TOP

Refaisons du travail et de la défense des travailleurs des valeurs de gauche [Note #86]

Chef du pôle Économie de L’Hétairie Secrétaire national du Parti socialiste.

Depuis la Révolution industrielle, le travail s’est imposé comme une composante essentielle de nos sociétés. Avec le développement de l’économie marchande, il est un instrument de création de valeur, la contribution de chacun à l’œuvre productive. Il s’érige, de ce fait, en rapport social central. Mais, depuis le XIXe siècle et sous l’influence notamment des théories marxistes qui placent la figure de l’ouvrier au cœur de la classe prolétaire, le travail est aussi un élément de réalisation des femmes et des hommes [1]R. N. BERKI, “On the Nature and Origins of Marx’s Concept of Labor”, Political Theory, 1979, vol. 7, n° 1.. Il s’agit ici du travail comme outil d’insertion sociale.

Aujourd’hui, alors que recule l’influence de structures collectives comme la famille ou les églises, le travail continue de jouer un rôle majeur dans les processus de sociabilité, un rôle instituant en ce qu’il permet de prendre sa place dans la société, d’en être reconnu. À l’inverse, l’absence de travail ou la souffrance au travail engendre, trop souvent, un sentiment de déclassement et de marginalisation très douloureux.

Mais ses mutations récentes questionnent sous un jour nouveau sa place dans la société et son arrimage idéologique dans la classe politique. Longtemps marqueur de la gauche, le travail serait-il en passe, depuis le « travailler plus pour gagner plus » de Nicolas Sarkozy, d’être préempté par la droite ?

Les propos tenus par la Première ministre Elisabeth Borne, lors de la passation de pouvoir avec le nouveau ministre du Travail le 23 mai 2022, réitérés lors de son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale le 6 juillet dernier, ont beaucoup fait réagir, et notamment à gauche, autour de la place accordée au travail dans notre société et dans la trajectoire individuelle de chaque citoyen. Mme Borne déclarait ainsi, le 23 mai : « Le travail c’est la clé de la dignité, l’occasion de faire, d’apporter sa pierre à la société et de gagner sa vie par soi-même. Le travail c’est ce qui donne un sens à sa vie ». L’émoi provoqué par cette déclaration, dont plusieurs aspects peuvent certes faire l’objet de critiques, interroge sur le rapport que la gauche entretient au travail.

D’autant que, depuis, ont germé les polémiques nées des déclarations de François Ruffin puis de Fabien Roussel, ou encore de celles de Sandrine Rousseau, opposant la « valeur travail » d’un côté au « droit à la paresse » de l’autre, dans un affrontement médiatique malheureusement trop souvent caricatural. Ces débats posent néanmoins une question cruciale (qui fait écho aux préoccupations des Françaises et des Français) concernant le discours que tient la gauche sur le travail, la façon dont celui-ci est perçu par l’opinion publique, laquelle ne semble plus créditer la gauche d’une primauté sur le sujet. À tel point que l’on peut s’interroger sur la nature du véritable clivage interne à la gauche : le travail surpasserait-il l’identité, la laïcité ou l’universalisme ?

Le travail en mutation dans toutes ses dimensions

Sous l’effet de la mondialisation des flux de main d’œuvre, de la mécanisation du travail, de sa raréfaction ou de sa précarisation, le rapport social au travail est remis en cause. Lorsqu’il se fait durablement absent, qu’il est délocalisé sans ménagement, que l’humain y est remplacé par des machines de plus en plus sophistiquées, qu’il ne permet plus de vivre et de subvenir à ses besoins élémentaires, qu’il en engendre souffrances physiques et/ou psychologiques, le travail peut-il toujours être considéré comme un facteur d’émancipation ?

De fait, le travail est un concept aujourd’hui en mutation profonde dans trois dimensions :

