Journée internationale des droits des femmes : la contribution de Myriam BOUALI en hommage à Maudy PIOT [Tribune #6]
Il y a quelques années de cela, je rencontrais Maudy Piot. Je ne connaissais rien de cette femme, des combats qui l’animaient. Je découvrais alors cette voix qui portait, ce rire si particulier, et cette pugnacité qui l’animait envers et contre tous.
Elle parlait vite, avec ferveur et nous présenta son association et cette double discrimination que nous n’envisagions pas, ou si mal : être une femme en situation de handicap et être victime de violences.
Je travaillais alors auprès d’une autre femme, qui elle aussi allait m’apprendre beaucoup en m’embarquant dans une aventure peu commune, au sein du secrétariat d’Etat en charge des personnes en situation de handicap et de l’exclusion.
Je pénétrais ainsi dans le monde du handicap, un monde particulier, mais non à part, et je commençais à en comprendre les contours, les limites, jusqu’à cette absence de liberté de mouvement, de choix, de vie même.
Néanmoins, ce n’était rien en comparaison avec la réalité que nous allions découvrir. La réalité de ces femmes. Il y a celles privées de leurs fauteuils, de leur liberté de mouvement, celles privées d’assistance ou de soins, celles à qui on nie le droit d’être un être humain ou plutôt d’être reconnue en tant que tel. Il y aussi celles à qui on a refusé le droit d’être mère, pendant un temps stérilisées de force, celles dont on craint qu’elles transmettent le handicap, celles à qui on retire la garde de leurs enfants pour des motifs infondés, celles que l’on n’a pas diagnostiquées et laissées des années dans l’ignorance.
La souffrance quotidienne, à domicile, voire institutionnelle, que subissent ces femmes nous échappait complètement. Loin de vouloir dresser une litanie de victimes, je cherche simplement à rapporter les voix de ces femmes, certes discordantes, disgracieuses, mais présentes. Maudy était de celles-là.
Les combats n’ont pas disparu derrière cette grande dame, ils ont au contraire une force et une vigueur que l’on ne leur avait jamais connues.
Pourtant, de quelles femmes parlons-nous ? Combien sont-elles et comment les aider ? C’est là où le bât blesse, c’est là où notre manque de connaissance et de données sur le sujet ne nous permet pas de prendre en compte la réalité d’une situation que l’on aimerait continuer à ignorer.
L’invisibilité des personnes en situation de handicap ne doit pas susciter pitié et charité. Ce serait pour certain.e.s une humiliation de plus, elle doit au contraire nous pousser à nous poser des questions sur notre propre rapport au handicap.
Maudy disait souvent que l’on s’adressait plus volontiers à son chien qu’à elle. J’ignore si le « changement de regard », slogan de ces dernières années, serait encore le remède. Je ne le crois pas, mais la réponse mêle certainement tout à la fois, le respect, la citoyenneté, l’abolition de barrières physiques ou psychologiques.
Il faut pousser des portes sans cesse, se battre pour toujours plus. Elles sont de plus en plus nombreuses à prendre la parole, à porter une voix que l’on entend peu. Sur les réseaux sociaux, dans les associations, au quotidien.
A nous de faire un pas de côté et de leur laisser la parole.
Rien sans elles, pour elles!
A la mémoire de Maudy Piot