs fixés conjointement avec l’ARS.
Proposition 23 : Renforcer la sensibilisation des futurs professionnels sur l’égalité femmes/hommes dans leur formation initiale.
La mixité des métiers doit être promue dès la formation initiale. Des communications en ce sens doivent être encouragées avec par exemple des interviews d’hommes largement diffusées via les canaux habituels (presse, télévision, réseaux sociaux).
Proposition 24 : mener une politique d’égalité professionnelle en matière d’accès au secteur d’activité libérale des médecins hospitaliers.
Au-delà d’une revalorisation des grilles de rémunération des médecins hospitaliers, il paraît nécessaire d’offrir à ces derniers la possibilité d’un exercice plus souple, leur permettant de diversifier leur pratique. L’activité libérale peut constituer une réponse à ces aspirations. Toutefois, il faut veiller à ce que cette modalité d’exercice ne se transforme pas en un vecteur d’inégalités entre les hommes et les femmes. En pratique, les praticiennes hospitalières, à âge et à spécialité équivalents, ont moins accès à l’activité libérale car elles réduisent plus souvent leur temps de travail pour prise en charge des enfants, par exemple en accédant à des emplois à 80% de droit pour enfant de moins de 3 ans.
Synthèse des propositions
Proposition n°1 : Confier aux ARS la responsabilité d’une meilleure répartition des professionnels de santé, notamment médicaux, sur les territoires. Cela suppose notamment la limitation de la liberté d’installation dans les zones les mieux dotées.
Proposition n°2 : Déléguer aux ARS la possibilité de déroger aux règles habituelles de tarification, à l’image des possibilités offertes par l’article 51 de la LFSS de 2018, pour organiser les parcours de santé et la coopération entre les professionnels.
Proposition n°3 : Revoir le processus de recrutement des chefs d’établissement.
Proposition n°4 : Instaurer une obligation pour chaque CPTS de passer une convention avec au moins un établissement de santé du territoire afin d’améliorer la coordination ville/hôpital sur chaque territoire.
Proposition n°5 : Réinterroger les « GHT XXL » en revoyant leur périmètre pour leur conférer une taille idoine afin de mener réellement des projets communs et en remettant le projet médical au cœur de la stratégie territoriale.
Proposition n°6 : Augmenter durablement l’ONDAM pour permettre aux hôpitaux de financer leurs dépenses de fonctionnement et d’investissement.
Proposition n°7 : Réformer la régulation nationale des investissements hospitaliers, en repartant des besoins de santé de la population et des projets médicaux des GHT.
Proposition n°8 : Reprendre une part conséquente de la dette des hôpitaux par le biais de la CADES.
Proposition n°9 : Remettre en cause le passage par les banques commerciales pour l’emprunt des établissements de santé et permettre aux hôpitaux d’emprunter aux mêmes conditions que l’État.
Proposition n°10 : Étendre le vote pour désigner le vice-président du Directoire à l’ensemble de la communauté médico-soignante. Les membres de la CSMIRT pourraient alors disposer d’un droit de vote.
Proposition n°11 : Intégrer les directeurs des soins au corps des directeurs d’hôpitaux.
Proposition 12 : “Universitariser” la fonction de directeur d’institut de formation.
Proposition n°13 : Mettre en place un objectif de parité au sein du Directoire, des CME et parmi les chefs de service.
Proposition n°14 : Dégeler le point d’indice de la fonction publique pour revaloriser les carrières publiques hospitalières.
Proposition n°15 : Intégrer un critère de pénibilité dans les rémunérations des personnels hospitaliers et agir sur les métiers en tension.
Proposition 16 : Repartager les responsabilités et compétences entre soignants pour une prise en charge plus efficace des parcours.
Proposition n°17 : Élargir la prime d’exercice territorial aux exercices conventionnés avec la ville, sur le même modèle que celui entre établissements publics.
Proposition n°18 : Établir un barème d’accès à l’activité libérale qui soit plus juste et proportionnel. Proposition n°19 : Allouer un pourcentage de la masse salariale à la qualité de vie au travail.
Proposition n°20 : Revoir les organisations pour éradiquer les schémas dépassés et réinjecter les moyens humains nécessaires.
Proposition n°21 : Améliorer la formation des managers de terrain (cadres et chefs de service) et valoriser leur engagement.
Proposition n°22 : Valoriser financièrement les établissements s’engageant dans la lutte contre les inégalités professionnelles femmes/hommes.
Proposition 23 : Renforcer la sensibilisation des futurs professionnels sur l’égalité femmes/hommes dans leur formation initiale.
Proposition 24 : Mener une politique d’égalité professionnelle en matière d’accès au secteur d’activité libérale des médecins hospitaliers.
Notes
↑1 | DRESS, « Les médecins d’ici à 2040 : une population plus jeune, plus féminisée et plus souvent salariée », 2017. |
↑2 | La fin du passage systématique par les banques commerciales, dans le respect du droit de l’UE, doit permettre de sécuriser le financement des établissements de santé et de faire des économies au niveau macro (puisque les établissements ont accès à des emprunts à des taux bien plus intéressants qu’auparavant). Ces dispositions seraient accompagnées d’un garde-fou : validation par la tutelle de tout emprunt pour les établissements dont les ratios financiers – indépendance financière, durée apparente de la dette, encours de la dette sur le total des produits – seraient dégradés. |
↑3 | Missionné le 19 décembre 2019 par le gouvernement pour travailler sur la médicalisation de la gouvernance et la simplification du fonctionnement de l’hôpital, le professeur Olivier Claris, Président de la commission médicale d’établissement des Hospices Civils de Lyon, a remis son rapport le 16 juin 2020, après la première vague de la pandémie de covid-19. |