  • Comme facteur de production : À partir du XVIIe-XVIIIe siècle, avec le développement de l’économie marchande et l’unification d’activités autrefois diverses, le travail devient un instrument de création de valeur. Il est alors la contribution de chacun à l’œuvre productive collective. Mais aujourd’hui, un nombre croissant d’activités, notamment dans le champ de l’économie numérique, créent beaucoup de valeur sans avoir recours – ou très peu en proportion de la richesse créée – au travail.
  • Comme élément de réalisation de l’Homme : Il s’agit du travail comme activité humaine que l’on voit se développer chez les penseurs du XIXe siècle tel Marx. Travailler c’est produire, transformer l’ordre naturel des choses. Le travail est une liberté créatrice, une réalisation de soi. Cette conception du travail se heurte évidemment au problème du chômage de masse. S’il n’y a plus d’emploi en nombre suffisant, l’emploi étant la structure sociale du travail, alors l’individu est privé d’un de ses moyens de développement.
  • Comme système de distribution des revenus et des droits : C’est l’héritage de la pensée socialiste. À travers le développement du salariat, le travail est le lieu où est distribué le revenu et s’ancrent différents droits (consommation, formation, protection sociale). Le salariat comme instrument de justice sociale s’appuie alors sur le rôle de l’État, garant de la croissance et promoteur du plein emploi. Aujourd’hui, les limites – notamment écologiques – de la croissance invitent à repenser notre rapport à la production et le modèle du salariat est remis en cause, au profit d’une société de travailleurs indépendants qui rompt avec les mécanismes de solidarité collective

Faut-il, sur la base de ce constat, acter irrémédiablement la « fin du travail » ? L’absence de travail ne doit pas être confondue avec le déficit d’emplois. Au contraire, les secteurs de la transition écologique ou de l’aide à la personne, qui concentrent par exemple les besoins essentiels des décennies à venir, nécessiteront un volume de travail conséquent. Les mutations profondes, numériques, écologiques, démographiques, auxquelles nous sommes confrontés induisent des bouleversements économiques majeurs et un grand nombre de transitions industrielles et professionnelles vont nécessiter une planification publique. Il convient à la fois de créer les emplois nécessaires à la mobilisation de cette force de travail et de permettre dans le même temps que celui-ci s’exerce dans des conditions propices à l’émancipation individuelle et la digne rémunération de l’activité.

Le travail, un acquis social

Interrogés sur leur rapport au travail dans le cadre d’une grande étude européenne [2]International Social Survey Programme (ISSP), 2015., les Français plébiscitent l’importance du travail. 95 % des répondants le considèrent en effet comme important ou très important. Fait notable, le taux est d’autant plus élevé que les répondants sont éloignés de l’emploi, signe qu’ils perçoivent celui-ci comme un vecteur d’intégration et d’émancipation sociale.

Mais les mêmes personnes interrogées réfutent l’omniprésence du travail dans leur vie et démontrent qu’ils sont à la recherche d’un meilleur équilibre entre vie personnelle et professionnelle. Les Français attachent donc une importance certaine au travail comme déterminant de leur position sociale, mais manifestent le désir d’une vie en dehors du travail, dont ils ne font pas l’unique clé de leur épanouissement. Cela plaide à la fois pour un meilleur partage du travail, afin que le plus grand nombre puisse bénéficier de cette intégration sociale et de cette émancipation individuelle et collective par le travail, mais aussi pour de nouvelles formes et sans doute de nouveaux rythmes d’organisation du travail, pour tenir compte du désir puissant des générations présentes et à venir d’une meilleure circonscription de la place du travail dans leur vie.

Pour cela, il est impératif que notre conception du travail ne se résume pas à la rétribution financière qui en découle. Les mêmes études qualitatives sur le sens du travail révèlent que les Français sont parmi les Européens qui déclarent le plus souvent souffrir d’un manque de reconnaissance au travail et sont les moins satisfaits de leurs conditions de travail. Ils pointent une insatisfaction face aux relations hiérarchiques (et donc un problème lié au « management » perçu comme étant de mauvaise qualité), mais aussi un manque de participation aux décisions liées à la vie de l’entreprise. En conséquence, ils sont également ceux qui déclarent le plus spontanément souffrir de stress ou de fatigue liés au travail. En résumé, les travailleurs aimeraient être plus étroitement associés aux choix stratégiques liés à leur environnement de travail, ce qui permettrait d’en relever le sens et d’en améliorer les conditions d’exercice.

Le travail comme statut social  

Pour la gauche, le travail ne peut être cantonné ni à un système d’organisation de la production, ni à un système de distribution des revenus. Il est aussi – et c’est l’héritage de la pensée socialiste et de l’action de la gauche de gouvernement – un système de garantie des droits sociaux. C’est en effet avec l’émergence du salariat et son système de rémunération que le travail devient ce pivot de l’organisation sociale à travers lequel s’organise la justice sociale.

Aujourd’hui, la nature du travail est remise en cause par une idéologie libérale qui prétend départager les travailleurs, « méritants » de ceux qui sont dépourvus d’emploi, défaut dont la responsabilité leur incomberait et qu’une partie de la société regarde comme une faute morale, véritable prétexte à la marginalisation symbolique et à l’exclusion. Il y aurait d’un côté « ceux qui se lèvent tôt » et, de l’autre, ceux qui auraient choisi l’assistanat. Cette idéologie a prospéré depuis le début des années 2000, cadenassant et stérilisant un débat pourtant urgent sur les évolutions du travail et du pacte social. Elle fonctionne malheureusement car elle offre à l’opinion publique une catégorie de « privilégiés » bien plus visibles dans leur quotidien que les 0,1% des plus riches. En ce sens, c’est une lecture de la société dans laquelle on peut facilement se projeter et qui peut même être valorisante, par contraste, si l’on a soi-même un travail. Elle est particulièrement pernicieuse car laisse dans l’ombre le travail aliénant : les maladies professionnelles, l’emploi précaire, les régimes horaires subis. Or, pour la gauche, il ne saurait être question de choisir entre la défense du travail et la défense des travailleurs !

Le dogme libéral de la « baisse du coût du travail » a nourri le déclin de notre tissu productif, négligé les compétences et l’innovation qui font la dimension humaine du travail. Le chômage de masse, qui s’est depuis trop longtemps imposé avec fatalité dans notre pays, prive nombre de nos concitoyens d’une partie de leur appartenance au corps social et contribue à un processus de déshumanisation des travailleurs entretenu par des politiques de culpabilisation des chômeurs [3]Se reporter à une précédente note de L’Hétairie..

La remise en cause du salariat par la promotion de statuts dérogatoires assis sur l’indépendance fictive et le mythe du « tous entrepreneurs » [4]Se reporter à une précédente note de L’Hétairie. particulièrement visible dans la formule incantatoire de la Start-up Nation [5]Se reporter à une précédente note de L’Hétairie., présente un risque sérieux pour la pérennité des droits sociaux. La lutte contre l’indépendance fictive est ainsi un double enjeu de défense du salariat comme de l’entreprenariat. Ces bouleversements du monde de travail menacent d’accroître la fracture sociale en créant durablement deux catégories de travailleurs.

Le rôle de l’État et des politiques publiques de l’emploi

Cette perspective ne constitue toutefois nullement une fatalité. Elle légitime en revanche une offre politique renouvelée qui place le travail au centre du pacte social et écologique sans le réduire à sa dimension d’activité allocative de revenus. Refaire du travail un élément de sociabilité, porteur de sens et source d’émancipation des femmes et des hommes, c’est réaffirmer la nécessite de replacer l’intervention de l’État au cœur de l’action publique et des politiques de l’emploi.

Les mutations technologiques et numériques de l’économie, à titre d’exemple, semblent suffisamment engagées pour qu’un retour en arrière soit totalement illusoire. Si l’État n’a pas le pouvoir d’interdire à des géants du e-commerce comme Amazon de séduire les consommateurs, il a le pouvoir et les moyens de définir les conditions d’exercice de son activité et de veiller à l’intégration de l’activité économique dans la société. Il a le pouvoir et les moyens d’exiger de ces entreprises multinationales qu’elles paient leur juste part d’impôts et se soumettent aux vérifications de l’Inspection du Travail, qu’il conviendra de réarmer car il n’est de bonne régulation si l’on ne se donne les moyens de la faire appliquer, et donc de la contrôler.

L’État a le pouvoir et les moyens de fixer des normes de rémunération et de conditions de travail qui permettent de ne pas indexer l’essor d’un modèle économique sur l’exploitation des travailleurs. Il a le pouvoir et les moyens d’imposer une réglementation environnementale exigeante qui n’assied pas la recherche légitime de la croissance sur la destruction de nos biens communs. La réaffirmation du rôle de l’État est bien ici la clé d’une régulation de l’économie dans le sens de l’intérêt collectif. 

La régulation, toutefois, ne pourra suffire à remédier à la crise de l’emploi qui frappe nos sociétés depuis les années 1980. Le chômage de masse est un fléau par lequel le rapport de force économique devient défavorable aux travailleurs mais également à ceux qui sont privés d’emplois. Car ces derniers sont maintenus dans une dépendance aux allocations de subsistance dont on sait la violence stigmatisante avec laquelle elles sont très souvent vécues, d’autant plus que l’accompagnement au retour à l’emploi est défaillant sinon inexistant, malgré toute la bonne volonté et l’engagement des équipes de Pôle emploi.

Contrairement à ce que prétendent les gouvernements successifs depuis 2017, l’action politique d’Emmanuel Macron n’y a nullement mis fin. Elle a simplement masqué en partie ce chômage de masse, soit en réduisant l’accès au chômage [6]Se référer à une précédente note de L’Hétairie., soit en transformant une partie des demandeurs d’emplois en auto-entrepreneurs sans revenus [7]Se référer à une précédente note de L’Hétairie..

Il s’agit pour la gauche de réaffirmer l’objectif du plein emploi, c’est-à-dire d’un emploi pour tous, qui devrait être une évidence alors que le droit au travail est proclamé par la Déclaration universelle des droits de l’Homme et le droit à un emploi inscrit dans la Constitution.

Par son action régulatrice, mais aussi par son intervention directe dans le champ économique, l’État dispose en effet des leviers directs et indirects pour créer de l’emploi et mieux répartir les compétences en fonction des besoins de l’économie. Par un véritable service public de l’emploi, l’État est à même d’offrir à chacun et chacune une formation qui permette le libre choix de son travail et d’assurer les transitions professionnelles tout au long de la vie.

Réaffirmer le droit à l’emploi pour tous, c’est aussi œuvrer à l’amélioration des conditions de travail. Autrefois mené au sein de l’usine, ce combat s’est peu à peu affaibli avec l’émergence de nouvelles formes d’emploi et le déclin de l’influence des organisations syndicales à la faveur de ce morcellement du travail et de la désindustrialisation.

Des attentes nouvelles

Redonner une dimension collective aux luttes pour le travail et les droits des travailleurs est d’autant plus important que nous semblons vivre une période charnière dans l’évolution des représentations du travail par les travailleurs eux-mêmes. Le travail, tel qu’il a été institué au siècle précédent, est aussi aujourd’hui remis en cause, notamment par les jeunes générations qui manifestent une quête de sens dans leur approche du travail.

Ce phénomène ne doit pas nécessairement être négativement perçu en ce qu’il serait le signe d’une génération peu avide de travailler. Celle-ci manifeste au contraire une capacité de réflexion et de projection sur la place occupée par le travail dans leur vie, sur son sens. Loin d’un supposé désintérêt pour le travail, il s’agit d’une recherche qualitative du travail, tant sur le plan des conditions de vie que d’une certaine éthique sociale (adéquation entre le travail occupé et la conception que l’on se fait du monde).

Il n’y a pas de raison de penser que cette révolution, si elle se confirme, ne puisse être bénéfique à la collectivité. À condition toutefois d’en limiter les potentiels effets pervers. Si ce phénomène touche davantage les jeunes diplômés, il n’est pas étranger au « succès » initial de l’ubérisation et au recours à l’auto-entreprenariat chez un certain nombre de jeunes moins qualifiés qui y voyaient le moyen de travailler et de gagner de l’argent sans les contraintes d’organisation et de hiérarchie assimilées au salariat, ne percevant pas immédiatement les renoncements en termes de droits que ce statut supposait.

À ce titre, promouvoir le « mieux vivre au travail » est un enjeu central des décennies à venir si l’on entend réellement renouer avec la promesse d’émancipation par le travail. Cela passe notamment par la redéfinition du rôle social de l’entreprise mais aussi des hiérarchies sociales et managériales en son sein. Il ne saurait y avoir de travail émancipateur dans une organisation qui ne favoriserait pas la codétermination, où les discriminations continueraient d’avoir prise et ne seraient fermement combattues, où l’égalité entre les femmes et les hommes ne passerait de idéal à la réalité. C’est, on l’a vu, l’une des aspirations grandissantes des travailleurs. C’est aussi une condition essentielle de la performance de nos entreprises.

Une entreprise au sein de laquelle les inégalités sont réduites par la régulation de l’échelle des salaires, dans laquelle la lutte contre les maladies et troubles professionnels fait l’objet d’une attention particulière, dans laquelle l’égalité femmes-hommes est non seulement promue mais assurée, est une entreprise qui fonctionne mieux. Renouer avec le combat pour l’amélioration des conditions de travail, c’est promouvoir des entreprises, communautés humaines organisées autour d’un projet partagé par l’ensemble de leurs composantes, œuvrant dans leur diversité au bien commun en renforçant leur responsabilité sociale et environnementale.

Le travail doit payer pour permettre de vivre

Il est toutefois impossible de penser mieux vivre au travail sans s’assurer de mieux vivre de son travail. Le spectre grandissant de l’inflation éclaire d’une lumière nouvelle la dégradation des conditions de vie induite par la stagnation des salaires dans le secteur privé et plus encore dans le secteur public. Si la législation française et notamment l’existence d’un salaire minimum – bien que contourné de plus en plus largement par l’émergence des nouvelles formes de travail – offre une protection relative, il n’en reste pas moins que la stagnation des rémunérations dans la fonction publique a conduit à une paupérisation réelle de certaines professions (professeurs, agents de l’hôpital public, etc.) et que le phénomène des travailleurs pauvres prend de l’ampleur.

C’est notamment cette figure qui a émergé des premières semaines de mobilisation du mouvement des « gilets jaunes » : des Françaises et Français qui ont adhéré au discours sur la « valeur travail », n’ont pas ménagé leurs efforts mais ne perçoivent pas une rémunération décente à même de leur permettre, a minima, de maintenir leur niveau de vie. Dès lors, quel horizon s’offre à ces travailleurs si leur force de travail ne permet plus d’assurer une vie décente à leur famille ?

Dans un contexte inflationniste, la hausse généralisée des salaires paraît difficile. Mais des politiques de régulation des rémunérations et de redistribution peuvent permettre, en limitant les écarts de salaires et en mettant à contribution les rémunérations les plus hautes, de redonner du pouvoir d’achat à travers le salaire aux travailleurs des tranches les plus basses.

Alors qu’au troisième trimestre 2020, la France comptait 2,7 millions de chômeurs, il n’est pas inutile de reposer la question du partage du travail et de la réduction du temps de travail – question qui, nulle part ailleurs qu’en France, ne suscite autant de débats enflammés, notamment du fait de la droite qui l’a érigée en dogme. Pourtant, dans la réalité, la durée hebdomadaire moyenne du travail excède aujourd’hui les 39 heures selon les données de la Dares [8]Direction de l’Animation de la recherche, des Études et des Statistiques, Ministère du Travail.  ; mais le volume global de travail est mal réparti entre des salariés et des indépendants qui travaillent beaucoup, d’autres qui subissent un temps partiel qu’ils ne souhaitent pas, et d’autres enfin qui se trouvent privés d’emplois alors qu’ils souhaiteraient en avoir un.

Le débat sur la réduction du temps de travail ou sur sa réorganisation ne devrait d’ailleurs pas se limiter à une conception hebdomadaire. Quid de la modulation du temps de travail tout au long de la vie qui permet d’adapter le volume de travail en fonction des aléas de l’existence ? Quid, enfin, de la possibilité d’un départ échelonné et progressif vers la retraite, qui s’articule avec une transmission intergénérationnelle des savoirs et des compétences, quand d’autres veulent étendre jusqu’à parfois 67 ans le travail de séniors déjà massivement frappés par le chômage ?

Rémunération, protection juridique, organisation du travail et qualité de vie au travail sont donc des sujets intimement liés. La gauche doit s’en saisir si elle entend de nouveau apparaître comme la défenseure du travail et partir à la reconquête d’un électorat populaire et de classe moyenne qui l’a progressivement abandonnée.

Au sein de L’Hétairie, nous serons au rendez-vous de ce combat en continuant de proposer [9]Se reporter aux références précitées mais également aux autres présentes sur la page du pôle dédié, dans les prochaines semaines et dans les prochains mois, des publications autour de cette thématique du travail, avec des propositions de politiques publiques destinées non seulement à refonder le rapport de la gauche au travail mais, surtout, à apporter des solutions concrètes et opérationnelles aux situations d’emploi, de mal emploi ou d’absence d’emplois que vivent nos concitoyens.

Notes

1 R. N. BERKI, “On the Nature and Origins of Marx’s Concept of Labor”, Political Theory, 1979, vol. 7, n° 1.
2 International Social Survey Programme (ISSP), 2015.
3 Se reporter à une précédente note de L’Hétairie.
4 Se reporter à une précédente note de L’Hétairie.
5 Se reporter à une précédente note de L’Hétairie.
6 Se référer à une précédente note de L’Hétairie.
7 Se référer à une précédente note de L’Hétairie.
8 Direction de l’Animation de la recherche, des Études et des Statistiques, Ministère du Travail.
9 Se reporter aux références précitées mais également aux autres présentes sur la page du pôle dédié